En janvier dernier, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) s'inquiétait du projet de refonte de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la commission des recours des réfugiés (CRR) préparé par le gouvernement consécutivement à la réforme du droit d'asile (1), une « machine à créer de “faux déboutés” » en puissance, selon elle (2). Au vu du décret paru cet été, force est de constater qu'aucune des craintes exprimées par la commission n'aura été dissipée (3).
L'étranger demandeur d'asile (ou désireux d'obtenir le statut d'apatride) ne dispose plus que d'un délai de 21 jours (au lieu de un mois auparavant) à compter de la remise de son autorisation provisoire de séjour pour présenter une demande « complète » auprès de l'OFPRA- signée et accompagnée de deux photographies d'identité récentes ainsi que, le cas échéant, du document de voyage et de la copie du document de séjour en cours de validité. Elle doit être rédigée en français sur un imprimé établi par l'office. Ce délai est ramené à huit jours dans l'hypothèse d'un étranger souhaitant obtenir le réexamen de sa demande, cas de figure qui peut se présenter si l'intéressé souhaite, à la suite d'une décision de rejet devenue définitive, soumettre à l'office des éléments nouveaux (4).
C'est le directeur général de l'office qui, au terme d'une instruction unique, reconnaît ou non le statut demandé ou accorde la protection subsidiaire (5). Il statue « au vu des pièces et des informations dont il dispose à la date de la décision » et en informe l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception.
Le silence gardé pendant deux mois à compter de la date d'enregistrement de la demande d'asile constitue une décision implicite de rejet. Mais le décret impose, au-delà de ce principe, des délais d'instruction dans certains cas de figure. L'office saisi par un demandeur placé en procédure prioritaire doit ainsi statuer dans les 15 jours. Tel sera le cas par exemple d'une personne ressortissante d'un « pays d'origine sûr ». La procédure prioritaire vise également les demandeurs d'asile placés en rétention administrative mais, pour eux, le délai d'instruction est encore plus court puisque l'office ne dispose plus que de 96 heures pour traiter leur dossier. C'est également le temps imparti au directeur de l'office saisi d'une demande de réexamen pour décider si, au vu des éléments produits, il y a lieu de procéder ou non à un nouvel examen de la situation du requérant.
Tout en informant le demandeur de sa décision, le directeur général de l'OFPRA doit simultanément faire connaître le caractère positif ou négatif de cette dernière au préfet compétent (au préfet de police à Paris), ainsi qu'au directeur de l'Office des migrations internationales. En outre, s'il s'agit d'une décision de rejet, il doit automatiquement, comme la loi le prévoit désormais, en informer le ministère de l'Intérieur. Ce dernier peut même demander à l'office de lui communiquer certains documents en rapport avec l'intéressé. Afin de s'assurer de la bonne application de la loi sur ce plan, le décret crée au sein même de l'office une « mission de liaison » avec le ministère. Celle-ci pourra, en plus, être « consultée en tant que de besoin sur les éléments relevant de la compétence du ministère de l'Intérieur utiles à l'instruction de la demande d'asile ». Ultime témoignage du resserrement des liens entre la Place Beauvau et l'office : le directeur général adjoint de l'OFPRA, poste nouvellement créé, est nommé par le directeur général après consultation non seulement du Quai d'Orsay mais aussi du ministère de l'Intérieur.
Le directeur de l'office possède, depuis l'entrée en vigueur de la réforme, le titre de « directeur général ». Ce poste est désormais occupé, pour trois ans, par l'ancien ambassadeur de France en Bulgarie, Jean-Loup Kuhn-Delforge (6). Le décret du 14 août dresse la liste de ses compétences. Il précise, entre autres, son rôle en matière de délivrance aux réfugiés et apatrides des pièces qui leur sont nécessaires pour soit exécuter les divers actes de la vie civile, soit faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection. Il est ainsi spécialement habilité à :
certifier la situation de famille et l'état civil des intéressés tels qu'ils résultent d'actes passés ou de faits ayant eu lieu dans le pays à l'égard duquel les craintes de persécution du réfugié ont été tenues pour fondées et, le cas échéant, d'événements postérieurs les ayant modifiés ;
attester la conformité avec les lois du pays en question des actes passés dans ce pays ;
signaler le cas échéant les intéressés à l'attention des autorités compétentes, en particulier pour les questions de visa, de titre de séjour, d'admission aux établissements d'enseignement et d'une manière générale pour l'accès aux droits sociaux auxquels peuvent prétendre les bénéficiaires de l'asile ;
signaler aux autorités compétentes les bénéficiaires de la protection subsidiaire auxquels un titre de voyage doit être délivré et indiquer pour chaque cas la liste des pays autorisés.
Il est assisté dans ses tâches d'un directeur général adjoint, d'un secrétaire général, d'un secrétaire général adjoint et de chefs de division.
Nouveau venu également dans l'organigramme de l'OFPRA : le « conseil d'administration » de l'office, qui se réunit « au moins deux fois par an et chaque fois que cela est nécessaire ». On en sait désormais plus sur ses attributions - il est notamment charger d'étudier et de proposer au gouvernement « toutes mesures propres à améliorer le sort des réfugiés et le fonctionnement de l'office » - mais aussi sur sa composition. Et en particulier sur les « représentants de l'Etat » en son sein. Ce sont ainsi Matignon, les ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur, des Affaires sociales, de la Justice et de l'Economie qui sont représentés au conseil.
Quant aux trois personnalités qualifiées qui « assistent » aux séances, le décret indique qu'elles sont nommées pour trois ans sur proposition du Quai d'Orsay après avis des ministres représentés au sein de l'instance. Le texte précise encore que le conseil d'administration peut « inviter toute personne concernée par l'ordre du jour à assister à ses délibérations ».
La loi ne faisait que le sous-entendre mais le décret l'écrit aujourd'hui noir sur blanc : au-delà des décisions de rejet, la commission des recours des réfugiés peut désormais être saisie des décisions de l'office accordant le bénéfice de l'asile. Elle est également compétente pour statuer sur les recours :
formés contre les décisions de l'office prises à la suite d'une procédure retirant ou mettant fin au bénéfice de l'asile ;
formés contre les décisions portant rejet d'une demande de réexamen ;
en révision dans le cas où il est soutenu que la décision de la commission a résulté d'une fraude.
Dans cette dernière hypothèse, le recours doit être exercé dans le délai de deux mois après que la fraude a été constatée. Dans les trois autres cas, les recours doivent être exercés dans le mois suivant la notification de la décision de l'office.
Le décret revient encore sur la nouvelle possibilité offerte par la loi aux présidents des différentes sections de la commission des recours des réfugiés, ainsi qu'au président de la commission lui-même, de régler par ordonnances les recours « ne présentant aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision de l'OFPRA ». Sans donner plus de précision sur la notion d'absence d' « élément sérieux », le texte spécifie simplement que cette ordonnance ne peut être prise « qu'après étude du dossier par un rapporteur ».
(1) Voir ASH n° 2340 du 2-01-04.
(2) Voir ASH n° 2345 du 6-02-04.
(3) Sur les réactions associatives, voir ce numéro.
(4) Il devra alors, avant tout, poser une nouvelle demande d'admission au séjour.
(5) Pour mémoire, la protection subsidiaire peut être accordée aux étrangers qui, bien que menacés dans leur pays, ne peuvent prétendre au statut de réfugié prévu par la convention de Genève.
(6) Décret du 19 août 2004, J.O. du 20-08-04.