Les associations d'aide aux demandeurs d'asile et aux réfugiés ne peuvent que réitérer les critiques qu'elles avaient déjà formulées sur les décrets relatifs au droit d'asile, finalement parus le 18 août (voir ce numéro) après plusieurs mois de gestation.
Le délai pour faire enregistrer son dossier à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ayant été ramené de un mois à 21 jours, Forum réfugiés (1) craint que les demandeurs « ne soient pas en mesure de restituer correctement les raisons qui les ont contraints à fuir leur pays ». D'autant que la majorité d'entre eux ne dispose pas d'accompagnement social et administratif et que la nouvelle loi sur l'asile (2) a rendu la constitution de leur dossier plus complexe. « Les risques sont alors réels de voir une demande d'asile considérée comme manifestement infondée », prévient Forum réfugiés, qui enregistre déjà dans son dernier rapport (3) une baisse du taux d'accords (14,8 %) en 2003.
L'autre décret, sur l'admission au séjour des requérants, soulève aussi des inquiétudes. Il avait d'ailleurs été dénoncé par la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (4). Après quatre mois de procédure, les candidats au statut de réfugié devront désormais justifier d'un lieu de résidence pour renouveler leur titre de séjour. « Il est à craindre, là aussi, que les personnes ne puissent satisfaire à cette exigence alors que la très grande majorité d'entre eux ne disposent pas d'un hébergement stable et sont contraints de se domicilier à la boîte postale d'une association ou à l'adresse d'un tiers à laquelle ils ne résident pas forcément », souligne Forum réfugiés. Même indignation chez France terre d'asile (FTDA) (5) : « Ce décret est tout simplement inapplicable ! », estime l'association, qui souligne que les 20 000 à 30 000 demandeurs hébergés chaque année à l'hôtel risquent du coup d'être doublement pénalisés.
Pour les organisations d'aide aux demandeurs, cette disposition paraît d'autant plus injuste que la capacité du dispositif d'accueil est largement sous-dimensionnée : 12 173 places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) existaient en 2003, soit six fois moins que le nombre nécessaire pour couvrir les besoins. Or, pointe FTDA, 70 % des demandeurs hébergés dans le dispositif national d'accueil obtiennent le statut de réfugié. Pour les ressortissants afghans, ce taux s'élève même à 94 % ! La preuve, souligne l'association, que l'accompagnement social et juridique garanti par les CADA est essentiel pour accéder au droit d'asile.
Pour limiter « les discriminations qui frappent les demandeurs d'asile non accompagnés », FTDA vient justement de publier un guide pratique (6) à destination des professionnels amenés à assister juridiquement les requérants. Avancée significative, néanmoins : le ministère de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale vient de garantir par circulaire (voir ce numéro) la création des 3 000 places en CADA promises en juin par Jean-Louis Borloo, selon un nouveau système de répartition régionale. « Nous avons l'assurance que ces places sont pérennes, se réjouit Pierre Henry, directeur général de FTDA . Autre nouveauté : leur création doit être validée par les comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale, c'est-à-dire que les CADA sont enfin reconnus comme des centres d'hébergement et de réinsertion sociale à part entière, ce qui est sécurisant. »
Reste que le durcissement des procédures risque de provoquer une multiplication des rejets et d'amplifier les problèmes d'hébergement, seuls les demandeurs d'asile en première instance à l'OFPRA pouvant être accueillis en CADA. C'est pourquoi FTDA plaide pour que les déboutés qui ont formulé un recours puissent également y accéder.
(1) Forum réfugiés : BP 1054 - 69612 Villeurbanne cedex - Tél. 04 78 03 74 45.
(2) Voir ASH n° 2340 du 2-01-04.
(3) Voir ASH n° 2369 du 23-07-04.
(4) Voir ASH n° 2365 du 25-06-04.
(5) France terre d'asile : 25, rue Ganneron - 75018 Paris - Tél. 01 53 04 39 99.
(6) « Droit d'asile, aide aux dossiers - Le guide pratique du dossier de demande d'asile (première instance et recours) » - Les Cahiers du social n° 5 - 7 €.