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« Aide à domicile, un métier incompatible avec tout projet d'avenir »

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Michèle Piquerel-Morin (1) exerce depuis six ans, à Rennes, la profession d'aide à domicile... et souhaite la quitter malgré les satisfactions qu'elle lui apporte. Son principal grief : l'instabilité ingérable des rémunérations.

« Je vis le métier d'aide à domicile de l'intérieur et je peux témoigner des difficultés rencontrées dans ce secteur.

« Il faut surmonter la peur du vieillissement, de la maladie, de la mort, ne pas se laisser dépasser par l'aigreur des uns, le désespoir des autres... Il faut parfois soulever des personnes de 60 à 80 kg alors que l'on n'en pèse soi-même que 50.

« Heureuses, les aides à domicile ? Oui, malgré tout, car nous aimons nos “petits vieux” qui nous le rendent bien. Nous recréons un univers de confidences que beaucoup d'enfants nous jalouseraient, s'ils le savaient. Le métier est très dur, mais si l'on sait se faire respecter, il devient agréable et surtout valorisant. Dans notre société, où l'on ne remercie plus guère pour service rendu, il est appréciable d'entendre chaque jour “sans vous, je serais perdue, sans vous...”. Quelle agréable litanie, lorsque certains jours le désespoir s'empare de vous.

« Car les principales difficultés sont liées à un encadrement insuffisant et à l'absence de salaires stables et vivables.

« Voici le métier tel que je l'ai connu il y a six ans : aucune formation ; manque de référent en cas de problème, pas de temps pour des réunions ; repas rapides pris dans un parc ou dans les escaliers, hiver comme été ; salaire horaire brut : 41,30 F (6,30  € environ), jours fériés non payés ; objectif : faire le plus d'heures possible dans la journée, sachant que les temps de transport ne sont pas rémunérés et qu'il faut parfois faire deux heures et demie de trajet pour huit heures de travail ; perte de salaire totale si la personne âgée est hospitalisée ou en vacances.

« La situation a quelque peu évolué. Voici celle que je vis actuellement : depuis deux ans, accès à toutes sortes de formations ; toujours pas de référent en cas de problème ;salaire horaire brut début 2003 : 7,60  € environ ; depuis juillet 2003, rémunération suivant le niveau de formation, ce qui constitue une première revalorisation du métier ; jours fériés payés de quelques euros “de consolation” ; mise en place de la mensualisation pour un nombre d'heures minimal fixe pour celles qui le désirent, à condition d'être totalement disponibles ; étant donné le salaire, repas toujours pris dans un parc ou dans les escaliers ; pas de changement pour les temps de transport ; toujours une perte de salaire si la personne âgée est hospitalisée ou en vacances. La rémunération peut diminuer d'un tiers, voire de deux tiers, pendant l'été.

« La question de la formation a donc été abordée en force. Il faudrait maintenant s'attaquer au problème essentiel, celui de la rémunération des salariés. Comment peut-on vouloir mettre en place un système d'aide aux personnes âgées en s'appuyant sur un modèle de fonctionnement moyenâgeux ? Si, en fin de mois, vous vous demandez comment vous allez boucler votre budget, comment voulez-vous être disponible pour aborder sereinement votre métier ? On peut vivre avec le SMIC, mais le voir amputé d'un quart parce qu'une patiente vient d'être hospitalisée et d'un autre quart parce qu'une autre part deux mois et demi en vacances, ce n'est pas gérable. Voilà ce qui m'est arrivé en juin, et qui m'arrivera sûrement encore plusieurs fois dans l'année.

« Voilà ce qui fait que je cherche du travail ailleurs, bien que j'aime ce métier et qu'il me donne beaucoup de satisfactions. Voilà ce qui fait que le métier d'aide à domicile ne dure pas pour la majorité d'entre nous. On y entre pour la plupart par obligation, par dépannage. On se prend à l'aimer. On est obligé de le quitter par insécurité, si on vit seul ou si on est chargé de famille. Ce métier est incompatible avec tout projet d'avenir. C'est ce qui fait aujourd'hui toute sa faiblesse. »

Notes

(1)  8, rue de la Quintaine - 35000 Rennes.

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