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Les foyers-logements souhaitent sortir de l'impasse

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Structures originales, à mi-chemin entre le domicile et la maison de retraite, les foyers-logements voient leurs spécificités remises en cause par les nouvelles réglementations. Des propositions existent, formulées par le rapport Grunspan, mais elles n'ont guère été suivies d'effet. Et les promesses du gouvernement de rouvrir le dossier semblent encore très vagues.

En pleine expectative. C'est ainsi que se décrivaient, lors d'une rencontre organisée à leur intention (1), les responsables de foyers-logements, confrontés à la fois à l'évolution des populations accueillies et à la mise en œuvre de nombreuses réformes. A commencer par celle de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes  (EHPAD). Afin de s'y conformer, les foyers- logements dépassant un seuil de dépendance fixé au GIR moyen pondéré (GMP) de 300 doivent signer une convention avec l'Etat et le conseil général et s'engager à adapter leurs locaux à l'accueil de ces personnes.

Or, depuis plusieurs années, ces structures ont vu, comme d'autres, croître l'âge moyen de leurs résidents et augmenter en conséquence les situations de perte d'autonomie. Conçus pour des personnes valides de 60 ans, certains foyers-logements, qui offrent à la fois un logement autonome et des services collectifs (restauration, aide à la vie quotidienne, soins courants, présence d'un gardien de jour comme de nuit...), fonctionnent aujourd'hui quasiment comme des maisons de retraite, avec des services de soins externalisés ; d'autres continuent dans une logique d'hébergement classique.

Désormais, avant la fin de 2006, les gestionnaires devront avoir décidé s'ils s'engagent ou non à se transformer en EHPAD, c'est-à-dire faire le choix ou non de la médicalisation de leur structure. « La réforme, explique Béatrice Longueville, déléguée générale adjointe de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas)   (2), est venue percuter des processus existants, interrogeant le devenir des foyers-logements. En particulier sur cette question de l'externalisation :nombre d'établissements se demandent s'ils vont pouvoir maintenir, dans le cadre de la réforme de la tarification, des services facultatifs externalisés - avec des coûts beaucoup moins importants - et donc le droit au choix de leurs résidents. »

En outre, comme tous les établissements recevant des personnes âgées, les foyers-logements sont soumis depuis quelque temps à une nouvelle réglementation de sécurité-incendie (type J). Pour la respecter, leurs responsables doivent réaliser des travaux dont le coût peut s'avérer très élevé et entraîner une hausse de la redevance à la charge des résidents. Car nombre de ces bâtiments ne sont plus aux normes après 30 ou 40 ans d'existence. Pour Béatrice Longueville, se conformer à la réglementation de sécurité-incendie entraîne « un coût important, estimé à trois millions d'euros pour une structure de 80 places. Alors qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'entrer dans cette logique de travaux lourds pour tous les établissements. Or ce débat a été longtemps écarté. »

Par ailleurs, certains ne souhaitent pas - et ce ne sera sans doute pas toujours utile, en fonction des besoins de la population dans chaque territoire - perdre leur vocation initiale, à savoir offrir une réponse aux différents besoins (sécurité, proximité et rupture d'isolement) de personnes âgées valides. Mais c'est surtout leur âme que nombre de professionnels ne veulent pas perdre. Il existe en effet une sorte de culture commune à laquelle les professionnels se montrent très attachés. Les foyers-logements demeurent une forme d'hébergement originale, offrant à leurs résidents un logement indépendant, suffisamment spacieux pour qu'ils puissent le considérer comme comparable à leur domicile. La sécurisation de jour comme de nuit, l'ancrage dans un environnement (centre-ville, quartier ou commune rurale), l'accompagnement dans les gestes de la vie quotidienne, l'offre de services facultatifs sont considérés comme autant d'atouts spécifiques. En outre, les responsables défendent bec et ongles leur vocation sociale. Il s'agit en effet d'accueillir des personnes aux revenus modestes, bénéficiant souvent de l'aide personnalisée au logement (APL). « La restructuration que nous impose la loi, affirme Danielle Hoffman-Rispal, députée et maire adjointe de Paris chargée des personnes âgées, risque de nous obliger à porter la redevance à la charge des résidents à 2 500  par mois, alors que nos résidences services - comme on les appelle à Paris - offrent actuellement un tarif moyen de 750 à 850  . En outre, la transformation en EHPAD ne serait pas assez souple pour prendre en charge nos différents publics, plus ou moins affaiblis physiquement et fragilisés socialement. » C'est donc la question des moyens que mettent en avant les responsables, qui demandent à l'Etat le déblocage de financements pour leur réhabilitation.

Même si beaucoup reconnaissent la nécessité de s'adapter à des situations de dépendance de plus en plus fréquentes - ce que différentes structures ont déjà commencé à faire -, nombre de professionnels s'interrogent encore sur l'existence d'une alternative à la transformation en EHPAD. Ainsi, l'Association nationale des cadres communaux de l'action sociale (Anccas) regrette « que les gestionnaires de foyer-logement soient placés le plus souvent devant une alternative radicale : se transformer en établissement (EHPAD) pour pouvoir continuer à accompagner les personnes lorsque survient la dépendance, ou redevenir un regroupement de logements sans moyens et sans possibilité pour accompagner celles en perte d'autonomie ».

Les professionnels souhaitent donc pouvoir sortir d'une dichotomie EHPA/ EHPAD, en imaginant des solutions plurielles et en offrant une palette de réponses sur un territoire donné. Certains CCAS ont ainsi conventionné en EHPAD quelques-uns de leurs établissements, créant par ailleurs de petites unités de vie proposant un minimum de services et destinées à des personnes moins dépendantes. « Loin d'être archaïque, la formule des foyers-logements permet à des personnes âgées d'avoir un logement personnel, presque un domicile, tout en disposant de services, estime Geneviève Laroque, présidente de la Fondation nationale de gérontologie. Cette idée de logements avec services est de plus en plus intéressante : les foyers-logements peuvent devenir des pôles de service polyvalents avec aide et soins à domicile, aide aux familles, tout un ensemble de prestations d'aide et de soutien autour d'un bâtiment. » Pour Claudy Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa), les foyers-logements offrent déjà « un champ très large de réponses plurielles. C'est un secteur qui a su cultiver la différence et s'imprégner au plus près des besoins des personnes âgées. Au moment où l'on veut faire entrer l'ensemble des foyers- logements dans un dispositif qui pourrait apparaître comme un carcan, il faut garder de la place pour la richesse que portent leurs promoteurs. Le changement ne doit pas faire peur, mais pour cela il faut une impulsion nationale, une visibilité qui n'existe pas actuellement. »

Aujourd'hui, les acteurs du secteur demandent aux ministères concernés de procéder à des aménagements : en imaginant des solutions mixtes avec possibilité d'un conventionnement partiel, en allégeant la norme type J pour les établissements au GMP inférieur à 300... Autant de propositions qui figuraient dans le rapport Grunspan (3) - dont chacun avait reconnu la qualité de l'analyse -, mais qui n'ont pas été suivies d'effet. Lors du colloque organisé en mars dernier, Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale, s'était engagé à « sortir ce dossier », assurant ses interlocuteurs d'une réelle volonté du ministère : « Il faut des réponses adaptées en fonction de l'environnement des structures. Nous nous devons d'inventer des solutions intermédiaires ; nous ne sommes pas dans un monde binaire. » Jean-Jacques Trégoat avait alors évoqué comme « une piste de réflexion » la possibilité pour ces établissements soit d'adopter un forfait soins, soit de faire intervenir un service de soins infirmiers à domicile dans l'établissement pour prendre en charge les personnes ne pouvant pas rester sans médicalisation. Il a également annoncé, en juin, lors de la journée nationale de l'Unccas, la mise en place d'un groupe de travail pour répondre aux problématiques de terrain.

Quoi qu'il en soit, l'Unccas incite ses adhérents à adopter aussi rapidement que possible une position claire en fonction de la population concernée et des possibilités de chaque structure. Il y a, selon elle, des choix réels à faire avant la date butoir désormais fixée à la fin de 2006. « Actuellement, le passage en EHPAD appelle des compétences qui sont rares et chères et impose de monter un dossier de conventionnement. Il y a en tout cas nécessité d'une réflexion sur le fond, de prendre dès maintenant le dossier à bras-le-corps », insiste Béatrice Longueville. Qui demande également aux pouvoirs publics- l'Unccas a adressé le 15 juin un courrier en ce sens au gouvernement - de rouvrir d'urgence ce dossier (4), en particulier le volet concernant le financement et l'investissement. « On a trois ministères qui se renvoient la patate chaude et ne bougent pas », s'impatiente la déléguée générale adjointe de l'Unccas.

LE FLOU SUR LES DÉFINITIONS ET LES CHIFFRES

Largement développés dans les années 70 et 80, en particulier par les communes, via les centres communaux d'action sociale, les foyers-logements étaient alors destinés à offrir des logements salubres et bien équipés à des personnes âgées dont le domicile n'offrait pas ce confort. Cette formule permettait en outre d'assurer une certaine sécurité aux résidents, tout en leur proposant divers services : animation, restauration et, par la suite, soins courants. Néanmoins les définitions des foyers-logements sont multiples et les données statistiques manquent cruellement. Le ministère du Logement recensait 153 000 logements appartenant à des structures de foyers-logements fin 2000 et l'INSEE 135 662 en 1999 (19,4 % des personnes vivant en institution). Une étude de 1996 du ministère de l'Emploi et de la Solidarité faisait état de 155 703 places réparties au sein de 2 940 foyers-logements (5). Les deux tiers environ des foyers-logements - soit 110 000 places - sont gérés par des centres communaux d'action sociale.

Reprenant la demande exprimée par Jean-Pierre Grunspan dans son rapport, les ministères du Logement et des Affaires sociales avaient demandé en octobre aux préfets de département d'établir un état des lieux « patrimoine et population » des foyers-logements afin de connaître le cadre bâti, le financement et les populations accueillies. Celui-ci, assure Gérard Fouré, conseiller technique au cabinet d'Hubert Falco, sera terminé à l'automne. Par ailleurs, ajoute-t-il, « nous avons rencontré les responsables des sociétés HLM, et des discussions sont prévues avec les collectivités territoriales pour voir comment on peut renégocier des plans pluriannuels d'investissement. Une discussion aura également lieu avec le ministère de l'Intérieur pour faire le point sur les questions de sécurité incendie. De quoi se faire une idée globale de la situation et des réponses à apporter d'ici à la fin de l'année. » « C'est toujours le même discours, le gouvernement cherche à gagner du temps », s'impatiente l'Unccas, échaudée par les nombreuses rencontres avec le cabinet Falco ou avec la direction générale de l'action sociale, non suivies d'effet. « Des propositions ont été faites, qu'attend- on pour les concrétiser ? », s'agace-t-elle. Sans doute la volonté politique de mettre fin au flou actuel.

Sandrine Pageau

Notes

(1)   « Quel avenir pour les foyers-logements ? », colloque organisé par EHPA Conseil et le Mensuel des maisons de retraite le 31 mars dernier.

(2)  Qui organisait le 2 juin à Paris une « journée nationale sur le devenir des foyers-logements ».

(3)  Voir ASH n° 2299 du 21-02-03.

(4)  Voir ASH n° 2366 du 2-07-04.

(5)  Chiffres cités par le rapport Grunspan.

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