Avant même l'entrée en vigueur de la réforme du droit d'asile au 1er janvier 2004 (1), l'année 2003 a été marquée par le nouveau cap de la politique française en la matière, révèle l'état des lieux de Forum réfugiés (2). « L'asile est pernicieusement pris en otage dans les mailles étroites du dossier de l'immigration et des politiques de contrôle migratoire », estime l'association, qui explique notamment cet « effacement de l'exigence de protection » au profit de la réduction des flux par l'influence de la politique européenne.
Conformément aux objectifs gouvernementaux, et en prévision de l'application de la réforme, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a réussi à apurer son « stock » de dossiers en souffrance :8 800 demandes étaient en attente depuis plus de quatre mois à la fin de l'année, contre 22 500 à la fin 2002. Le nombre de décisions a crû de 33,5 % (67 030), la durée de l'instruction est passée de dix mois en 2003 à quatre mois au début de l'année 2004, avec l'objectif d'atteindre à terme deux mois.
Revers de la médaille de cette course au chiffre, selon l'association : le taux d'accord global, par l'OFPRA et la commission des recours des réfugiés (CRR), a chuté à 14,8 % (6 526) en 2003, alors qu'il était de 16,9 % en 2002. Le nombre de procédures prioritaires, qui offrent aux requérants des conditions nettement moins favorables pour la constitution de leur dossier, a quant à lui augmenté de 19 %. La CRR a enregistré une hausse de 40 % du nombre de recours. Mais si la commission n'est pas rapidement dotée de moyens supplémentaires, prévient Forum réfugiés, « l'alternative sera alors la multiplication des rejets par voie d'ordonnance ou l'installation dans une procédure de plusieurs années, comme c'est le cas devant les juridictions administratives ».
Certaines pratiques abusives seraient en outre venues aggraver les mauvaises conditions d'accueil des demandeurs d'asile : « Si les délais d'accès à la procédure d'asile ont été raccourcis dans de nombreuses préfectures, des pratiques préfectorales dissuasives continuent de persister dans de nombreux départements. » Certains, par exemple, refusent les domiciliations associatives, sans attendre la parution du décret qui vise à les restreindre (voir également ci-contre). Le projet de texte, jugé inquiétant par les associations, limite à quatre mois l'acceptation de cette domiciliation pour bénéficier d'un titre de séjour et oblige les associations à être agréées par la préfecture.
Côté hébergement, la direction de la population et des migrations prévoit pour 2005 un renforcement du dispositif national d'accueil, qui porterait à 17 000 le nombre de places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Mais « ce chiffre sera en deçà des besoins si le rythme des arrivées se poursuit dans les prochains mois », sachant qu'aujourd'hui, seulement 23 % des besoins sont couverts. Pendant ce temps, la paupérisation des populations s'accroît : les demandeurs d'asile ne bénéficient plus, depuis le 1er janvier 2004, de l'allocation d'attente, qui s'élevait à 304,89 € par adulte, versés en une seule fois.
Forum réfugiés déplore par ailleurs que la politique nationale « relègue la dimension de l'insertion des réfugiés au dispositif de droit commun » et, dans le contexte de la phase II de la décentralisation, aux collectivités territoriales. Eligibles au revenu minimum d'insertion, les réfugiés devront désormais se tourner vers les conseils généraux. « Pourtant, sans une volonté affirmée de l'Etat pour l'insertion des réfugiés statutaires, passant par l'allocation de moyens financiers et une campagne d'information publique, la sortie des réfugiés du dispositif d'accueil restera problématique », prévient l'association.
(1) Voir ASH n° 2340 du 2-01-04.
(2) L'asile en France et en Europe, état des lieux 2004 - Forum réfugiés : BP 1054 - 69612 Villeurbanne cedex - Tél. 04 78 03 74 45 - 13 €.