Les dispositions diverses (Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 et décision du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, J.O. du 10-03-04 ; circulaire crim-04-4-E8 du 14 mai 2004, à paraître au B.O.M.J.)
Parachevant le dispositif introduit par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure - qui avait accordé aux services d'enquête et d'instruction un pouvoir de réquisition ciblé sur les informations contenues dans des systèmes informatiques -, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité leur reconnaît une compétence plus large, applicable depuis le 12 mars 2004. Cette attribution vaut tant dans le cadre de l'enquête de flagrance (code de procédure pénale [CPP], art.60-1 nouveau) qu'en matière d'enquête préliminaire (CPP, art. 77-1-1 nouveau) et au cours d'une instruction (CPP, art. 99-3 nouveau).
Dans ces trois situations, l'officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge d'instruction, selon les cas, peut désormais requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête ou l'instruction, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, sans que puisse lui être opposée, « sans motif légitime », l'obligation au secret professionnel.
Les intervenants varient suivant les cas. Si en matière d'enquête de flagrance, c'est l'officier de police judiciaire qui peut opérer de telles réquisitions, dans le cadre d'une enquête préliminaire, ces réquisitions doivent être prises soit par le procureur de la République lui-même, soit, sur autorisation de celui-ci, par l'officier de police judiciaire, qui ne peut donc agir d'office. Enfin, en cours d'instruction, c'est le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire qui intervient.
Autrement dit, souligne une circulaire du 14 mai 2004, « ces dispositions donnent désormais clairement aux enquêteurs le droit de procéder à des réquisitions, même en préliminaire, auprès des organismes sociaux, fiscaux ou bancaires, qui ne pourront pas opposer le secret professionnel pour refuser de remettre les documents requis ». D'ailleurs, le fait de s'abstenir de répondre « dans les meilleurs délais » à ces réquisitions est puni d'une amende de 3 750 €, les personnes morales étant également reconnues pénalement responsables de ce délit dans les conditions qui leur sont propres (quintuple de l'amende). Ces sanctions sont plus dissuasives que celles qui résultaient de l'article R. 642-1 du code pénal qui ne prévoyait qu'une amende contraventionnelle de deuxième classe.
A noter que cette disposition, qui concerne en particulier les travailleurs sociaux, contraignait, dans une première mouture du texte, les acteurs sociaux soumis au secret professionnel à révéler toute information, même orale, et non pas seulement des documents. Ce qui, selon l'Association nationale des assistants de service social, remettait totalement en cause le secret professionnel (1). Elle a donc insisté, avec succès, pour que seuls demeurent communicables les documents écrits.
Si la loi ne précise pas la forme de ces réquisitions, la circulaire du 14 mai 2004 indique qu'un « écrit paraît toutefois nécessaire pour que, en cas de refus de réponse à la réquisition, des poursuites pénales soient engagées ». En outre, « il paraît opportun que la réquisition écrite informe l'intéressé des sanctions encourues ».
Une exception est toutefois posée par la loi Perben II. Lorsque les réquisitions concernent des avocats, médecins, huissiers, notaires et journalistes, la remise des documents requis ne peut intervenir qu'avec leur accord, et le délit de refus de réponse ne leur est pas applicable. Ces personnes bénéficient en effet de règles spécifiques en matière de perquisitions destinées à protéger les principes fondamentaux garantissant l'exercice de leur profession.
Les dispositions concernant la justice pénale des mineurs
ASH n° 2351 du 19-03-04.
Les dispositions concernant la lutte contre la délinquance sexuelle et la protection des mineurs
ASH n° 2352 du 26-03-04.
Les dispositions concernant la lutte contre les discriminations
ASH n°2353 du 2-04-04.
Les dispositions concernant les détenus et les aménagements de peine
ASH n° 2360 du 21-05-04 et ASH n° 2363 du 11-06-04.
Les dispositions concernant les mesures alternatives aux poursuites
ASH n° 2365 du 25-06-04.
Les dispositions concernant l'aide aux victimes
ASH n° 2367 du 9-07-04.
La loi du 9 mars 2004 systématise, par ailleurs, le recours aux enquêtes sociales rapides dans le cadre de la comparution immédiate - procédure de jugement rapide des délits - et de la procédure du « plaider coupable », instaurée par cette même loi, avant toute réquisition de placement en détention provisoire (CPP, art. 41 modifié). Auparavant, cette enquête sociale, réalisée par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse ou les personnes habilitées et destinée à informer le juge sur la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, n'était obligatoire qu'en cas de placement en détention provisoire envisagé à l'encontre d'une personne âgée de 18 à 21 ans et encourant 5 ans au maximum d'emprisonnement.
Autrement dit, la loi étend cette obligation aux détentions provisoires envisagées dans le cadre de la procédure de comparution immédiate ou dans le cadre de la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité créée par la loi (voir encadré ci-dessous).
Cette disposition entrera toutefois en vigueur le 1er octobre 2004 (art. 207, I de la loi).
Trois dispositions de la loi du 9 mars 2004, applicables depuis le 12 mars 2004, ont pour objet de faciliter le fonctionnement de la juridiction de proximité. Une instance, composée de juges non professionnels, créée par la loi Perben du 9 septembre 2002 pour régler les petits litiges de la vie quotidienne aussi bien en matière civile que pénale (2).
Dans le cadre pénal, pour simplifier la procédure tant pour le parquet que pour la partie civile, la loi Perben II complète l'article 706-72 du code de procédure pénale pour prévoir un mécanisme de renvoi de l'affaire lorsque, selon le cas, la juridiction de proximité ou le tribunal de police est saisi à tort. Cette disposition est applicable depuis le 12 mars 2004.
Les articles 63 et suivants de la loi consacrent dans le code de procédure pénale le rôle du garde des Sceaux et celui des parquets généraux en matière de conduite et de coordination de la politique d'action publique (code de procédure pénale [CPP], art. 30,35 et 37) . Elle clarifie notamment le rôle du procureur général en affirmant sa mission d'animation et de coordination de l'action des procureurs de la République.
Trois nouvelles peines privatives ou restrictives de droits pouvant être prononcées en cas de délit puni d'une peine d'emprisonnement et à la place de celle-ci sont créées à compter du 1er octobre 2004 (art. 44 de la loi, code pénal, art. 131-6 modifié) :interdiction de paraître dans certains lieux, de fréquenter certains condamnés ou d'entrer en relation avec certaines personnes telles les victimes.
Pour les délits punis à titre principal d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à 5 ans, le procureur de la République pourra, à compter du 1er octobre 2004, d'office ou à la demande de l'intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, à l'égard de toute personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés (art. 137 de la loi, CPP, art. 495-7 à 495-16 nouveaux) . Cette procédure ne s'applique pas aux mineurs.
Ainsi, lorsque la juridiction de proximité constate que la qualification retenue dans l'acte qui la saisit concerne des faits relevant de la compétence du tribunal de police, elle doit renvoyer l'affaire devant ce tribunal après s'être déclarée incompétente. Il en est de même lorsque le tribunal de police est saisi de faits relevant de la compétence de la juridiction de proximité. Ce renvoi peut, le cas échéant, se faire à une audience qui se tient le même jour.
Cette disposition évite ainsi qu'en cas de saisine erronée de la juridiction de proximité ou du tribunal de police - que les poursuites émanent du parquet ou de la partie civile - une nouvelle citation doive être délivrée au prévenu devant la juridiction compétente.
En outre, la loi du 9 mars 2004 précise les conditions d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions introduites par la loi Perben I complétée de ses textes d'application, en ce qui concerne les juridictions de proximité.
Pour mémoire, un décret a fixé cette date d'entrée en vigueur au 15 septembre 2003, étant entendu que les tribunaux d'instance déjà saisis devaient rester compétents pour les procédures en cours. Toutefois, un problème est né du fait que certaines personnes condamnées pour contravention de police, au pénal, ont exercé des recours pour incompétence considérant que cette règle ne concernait que les procédures civiles en application de la règle selon laquelle les lois de compétences et d'organisation judiciaire sont immédiatement applicables en matière pénale. Dès lors, seules les juridictions de proximité pouvaient être compétentes pour ces litiges à compter du 15 septembre.
Pour mettre un terme à ce contentieux, il est expressément indiqué que le tribunal de police saisi avant cette date reste compétent, sous réserve des décisions judiciaires passées en force de chose jugée, c'est-à-dire devenues définitives.
Pour finir, il est désormais prévu que le juge d'instance exerce de plein droit, en cette qualité, les fonctions de juge de proximité lorsque aucun juge de proximité n'a été affecté au sein de la juridiction de proximité (code de l'organisation judiciaire, L. 331-9 modifié).
Dans une telle hypothèse, il est désormais inutile que le président du tribunal de grande instance désigne le juge d'instance pour exercer les fonctions de juge de proximité. Cette procédure demeure exigée en cas d'absence pour un autre motif ou d'empêchement du juge de proximité ou lorsque le nombre de juge de proximité se révèle insuffisant.
Rappelons que, dans le même esprit et pour éviter des doubles poursuites devant le tribunal de police et la juridiction de proximité, un récent décret portant sur le placement sous surveillance électronique et comportant également des dispositions sur la juridiction de proximité a prévu que cette dernière n'est pas compétente en cas de poursuite concomitante d'une contravention relevant de sa compétence avec des contraventions reprochées à une personne morale ou avec d'autres contraventions connexes ne relevant pas de ses attributions (3).
La loi du 9 mars 2004 a modifié, depuis le 12 mars 2004, l'article 112-2 du code pénal relatif à l'application dans le temps des lois de prescription. Jusqu'à présent, il était en effet prévu qu'une loi nouvelle n'était pas applicable immédiatement à la répression des infractions commises avant son entrée en vigueur si elle avait pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé. C'est cette réserve qui est supprimée par la loi Perben II. En clair, la règle interdisant l'application immédiate des lois de prescription quand elles ont pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé est abrogée. En revanche, une prescription plus longue ne peut bien sûr pas rouvrir une prescription déjà acquise.
Il résulte de cette modification que les réformes en matière de prescription des délits de presse racistes et des infractions sexuelles commises contre les mineurs, introduites par la loi Perben II, sont immédiatement applicables aux prescriptions en cours (4).
Exemple : tout en maintenant le point de départ différé à la majorité et l'assimilation de certains délits à des crimes, la loi du 9 mars 2004 a porté la durée du délai de prescription, pour les crimes sexuels ou les délits assimilés aux crimes, de 10 ans à 20 ans, et pour les autres délits sexuels, de 3 ans à 10 ans. Ainsi, un inceste commis en 1980 sur un enfant de 10 ans, qui pouvait être poursuivi jusqu'en 1998 selon les anciens textes et qui aurait pu l'être jusqu'en 2008 selon les nouveaux, demeure prescrit. En revanche, un tel acte commis en 1985 sur un enfant de 8 ans, poursuivable jusqu'en 2005 selon les anciens textes, pourra l'être jusqu'en 2015. Sophie André
(1) Voir ASH n° 2320 du 18-07-03.
(2) Voir ASH n° 2302 du 14-03-03 ; n° 2313 du 30-05-03 et n° 2317 du 27-06-03.
(3) Voir ASH n° 2352 du 26-03-04.
(4) Voir ASH n° 2352 du 26-03-04 et n° 2353 du 2-04-04.