Sentiment d'amertume pour les acteurs de la lutte contre l'exclusion. Après la satisfaction d'avoir vu certaines de leurs revendications reprises dans le plan national de cohésion sociale, en matière d'objectifs tout du moins, ils espéraient obtenir davantage au terme du débat qui devait conduire à des décisions concrètes, lors du premier comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE), institué par la loi de juillet 1998. Avec en vue l'idée force de rendre effectif « l'accès de tous aux droits de tous », comme l'a martelé le Conseil économique et social (1), et de donner plus de cohérence au pilotage des politiques publiques.
Malgré les contestations des membres du Conseil national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), le calendrier gouvernemental - pourtant peu lisible - a bel et bien été maintenu : annonce du plan Borloo le 30 juin, suivie du débat que devait constituer la conférence de lutte contre l'exclusion et pour l'insertion le 6 juillet. Le projet du gouvernement Raffarin III, tout à son « virage social », a éclipsé celui de Raffarin II, qui avait mis en branle au mois de décembre dernier, à la demande du Premier ministre, un élan de concertation avec tous les acteurs de la lutte contre la précarité. Dans cette perspective, le CNLE avait remis une centaine de fiches de propositions au gouvernement, s'inspirant notamment du rapport d'évaluation de l'inspection générale des affaires sociales, de nouveau mise à contribution (2). Mais la conférence, au final, risque de ne rester qu'un événement politique. Qu'en est-il de ce grand brassage d'idées censé corriger les dysfonctionnements constatés depuis six ans ?Après une réunion éclair d'une demi- heure, le CILE n'a retenu que des mesures subsidiaires venues conforter les orientations déjà prises par Jean-Louis Borloo. « La conférence nationale de lutte contre l'exclusion et pour l'insertion constitue l'approfondissement du volet exclusion du plan de cohésion sociale », avait d'ailleurs précisé Nelly Olin, sans ironie, en conclusion de la conférence. Après un message pourtant fort du Premier ministre- « La lutte contre l'exclusion est évidemment une priorité républicaine, sociale, mais c'est aussi l'intérêt économique du pays » -, les annonces ont déçu pas mal d'espoirs. Même si le sénateur Bernard Seillier (Aveyron, non inscrit) tempère la déception des associations : « Les décisions prises lors du CILE sont conformes à la nouvelle orientation qui consiste à vouloir assurer une bonne cohésion sociale pour assurer une bonne économie, et non l'inverse. Ensuite, tout ne peut pas se faire du jour au lendemain. Jean-Louis Borloo a indiqué qu'il ne manquait pas un centime à ce qu'il a demandé ; il a déjà énormément remporté, au vu de la situation des crédits de l'Etat... »
Reste que les demandes jugées prioritaires par le CNLE n'ont pas été satisfaites, au premier rang desquelles la création d'une mission interministérielle de la cohésion sociale et territoriale. La réforme budgétaire prévoit seulement que la lutte contre l'exclusion fasse partie de l'un des programmes d'une mission « Solidarité et intégration » et bénéficie d'un « document de politique transversale », qui peut être considéré comme un premier pas vers la vraie révolution que constituerait l'interministérialité. Mais, selon les membres du collectif Alerte, cette logique ne changerait rien à l'enclavement des politiques contre l'exclusion. « On ne peut pas constater qu'il y a des problèmes à la fois en matière d'emploi, de santé, d'éducation et de culture et isoler l'exclusion dans un programme particulier », regrette Gilbert Lagouanelle, directeur du pôle « action institutionnelle » du Secours catholique. Tant que le gouvernement ne considère pas ce chantier comme prioritaire, nous ne ferons qu'assister à une succession de plans avec la promesse que le dernier est toujours le meilleur. »
L'annualité de la conférence, qui devrait selon le CNLE, être chargée d'évaluer les dispositifs, n'est pas acquise, Bernard Seillier voulant faire accepter l'idée d'un compromis, en demandant une conférence bi-annuelle et une conférence thématique tous les ans. Pour l'heure, seule la conférence 2005 et la pérennisation du CILE ont été annoncées. « Si le retour à une philosophie qui prend en compte l'accompagnement des personnes nous satisfait, nous nous interrogeons sur la capacité de mise en œuvre des mesures annoncées, tant sur le plan budgétaire que du pilotage, explique Nicole Maestracci, présidente de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS). C'est la raison pour laquelle nous demandons que des moyens d'observation et d'évaluation du dispositif soient prévus en concertation avec les associations. »
Autre demande non satisfaite : celle de la mise en chantier de l'effectivité des droits, en particulier du droit au logement. « L'opposabilité restera vaine s'il n'y a pas d'opposabilité juridique », avait pourtant insisté Bernard Seillier devant les ministres de Jean-Louis Borloo. Le groupe de travail sur l'accès aux droits, co-présidé par Philippe Nogrix, sénateur (Union centriste) d'Ille-et-Vilaine et Bruno Grouès, chargé de l'exclusion à l'Uniopss, souhaitait que l'opposabilité du droit au logement soit inscrite dès 2004 dans la loi de programme de Jean-Louis Borloo, pour une mise en œuvre du recours juridique à échéance de cinq ans. Le gouvernement a finalement botté en touche, et ne s'est engagé que sur une promesse : celle d'accroître « l'autorité et l'indépendance » des commissions de médiation, qui pourraient saisir directement l'autorité délégataire du contingent préfectoral en vue de dégager des logements dans un certain délai.
La plupart des autres décisions ayant trait au logement ont été arrêtées par le plan Borloo. Plutôt bien accueilli parce qu'il prend enfin la mesure de la crise, ce dernier prévoit la production de 500 000 logements sociaux. Objectif satisfaisant, soulignent les acteurs du droit au logement, mais qui laisse néanmoins en suspens la question des moyens : « La production devra être doublée tandis que les crédits n'augmentent que de 50 % », relève Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. La question cruciale des financements inquiète également l'Union sociale pour l'Habitat (USH), directement concernée : « Nous restons sur des montants d'aide à la pierre qui ont baissé de 8 % en 2004, souligne Paul-Louis Marty, délégué général de l'USH, qui rappelle que le programme de 80 000 logements sociaux sur l'année « est très faiblement engagé » en raison des gels budgétaires. Les nouvelles constructions intégreraient en outre quelque 20 000 logements en prêts locatifs sociaux (PLS), soit des logements destinés à des revenus moyens. Les doutes subsistent également sur la volonté des collectivités territoriales de s'impliquer davantage : « Si la contractualisation prévue entre l'Etat, les organismes HLM et les collectivités territoriales n'est pas doublée d'une contrainte, on se retrouvera comme dans les années 90 : l'argent sera là, mais la production ne suivra pas », ajoute Patrick Doutreligne. Ces collectivités devraient par ailleurs être très vigilantes sur les conditions de transfert de crédits dans le cadre de la phase II de la décentralisation, qui devrait leur déléguer des compétences supplémentaires en matière de logement.
Beaucoup, également, était attendu sur le terrain de la prévention des expulsions. Le plan de cohésion sociale n'ira pas plus loin que l'accord déjà trouvé avec les organismes HLM, prévoyant seulement une amélioration des injonctions de payer visant à « rétablir la confiance des propriétaires ». Ce qui « est moins brutal que la résiliation du bail, estime Patrick Doutreligne, même si on peut regretter qu'il n'y ait pas de lien entre cette injonction et la mobilisation du Fonds de solidarité pour le logement [FSL] . » Le CILE, quant à lui, n'a fait que remettre une nouvelle fois à l'ordre du jour le référentiel commun pour les enquêtes sociales, déjà promis par Dominique Versini l'an dernier. Restant sourd à la demande unanime des acteurs du logement - organismes HLM comme associations familiales et d'usagers - le gouvernement a passé à la trappe le sujet des aides au logement, qui ont subi une réduction de crédits de 170 millions d'euros en janvier dernier. Les associations demandent d'ores et déjà que soit étudiée leur revalorisation pour 2004, et qu'elle soit indexée sur l'indice du coût à la construction, comme l'augmentation du prix des loyers. Les acteurs de l'insertion par le logement avaient également demandé un renforcement des moyens consacrés à l'accompagnement social des ménages, notamment en soutenant financièrement les structures d'aide et en mobilisant davantage le FSL. « Il faudra un système de péréquation pour la décentralisation de ce fonds vers les départements, qui ont déjà fait face à une augmentation de leurs dépenses sociales de 23 % en deux ans, avec des inégalités territoriales », rappelle Jean-Paul Alduy, co-président du groupe de travail sur le logement, également sénateur et maire (UMP) de Perpignan.
C'est sans doute dans le secteur de l'accueil et de l'hébergement d'urgence que les mesures s'avèrent les plus timides. Certes, l'objectif, inscrit dans le plan Borloo, de créer en cinq ans 1 300 places supplémentaires en CHRS et 4 000 places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), paraît ambitieux, bien qu'en deçà des besoins estimés par les associations, qui réclament la création de 500 places en CHRS par an et de 8 000 places en CADA. « Mais les nouvelles structures vont-elles bénéficier de moyens nouveaux, ou d'un redéploiement financier ? », s'interroge Jean-Marc Gilonne, directeur général de la FNARS. Il souligne également que les effets significatifs de cette programmation n'arriveront qu'en 2007, alors que le secteur nécessite des mesures d'urgence. « Un décret d'avance portant sur 186 millions d'euros est pourtant paru au Journal officiel le 16 juin dernier, pointe pour sa part Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile. Or, à ce jour, rien n'a été délégué sur le terrain, rien n'est certain quant à la pérennité de ces crédits pour 2005, rien n'est certain quant à la création, pourtant nécessaire, de 3 000 places de centre d'accueil pour demandeurs d'asile. » Si le gouvernement s'est attaché à renforcer la qualité de l'accompagnement des personnes hébergées et à faciliter leur accès aux logements sociaux, il n'a en revanche pas repris deux revendications principales du CNLE : pérenniser les dispositifs d'urgence en les intégrant au secteur social et médico-social et rééquilibrer l'offre d'accueil entre les régions. Deux souhaits qui se sont heurtés, de toute évidence, à des obstacles de coût.
Même si le dossier est entre les mains du ministre de la Santé, qui a promis une circulaire sur l'admission en urgence des patients sans couverture maladie, le CNLE espérait également un geste sur l'aide médicale de l'Etat (AME). « Le groupe s'est inquiété de l'instauration d'un ticket modérateur pour des personnes qui ne peuvent être responsabilisées par l'argent », avait insisté Bruno Grouès lors de la conférence, en direction de la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Le groupe de travail sur l'accès aux droits a également préconisé une fusion de l'AME et de la couverture maladie universelle (CMU), une indexation du seuil de la CMU sur le seuil de la pauvreté et un lissage des effets de seuil, notamment au profit des bénéficiaires de certains minima sociaux, comme l'allocation aux adultes handicapés. Le CILE n'a répondu que très partiellement à cette dernière préconisation, puisque, outre la possibilité de faire bénéficier de la CMU complémentaire 300 000 familles supplémentaires avec enfants, un crédit d'impôt, prévu par un amendement au projet de loi sur l'assurance maladie, devrait être mis en place pour acquérir une complémentaire santé.
Reste le sujet essentiel de l'emploi. Sous la pression des associations et des syndicats, le ministre avait déjà accepté de réformer le revenu minimum d'activité pour réintégrer les bénéficiaires dans leurs droits sociaux, sans pour autant leur donner entière satisfaction sur la création du contrat unique d'insertion. Ce dernier devait, selon les professionnels du secteur, être modulable en fonction de la capacité des personnes (de 10 heures à 35 heures) et être pris en charge à hauteur de 95 % pour les employeurs du secteur de l'insertion par l'activité économique. En réponse, Jean-Louis Borloo et son ministre délégué ont créé un nouveau dispositif, le contrat d'activité, destiné aux bénéficiaires de minima sociaux dans le secteur non marchand, pour une durée hebdomadaire de 26 à 35 heures, temps de formation compris. Si les contours de ce contrat, qui a pourtant suscité de fortes attentes, sont encore flous, les acteurs de l'insertion craignent déjà qu'il ne privilégie les personnes les plus opérationnelles. « Ce contrat sera pris en charge par une aide dégressive, or les associations ne pourront assurer le relais », ajoute Bruno Grouès.
Deux contrats aidés subsisteront en outre pour les plus de 26 ans (des mesures spécifiques ont été prises pour les jeunes), l'un pour le secteur marchand et l'autre pour le secteur non marchand, avec une incertitude sur le volume final de ces contrats, qui avait déjà subi une amputation de 80 000 postes (contrats emploi-solidarité et contrats emplois consolidés) en 2004. Une segmentation non pertinente aux yeux de la fédération Coorace, puisque l'insertion par l'économique œuvre aussi dans le secteur marchand, avec l'objectif de favoriser les parcours dans l'entreprise. « Quels sont les contrats qui pourront être utilisés par les chantiers d'insertion ?, s'interroge Nathalie Hanet Kania, secrétaire générale de la Fédération Coorace. Quels seront les transferts des contrats aidés vers les contrats d'activité ? Le gouvernement n'a, une fois de plus, pas fait la distinction entre les mesures pour l'emploi, qui ont pour objectif de baisser le coût du travail, et les mesures pour l'insertion, qui doivent être considérées comme un investissement de la collectivité dans l'accompagnement vers l'emploi ». Pour Bernard Seillier, auteur d'un rapport sur le contrat unique d'insertion réclamé par les associations, la « territorialisation » de l'action sociale voulue par Jean-Louis Borloo, qui devrait être engagée à la rentrée avec les DDASS et les DRASS, ainsi qu'avec les intercommunalités, devrait « être déterminante dans l'évolution de ces contrats ».
La question de la participation des usagers, qui avait fait l'objet d'un groupe de travail au sein du CNLE, a quant à elle quasiment été ignorée, seule l'élaboration d'une clause spécifique dans les conventions d'objectifs entre l'Etat et les associations étant annoncée. « Or la loi de 1998 demandait de créer les conditions d'une participation des usagers, préalable indispensable à l'accès aux droits, déplore Lucien Duquesne, vice-président d'ATD quart monde. Tout le monde semble d'accord sur le principe, mais il faudrait engager un travail sur la connaissance des populations et notamment sur la co-formation entre les personnes précaires et les professionnels ».
Si les ministres ont reconnu l'importance du travail associatif et de l'accompagnement social des personnes, rien n'a été prévu pour pallier la pénurie de travailleurs sociaux (voir sur ce sujet le rapport du CES). En revanche, le plan Borloo propose de « professionnaliser les métiers de la médiation sociale en créant de nouvelles formations diplômantes ». Le diplôme de technicien médiation (niveau IV) devrait d'ailleurs « être créé très prochainement » et s'ajouter au projet du ministère de l'Education nationale d'instituer un baccalauréat professionnel « service aux usagers » qui devrait couvrir le champ de la médiation sociale. Un risque de déqualification du travail social par la création de nouveaux métiers, que pointe Brigitte Bouquet, vice-présidente du Conseil supérieur du travail social : « Nous sommes décidés à pousser les feux pour faire reconnaître le travail social auprès du gouvernement, commente-t-elle. La médiation sociale, défendue par la politique de la ville, n'est positive que dans certaines conditions, et en complémentarité du travail social. »
Au menu du comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE), peu d'annonces spectaculaires mais essentiellement la reprise, en 41 fiches, d'une partie du plan de cohésion sociale dévoilé par Jean-Louis Borloo une semaine auparavant (3) , de mesures présentées ou évoquées plus tôt dans l'année, voire de pistes de travail arrêtées l'année dernière dans le cadre du troisième plan de lutte contre les exclusions proposé par Dominique Versini (4) . Quelques-unes viennent toutefois compléter ce qui a d'ores et déjà été dit. Selon le gouvernement, 375 millions d'euros supplémentaires seront dégagés dans la loi de finances pour 2005 pour réaliser les mesures du CILE. 1Le gouvernement prudent sur l'opposabilité du droit au logement C'était une revendication forte des associations et du groupe de travail sur le droit au logement constitué pour préparer à la fois les assises du 1er juillet et la conférence nationale (5) . Le gouvernement aura préféré rester prudent sur la question : l'opposabilité du droit au logement, qui permettrait aux personnes mal logées de recourir à la justice, n'est pas à l'ordre du jour. Pour les ministres, un obstacle principal empêche de franchir le pas : « le déficit de logements locatifs sociaux ». « Nous ne pourrons mettre en œuvre [le droit au logement] - si nous devons le mettre en œuvre - que quand on sera capable de mettre en face des logements », a indiqué la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion, Nelly Olin. Pour aller malgré tout « dans le sens de l'opposabilité », le gouvernement promet de renforcer, dans le cadre de la future loi « habitat pour tous », le rôle de la commission de médiation, qui peut être saisie pour mémoire par les demandeurs auxquels un logement social n'a pas été proposé au terme d'un délai anormalement long. Une instance dont « l'autorité et la lisibilité » ne sont pas aujourd'hui « avérées » et dont l'efficacité est limitée en raison de « conditions de saisine restrictives » et de « moyens d'actions limités ». L'idée sera « d'accroître son autorité et son indépendance » en la faisant présider par un magistrat ou une personnalité qualifiée désignée par le représentant du tribunal de grande instance. Habilitée à demander des informations aux bailleurs dépositaires de la demande, elle pourrait en outre se tourner vers une commune pour qu'une solution soit trouvée.14 autres mesures en rapport avec les problématiques liées au logement des personnes défavorisées ont été « arrêtées » par le comité interministériel. Le gouvernement envisage notamment d'inscrire dans le plan départemental d'action pour le logement des plus démunis un volet relatif au traitement de l'insalubrité, de diffuser un guide d'auto-évaluation de la décence du logement à destination des locataires et des propriétaires-bailleurs ou encore d'exonérer de la contribution sur le revenu locatif les logements loués par les unions d'économie sociale dans le cadre de leur vocation sociale, sur le modèle de ce qui existe pour les logements détenus par les associations ayant pour objet l'insertion par le logement. Sur la question de l'hébergement d'urgence, le ministre de la Cohésion sociale l'a indiqué le 30 juin dernier : le gouvernement entend porter la capacité du dispositif d'hébergement à 100 000 places d'ici à 2007. Un objectif rappelé par le comité interministériel, qui s'est également intéressé, au-delà, à l'aspect qualitatif. Les ministres souhaitent ainsi rénover les modes de prise en charge et les conditions de fonctionnement des structures d'hébergement provisoire et des centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Parmi les orientations retenues dans cette optique, citons le renforcement des équipes en charge de la gestion des accueils de nuit par des professionnels du travail social et de l'écoute psychologique ou encore la poursuite de « l'humanisation des centres d'hébergement, notamment dans la qualité professionnelle de l'accueil et de l'accompagnement ». Pour le comité, ces structures doivent ainsi « être en mesure, dès les premiers jours d'admission, de prévoir un entretien avec un travailleur social - interne ou externe […] - pour poser un diagnostic social ». ... … Signalons encore la décision du comité de regrouper au sein du budget des Affaires sociales les crédits affectés au fonctionnement de l'hébergement d'urgence, dont une partie relève actuellement de celui du Logement. Y seront ainsi rattachés les crédits de l'aide aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées (ALT) ainsi que les crédits d'aide au fonctionnement des aires d'accueil des gens du voyage. 1Les mesures dans le domaine de la santé Autre objectif arrêté lors du comité interministériel, cette fois dans le domaine de la santé : diminuer le taux de non-recours involontaire à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). « Tous ceux qui en auraient besoin ou qui le pourraient n'utilisent pas leur droit à la CMU », souvent en raison d'un manque d'information, qui touche surtout les plus démunis. Les ministres attendent donc des caisses une action visant à remédier à cette situation. Ils ont encore confirmé le relèvement annoncé du seuil d'accès à la CMU-C pour les familles (6) , l'objectif affiché étant, pour mémoire, de faire bénéficier de la CMU complémentaire 300 000 enfants supplémentaires et leurs parents. Ils comptent par ailleurs « lisser l'effet de seuil par la mise en place d'un crédit d'impôt de droit au niveau national pour acquérir une complémentaire santé ». Un amendement au projet de loi relatif à l'assurance maladie devrait aller dans ce sens. A signaler encore l'intention du gouvernement de créer dans les quartiers sensibles des « espaces prévention santé » avec les communes, les services sociaux de l'Etat et des départements ainsi que des professionnels du soin. La question des soins dispensés aux personnes sans domicile fixe (SDF) figurait également au programme du comité, avec la reprise du plan « halte santé » présenté quelques jours plus tôt par Philippe Douste-Blazy et Nelly Olin. 500 « lits infirmiers » destinés aux sans-abri convalescents qui sortent de l'hôpital devraient ainsi voir le jour d'ici à cinq ans dans les centres d'accueil, pour un coût de 1,82 million d'euros par an. Dans le même temps, 2,15 millions d'euros devraient être consacrés chaque année à la création, d'ici à cinq ans, de 50 équipes mobiles spécialisées (dix par an). Leur mission : « favoriser la prise en charge des troubles psychiques chez les personnes vivant dans la rue ». 1Un enterrement digne pour tous Le gouvernement souhaite, en outre, qu'il puisse être offert aux personnes isolées, précaires, SDF clochardisés, des obsèques « dignes et individualisées » . Et propose dans ce cadre d'élaborer une charte nationale entre l'Union nationale des centres communaux d'action sociale ou l'Association des maires de France et les milieux associatifs spécialisés. Y seraient rappelés un certain nombre de points (annonce du décès de la personne par voie de presse, poursuite du travail de recherche auprès des familles, aide aux associations, aux bénévoles pour établir des réseaux afin d'entretenir la tombe du défunt). 1Bientôt une campagne de communication sur l'exclusion ? Le principe d'une campagne de communication auprès du grand public, « destinée à changer le regard sur l'exclusion », refait aujourd'hui son apparition. La mesure a déjà été arrêtée à l'occasion des programmes de lutte contre les exclusions présentés en 2001 puis en 2003, mais n'a jusqu'à présent jamais été suivie d'effet. Signalons enfin que le gouvernement s'est engagé à réunir désormais chaque année le comité interministériel de lutte contre les exclusions. Pérennisé, également, l'élargissement de la composition du conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale aux partenaires sociaux, aux organismes de protection sociale, au Conseil économique et social et à diverses associations (7) . Les pouvoirs publics n'ont, en revanche, pas répondu au souhait des associations de faire de la conférence nationale de lutte contre l'exclusion et pour l'insertion un événement annuel. Tout juste ont-ils promis qu'une prochaine conférence serait organisée, en 2005, « pour préparer le prochain plan national d'action pour l'inclusion ». O. S.
Ouvert à la concertation avant le débat parlementaire prévu à l'automne, le plan de cohésion sociale « peut encore évoluer », selon les termes mêmes de Jean-Louis Borloo. Qui d'avance tient à chasser les inévitables questions des moyens : « Il manque toujours dix balles pour faire un franc, surtout dans le secteur social, mais l'idée est tellement pernicieuse qu'elle nous empêche d'agir », a-t-il lancé aux acteurs de la lutte contre l'exclusion, en clôture de la conférence. Le CES, saisi le 7 juillet de son plan, devrait rapidement donner son avis sur la question. Le collectif Alerte, lui, devait se réunir le 8 pour décider des suites à donner à ces premières annonces.
Maryannick Le Bris
(1) Dans son rapport rendu public en juin 2003, voir ASH n° 2316 du 20-06-03.
(2) Voir ASH n° 2359 du 14-05-04.
(3) Citons, pêle-mêle, à titre d'exemples, le renforcement de la lutte contre l'illettrisme, le soutien à l'insertion par l'activité économique, la création de guichets uniques sociaux - baptisés « pôles de premier accueil commun » - dans chaque département ou encore le renforcement du dispositif des points d'accueil et d'écoute jeunes - Voir ASH n° 2366 du 2-07-04.
(4) Voir ASH n° 2304 du 28-03-04.
(5) Voir ASH n° 2362 du 4-06-04 et n° 2365 du 25-06-04.
(6) Voir ASH n° 2361 du 28-05-04.
(7) Voir ASH n° 2347 du 20-02-04.