Les dispositions concernant l'aide aux victimes (Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 et décision du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, J.O. du 10-03-04 ; circulaire crim-04-4-E8 du 14 mai 2004, à paraître au B.O.M.J.) « Donner une orientation plus réaliste et plus humaniste à notre système judiciaire » et rendre notre justice « plus réactive ». Telle est, selon Dominique Perben, l'une des ambitions de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (J.O. Sén. [C. R.] n° 8 S. du 20-01-04). Même si, selon le garde des Sceaux, « en 2003, pour la première fois, le taux de réponse pénale a dépassé 70 % et le taux de classement est passé sous la barre des 30 % » (1), la capacité de traitement des juridictions reste très inférieure au nombre d'affaires dont la justice est saisie. « Face aux 5 millions de procédures transmises annuellement aux parquets, les tribunaux ont actuellement une capacité de décision de l'ordre de 400 000 par an », a précisé le ministre de la Justice devant les députés (J.O.A.N.[C. R.] n° 19 du 12-02-04). La loi Perben I du 9 septembre 2002 avait déjà amorcé une amélioration de la situation des victimes (2). Elle prévoyait en effet de compléter la liste des droits devant leur être notifiés par les enquêteurs dès la première audition (constitution de partie civile, assistance d'une association d'aide aux victimes, saisine de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction), de leur ouvrir la possibilité d'obtenir la désignation d'un avocat par le bâtonnier et, en cas d'infractions graves, de les faire bénéficier de plein droit de l'aide juridictionnelle.
Aujourd'hui, la loi Perben II va plus loin. Ainsi, elle prévoit d'autres modalités pour obtenir réparation, avec la mise en place, notamment, d'une procédure amiable d'indemnisation devant le Fonds de garantie des victimes d'actes terroristes et d'autres infractions, ou la possibilité d'être dédommagé des frais exposés lors de la phase d'instruction, jusqu'alors réservée aux seuls témoins. Par ailleurs, elle renforce le droit à l'information qui va permettre à la victime d'être tenue au courant non seulement du déroulement de la procédure judiciaire, mais aussi de l'exécution et de l'aménagement de la peine de l'auteur de l'infraction et, en particulier, lorsqu'une remise en liberté anticipée est envisagée. Au travers de cette dernière mesure, il s'agit donc de prendre en compte les intérêts de la victime et de la protéger avant d'envisager ladite mesure. Enfin, il est apparu important aux yeux du législateur, à la suite de la demande des associations d'aide aux victimes, de « ménager » les victimes en prévoyant la possibilité d'enregistrer leurs dépositions ou leurs auditions.
Toutes ces mesures s'appliquent un jour franc après leur publication au Journal officiel, soit depuis le 12 mars, hormis le cas des dispositions pour lesquelles une date d'entrée en vigueur spécifique est prévue. Une circulaire du ministère de la Justice du 14 mai 2004 est déjà venue donner des précisions sur les dispositions immédiatement applicables (3).
Notons que la préoccupation du gouvernement s'est également traduite par la création d'un secrétariat d'Etat aux droits des victimes (4). A sa tête, Nicole Guedj, qui, dans une interview accordée au Monde daté du 6 mai, affirmait sa volonté d' « uniformiser le droit des victimes ».
Actuellement, dans l'objectif de garantir les droits de la victime, la loi permet de placer la personne mise en examen- personne physique (code de procédure pénale[CPP], art. 138) ou personne morale (CPP, art. 706-45) - sous contrôle judiciaire assorti d'une obligation de fournir un cautionnement, dont le montant et les délais de versement sont fixés par le juge d'instruction tout en tenant compte de ses ressources et de ses charges, ou de constituer des sûretés réelles ou personnelles.
Le cautionnement consiste à consigner entre les mains d'un greffier une somme d'argent destinée à garantir le paiement d'une créance. Les sûretés réelles ou personnelles, quant à elles, constituent des garanties accordées au créancier pour le recouvrement d'une créance. Elles peuvent prendre la forme d'une caution bancaire (sûreté personnelle) ou d'une hypothèque (sûreté réelle). Ces deux dispositifs sont destinés à (CPP, art. 142) :
d'une part, garantir le déroulement des poursuites en assurant la représentation du prévenu ou de la personne mise en examen à tous les stades de la procédure ;
et, d'autre part, assurer le paiement de la réparation du préjudice de la victime (ou de la dette alimentaire lorsque l'intéressé est poursuivi pour son non- paiement), ainsi que des amendes.
Le dernier alinéa de l'article 142 du code de procédure pénale dispose que le juge d'instruction détermine les sommes affectées à chacune de ces deux parties du cautionnement ou des sûretés, mais qu'il peut décider que ces dernières garantissent dans leur totalité les droits de la victime. Selon Jean-Luc Warsmann, rapporteur à l'Assemblée nationale, « cette dernière disposition permet au juge, lorsque la personne présente des garanties de représentation suffisantes et qu'il n'est donc pas possible d'ordonner le versement d'une caution, de garantir le droit des victimes par la constitution de sûretés » (Rap. A.N. n° 856, tome 1, mai 2003, Warsmann). Désormais, le juge d'instruction peut décider que les sûretés garantiront dans leur totalité non seulement le paiement des sommes liées à la réparation des dommages et aux restitutions, mais aussi au paiement des amendes . Il peut également décider qu'elles garantiront uniquement l'une de ces sommes, notamment celle liée au droit des victimes (CPP, art.142 al.2). Par ailleurs, les modalités d'établissement des sûretés, lorsqu'elles sont destinées en partie ou en totalité à garantir le droit des victimes, sont précisées. Ainsi, lorsque les victimes ne sont pas encore identifiées ou ne se sont pas encore constituées parties civiles, les sûretés sont établies au nom d'un bénéficiaire provisoire agissant pour leur compte ou, le cas échéant, du Trésor lorsqu'elles garantissent également le paiement de l'amende, dans des conditions qui seront précisées par décret en Conseil d'Etat (CPP, art. 93, al. 3 nouveau).
S'agissant du cautionnement, rappelons que le juge peut, sans changement, à la demande de la victime et avec le consentement de la personne mise en examen, ordonner que « la partie du cautionnement affectée à la garantie des droits de la victime ou du créancier d'une dette alimentaire soit versée à ceux-ci par provision, sur leur demande » (CPP, art. 142-1). Ce versement peut aussi être ordonné sans le consentement de la personne mise en examen si une décision exécutoire accorde à la victime une provision à l'occasion des faits qui font l'objet de poursuites. La partie du cautionnement prévue pour la garantie des droits de la victime qui n'aurait pas été versée sera restituée dans le cas d'un non-lieu, d'une absolution ou d'un acquittement (CPP, art. 142-3).
La loi facilite, pour la victime, le recouvrement des dommages-intérêts dans le cadre de la composition pénale et de la médiation pénale, deux mesures alternatives aux poursuites.
Pour mémoire, la composition pénale est une procédure qui permet au procureur de la République de proposer une ou plusieurs mesures à une personne majeure reconnaissant avoir commis certains délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à 3 ans, ou de contraventions. Quant à la médiation pénale, elle est la voie médiane entre le classement sans suite et la poursuite pénale. Organisée à l'initiative du procureur de la République après que l'auteur a reconnu les faits, elle constitue une réponse judiciaire à des infractions comme les dégradations, les violences légères, les contentieux familiaux mineurs ou de voisinage. Dans ce cadre, le procureur de la République peut proposer à l'auteur des faits de verser à la victime des dommages-intérêts.
Tout d'abord, dans le cas de la composition pénale, si les parties acceptent le principe du paiement des dommages-intérêts, cet accord est consigné dans une ordonnance soumise au président du tribunal de grande instance (TGI) aux fins de validation. Dès lors, la mesure devient exécutoire et l'auteur du délit a alors 6 mois pour s'acquitter de sa dette. En cas de non- respect de la mesure, le procureur peut décider de poursuivre l'auteur du dommage.
Dans l'hypothèse d'une médiation pénale, l'accord sur le paiement des dommages-intérêts fait l'objet d'un procès-verbal signé par le procureur ou le médiateur et chacune des parties en reçoit une copie. Si l'auteur des faits transgresse l'accord, le procureur peut, sauf élément nouveau, mettre en œuvre une composition pénale ou engager des poursuites.
Désormais, dans les deux cas, la victime peut recourir, au vu de l'ordonnance de validation ou du procès-verbal, à la procédure d'injonction de payer (CPP, art. 41-2, al. 14 nouveau et 41-1, al. 5 modifié) selon les règles de procédure civile en vigueur (5), alors que, jusqu'à présent, les créances de nature délictuelle en étaient exclues. Cette procédure, qui permet le paiement volontaire des dommages-intérêts à l'audience, a été instituée en faveur des victimes pour faciliter leur indemnisation et leur éviter les difficultés liées au recouvrement. La demande d'injonction de payer doit être introduite auprès du tribunal d'instance territorialement compétent.
Afin de garantir l'existence de fonds nécessaires et disponibles pour la réparation du préjudice de la victime, les valeurs pécuniaires des détenus sont inscrites à un compte nominatif auprès du directeur de l'établissement pénitentiaire. Elles sont divisées en trois catégories :
l'une sur laquelle seuls les parties civiles et les créanciers d'aliments peuvent faire valoir leurs droits ;
une autre affectée au pécule de libération, qui ne peut faire l'objet d'aucune voie d'exécution (6) ;
une dernière laissée à la libre disposition des détenus.
Les sommes prévues pour l'indemnisation des parties civiles sont ainsi versées directement par l'établissement pénitentiaire, sous réserve des droits des créanciers d'aliments, à la demande du procureur de la République (CPP, art.728-1).
Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires (agressions sexuelles, atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans, vol, escroquerie...) ou non présentant le caractère matériel d'une infraction pénale, peut obtenir réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne auprès de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) du TGI (7). Les sommes accordées par la CIVI sont versées par le Fonds de garantie des victimes d'actes terroristes et d'autres infractions dans le délai de un mois suivant la notification de la décision à la victime. Aujourd'hui, la loi Perben II instaure une phase amiable d'indemnisation au sein de la CIVI. Elle se déroulera devant le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions, qui se voit donc conférer d'autres attributions. En outre, elle permet au Fonds de garantie d'être assimilé à la victime dans le cadre des demandes de réparation.
Avant la loi Perben II, le requérant devait présenter sa demande de réparation par écrit, accompagnée de toutes pièces justificatives, à la CIVI. La commission instruisait alors la demande et la transmettait au procureur de la République et au fonds de garantie pour avis. La CIVI convoquait le demandeur et le fonds de garantie à une audience où chacune des parties faisait valoir ses arguments, dans le respect du principe du contradictoire. Le président de la CIVI statuait ensuite par ordonnance dans un délai de un mois à compter de sa saisine. Sa décision d'indemnisation ou de rejet, notifiée aux parties en cause, était susceptible d'appel devant la cour d'appel. Il appartenait ensuite au fonds de garantie de procéder au paiement de la somme allouée dans le délai de un mois.
A compter du 1er janvier 2005, une phase amiable d'indemnisation sera ouverte aux victimes afin d'accélérer et de faciliter leurs demandes de réparation. Pour ce faire, elles devront déposer leur requête au greffe de la CIVI qui sera chargée de vérifier que les conditions de sa saisine sont bien remplies. Si tel est le cas, elle transmettra directement la demande au Fonds de garantie des victimes d'infractions qui devra alors proposer à la victime, dans un délai de 2 mois, une offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par la victime, il transmettra cet accord au président de la CIVI pour homologation. En revanche, si le fonds de garantie refuse l'indemnisation à la victime - ce refus devant être motivé - ou si la victime refuse la proposition qui lui est faite, le dossier sera immédiatement transmis au président de la CIVI ou au magistrat assesseur pour règlement. Commencera alors la phase contentieuse traditionnelle devant la commission (CPP, art. 706-5-1 nouveau). Un décret doit préciser les modalités d'application de cette disposition.
Même s'il revient au fonds de garantie d'assumer la charge des recours amiables d'indemnisation, la victime devra tout de même saisir au préalable la CIVI. Comme auparavant, le recours doit être présenté dans un délai de 3 ans à compter de la date de l'infraction. Ce délai peut être prorogé dans plusieurs hypothèses. Dans le cadre d'une information judiciaire, tant que l'instruction est en cours, le demandeur peut saisir la commission, quelle que soit la date de l'infraction. Et, si l'information judiciaire est close par une ordonnance de non-lieu, la victime dispose de un an à compter du jour où cette ordonnance n'est plus susceptible d'appel. Enfin, en cas de saisine d'une juridiction de jugement, tant qu'elle n'a pas statué, la victime peut saisir la CIVI, le délai de recours n'expirant que un an après la décision définitive (CPP, art.706-5, circulaire du 27 décembre 1990). A noter que, dans tous ces cas, la demande d'aide juridictionnelle interrompt les délais. Si le requérant n'a pas exercé son recours dans les délais impartis pour un motif légitime, la CIVI peut tout de même l'autoriser à présenter sa demande accompagnée de toutes pièces justificatives. Ainsi, il peut être relevé du délai de forclusion pour tout motif légitime, tenant aux circonstances de l'espèce, à sa personnalité ou à sa situation, laissé à l'appréciation de la commission.
« Les classements sans suite sont particulièrement choquants pour les victimes et pour nos concitoyens en général » , a estimé Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 856, tome 1, mai 2003, Warsmann), et le sont encore plus lorsque les auteurs des infractions sont identifiés. Ainsi, dans le respect du droit à l'information et du principe de la réponse judiciaire systématique, la loi permet à toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République, ainsi qu'aux victimes dont la plainte aurait été classée sans suite, d'exercer un recours hiérarchique contre ses décisions de classement sans suite (CPP, art. 40-3 nouveau) (8). Cet article consacre l'existence du recours hiérarchique auprès du procureur général toujours reconnu par la doctrine et la pratique. Ainsi, il peut, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, s'il estime le recours fondé, demander au procureur de la République « d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente » (CPP, art. 36 modifié). Dans le cas contraire, il en informe l'intéressé, ce qui constitue en fait la seule nouveauté de ce dispositif.
Les nouvelles dispositions de l'article 40-2 du code de procédure pénale relatives à l'information de la victime trouvent ici à s'appliquer puisque le procureur général doit motiver en droit ou en fait le rejet du recours. Mais, à titre transitoire et jusqu'au 31 décembre 2007, il n'a pas l'obligation de répondre au recours si l'auteur des faits n'est pas identifié.
A compter du 1er janvier 2005, le Fonds de garantie des victimes d'infractions, dans le cadre des demandes de réparation, pourra être assimilé à la victime et bénéficier des mêmes droits que celle-ci pour obtenir des personnes responsables du dommage causé sa réparation totale ou partielle. Il pourra ainsi exercer les droits de la victime par toutes voies utiles, y compris en se constituant partie civile devant la juridiction répressive (CPP, art. 728-1 complété). Avec cette mesure, le législateur espère contribuer à faciliter l'indemnisation des victimes au travers du fonds de garantie.
Le recours en indemnité a été institué, à l'origine, en faveur des témoins afin qu'ils puissent obtenir le remboursement des frais occasionnés au cours d'une information judiciaire (frais de séjour, de voyage). La loi du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes avait aussi étendu cette possibilité à la partie civile, alors assimilée au témoin, lui permettant devant la cour d'assises ou le tribunal correctionnel d'obtenir des indemnités de comparution et de frais de voyage et de séjour, sauf décision contraire de la juridiction de jugement (CPP, art. 375-1 et 422, al. 2).
Désormais, la loi étend le recours en indemnité des victimes, toujours assimilées aux témoins, à la phase d'instruction des crimes et délits contre les personnes. Et, à la demande du rapporteur au Sénat, cette possibilité a aussi été étendue aux délits contre les biens lorsque ceux-ci s'accompagnent d'atteintes à la personne (CPP, art. 91-1 nouveau).
La loi Perben II renforce le droit à l'information de la victime tout au long de la procédure judiciaire. Objectif : replacer la victime au centre du système judiciaire.
La loi Perben II institue un bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires, placé sous le contrôle d'un magistrat, qui centralise des informations nominatives relatives aux plaintes et dénonciations et aux suites qui leur sont données. Ce bureau a pour vocation, notamment, de « faciliter la gestion et le suivi des procédures judiciaires par les juridictions compétentes, [ainsi que] l'information des victimes » (CPP, art.48-1 nouveau). Ces informations sont conservées, à compter de leur dernière mise à jour enregistrée, pendant une durée de 10 ans ou, si elle est supérieure, pendant la durée égale au délai de la prescription de l'action publique ou, lorsqu'une condamnation a été prononcée, au délai de la prescription de la peine. Les informations sont directement accessibles par les procureurs généraux, les procureurs de la République, les juges d'instruction, les juges des enfants et les juges de l'application des peines ainsi que leurs greffiers ou toute autre personne habilitée qui les assiste.
Les modalités de fonctionnement du bureau d'ordre national informatisé doivent être précisées ultérieurement par un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce bureau devrait se mettre en place progressivement d'ici fin 2005 à 2007.
Le procureur de la République recueille les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Lorsque l'auteur des faits est identifié, le procureur peut décider soit d'engager des poursuites, soit de mettre en œuvre une mesure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite (CPP, art. 40-1 nouveau).
En cas de classement sans suite d'une plainte, le procureur de la République doit aussi en avertir les victimes .Sur ce dernier point, le droit à l'information est amélioré et mieux encadré car ce qui correspondait aux pratiques judiciaires est désormais inscrit dans la loi. En effet, d'une part, cette obligation d'information portera sur toutes les plaintes, que l'auteur de l'infraction soit identifié ou non et, d'autre part, le procureur devra motiver sa décision en droit et en fait (CPP, art. 40-2, al. 2 nouveau). Cependant, « pour tenir compte des difficultés matérielles rencontrées par les bureaux d'ordre des juridictions », cette disposition n'entrera en vigueur qu'à partir du 31 décembre 2007 . Ainsi, et à titre transitoire, le droit à l'information des plaintes classées sans suite n'est pas appliqué lorsqu'il s'agit d'une plainte contre X (art. 207 VII 1° de la loi). La circulaire du 14 mai 2004 nuance toutefois cette limitation de l'obligation légale d'information en précisant que le procureur peut quand même avertir la victime du classement sans suite de sa plainte en cas d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la victime - notamment, pour les infractions de nature sexuelle commises sur mineurs -perpétrée par une personne non identifiée à l'issue de l'enquête.
Par ailleurs, en cas de poursuites pénales ou de mesures alternatives, le procureur doit également en aviser les victimes et les plaignants (CPP, art. 40-2 nouveau).
Dans un souci de clarification, la loi rappelle également que les plaintes déposées auprès de la police judiciaire font systématiquement l'objet d'un procès- verbal. Et que, désormais, un récépissé de dépôt de plainte est délivré immédiatement à la victime ainsi que, si elle le demande, une copie de ce procès-verbal (CPP, art. 15-3, al. 2 nouveau).
Le procureur de la République, s'il décide de poursuivre l'auteur des faits incriminés, transmet le dossier à un juge chargé de son instruction. Jusqu'à présent, ce dernier se bornait à informer la victime, ou ses représentants légaux s'il s'agissait d'un mineur, qu'une information judiciaire avait été ouverte et qu'elle avait le droit de se constituer partie civile.
La nouvelle loi complète cette dernière disposition en précisant que le juge d'instruction a l'obligation d'informer la victime des modalités d'exercice du droit de se constituer partie civile. Et en l'occurrence, « d'être assistée d'un avocat qu'elle pourra choisir ou qui, à sa demande, sera désigné par le bâtonnier, en précisant que les frais sont à sa charge, sauf, si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle ou si elle bénéficie d'une assurance de protection juridique » (CPP, art. 80-3 modifié). Le procureur de la République transmet la demande de désignation d'un avocat au bâtonnier, ce qui devrait ainsi faciliter les démarches de la victime. Rappelons que la loi « Perben I » du 9 septembre 2002 a permis aux victimes de certains crimes, et à leurs ayants droit, de bénéficier de l'aide juridictionnelle sans tenir compte des plafonds de ressources (art. 9-2 de loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) (9).
A partir des travaux de la mission confiée à Francis Casorla, avocat général à la Cour de cassation, sur « l'optimisation et la programmation des actions de la justice », le garde des Sceaux a présenté, le 21 avril dernier, un plan d'action en faveur des personnes en difficulté (personnes confrontées à des handicaps ou à des carences graves).
Ce plan prévoit, entre autre, « l'amélioration de l'accueil et de l'accompagnement des victimes tout au long de la procédure pénale et dans le cadre de la réparation de leur préjudice ». Et qu'il soit porté « une attention particulière aux victimes de violences intrafamiliales ».
Par ailleurs, en termes de procédure, le plan envisage un « décloisonnement des différentes démarches judiciaires, le renforcement de la cohérence des dispositifs de prévention et de prise en charge pour les victimes et le développement des permanences d'accueil au sein des maisons de justice et du droit, des commissariats, des gendarmeries et des hôpitaux ».
Enfin, les victimes les plus traumatisées seront assistées immédiatement. Leur prise en charge sera facilitée par la mise en place de « formules d'hébergement et par l'éloignement de l'agresseur ».
A compter du 1er octobre 2004, lorsque la victime sera identifiée, elle devra être prévenue « sans délai, par tout moyen » de la mise en œuvre de la procédure du « plaider-coupable » instituée par l'article 137 de la loi. Celle-ci prévoit que, si l'auteur des faits reconnaît avoir commis l'infraction et accepte la peine proposée par le procureur de la République, il peut le faire comparaître immédiatement accompagné de son avocat devant le président du TGI. La victime sera également invitée à se présenter, le cas échéant accompagnée de son avocat, le jour de la comparution de l'auteur de l'infraction pour se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice. Le président du TGI ou le juge délégué statuera sur cette demande par ordonnance (susceptible d'appel) même si la victime n'a pas pu comparaître (CPP, art. 495-13, al.1 nouveau). Dans le cas où cette dernière n'aurait pas pu exercer son droit à réparation, le procureur de la République l'informera qu'elle a la possibilité de faire citer l'auteur de l'infraction devant le tribunal correctionnel qui se prononcera uniquement sur les intérêts civils au vu des pièces de la procédure (CPP, art. 495-13, al. 2 nouveau).
La loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence (10) prévoyait déjà l'information de la victime ou de la partie civile et de son avocat, par lettre simple ou lors de son audition, sur l'état d'avancement de l'instruction, tous les 6 mois, quelle que soit l'infraction. Cependant, le ministère de la Justice et le rapporteur au Sénat, François Zocchetto, se sont accordés à penser qu'il s'agissait d'une charge trop importante pour les magistrats et que cela n'était pas toujours utile (Rap. Sén. n° 441, tome 1, septembre 2003, Zocchetto).
C'est pourquoi la loi Perben II limite cette information aux seuls crimes et délits contre les personnes et aux délits contre les biens accompagnés d'atteintes à la personne.
Lorsqu'une association regroupant plusieurs victimes s'est constituée partie civile, un avis l'informant de l'avancement de l'affaire lui est adressé, à charge pour elle d'en informer les victimes individuellement (CPP, art.90-1 nouveau). Le juge d'instruction doit toutefois doubler cet avis collectif par un avis individuel si les victimes membres de l'association se sont également constituées partie civile à titre individuel.
Il faut « mettre fin à la choquante anomalie de notre droit qui tend à reconnaître plus de droits à l'auteur des infractions qu'à la victime », a estimé le rapporteur à l'Assemblée Nationale, Jean-Luc Warsmann (Rap. A.N. n° 856, mai 2003, Warsmann). C'est pourquoi la loi Perben II tend à mieux prendre en considération les intérêts de la victime lors d'une éventuelle décision relative à l'exécution ou à l'aménagement de la peine.
Le contrôle judiciaire est une mesure restrictive de liberté qui astreint le mis en examen, accusé d'un crime ou d'un délit à se soumettre à une ou plusieurs obligations légalement définies, choisies par une juridiction d'instruction ou, en cas de comparution immédiate, par le tribunal correctionnel, en vue des nécessités de l'information ou pour des raisons de sécurité. L'intéressé, alors resté libre, doit se mettre à la disposition de la justice et se soumettre à certaines contraintes telles que l'interdiction de fréquenter certains lieux ou certaines personnes ou l'obligation de se rendre régulièrement au commissariat.
A compter du 1er octobre 2004 , le juge devra non seulement avertir la victime d'une telle mesure mais aussi prendre en compte ses intérêts pour déterminer la teneur du contrôle. En effet, « lorsque la personne mise en examen est soumise à l'interdiction de recevoir, ou de rencontrer la victime ou d'entrer en relation de quelque façon que ce soit avec elle[...], le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention adresse à celle-ci un avis l'informant de cette mesure » (11) et précisant les conséquences, pour le mis en examen, du non-respect des mesures prescrites (CPP, art. 138-1 nouveau). Cette dernière précision est apparue utile aux yeux du rapporteur de la loi au Sénat car, « bien souvent, compte tenu des difficultés de contrôler le respect des obligations du contrôle judiciaire par les services judiciaires [qui en sont chargés] , la violation des obligations du contrôle judiciaire est signalée par la victime elle-même. Il est donc souhaitable qu'elle sache que la personne mise en examen a l'interdiction de la rencontrer » (Rap. Sén. n° 441, tome 1, septembre 2003, Zocchetto). Cependant, la mesure n'a pas été étendue aux témoins comme le souhaitaient certains sénateurs lors des débats parlementaires, car le rapporteur de la loi au Sénat, François Zocchetto, et le garde des Sceaux, Dominique Perben, se sont accordés à dire qu'en pratique, il serait trop long d'informer chacun des témoins.
Concernant les victimes d'accidents collectifs, jusqu'à présent, seules les associations dont l'objet est la défense des victimes d'un accident survenu dans les transports collectifs, dans un local ouvert au public ou dans une propriété privée à usage d'habitation ou à usage professionnel, agréées à cette fin, pouvaient se constituer partie civile. La loi Perben II a souhaité étendre cette possibilité aux fédérations d'associations de victimes d'accidents collectifs lorsque l'action publique a été mise en action par le ministère public ou la partie lésée (CPP, art. 2-15 complété). Et précisé le cadre de l'intervention, cette possibilité n'étant ouverte qu'aux fédérations déclarées depuis au moins 5 ans à la date des faits et inscrites auprès du ministère de la Justice .
La loi étend également les possibilités pour les associations de lutte contre le racisme et les discriminations de se constituer partie civile aux infractions de vol, d'extorsion et de menaces (12) (CPP, art. 42 nouveau). Par ailleurs, cela leur est aussi possible en cas d'infraction aux règles d'établissement et de conservation des fichiers prévue par l'article 226-19 du code pénal et faisant apparaître des informations sur la race, l'origine ou la religion d'une personne.
Dans les deux cas, la loi précise que, lorsqu'il a été porté préjudice à « une seule personne considérée individuellement », l'association ou la fédération d'associations doit requérir l'accord de cette personne ou de son représentant légal s'il s'agit d'un mineur (CPP, art.2-1 complété).
De même, si une mise en liberté est envisagée, à la suite d'une détention provisoire, mais comporte un risque pour la victime, la personne mise en examen est alors placée sous contrôle judiciaire assorti de la même interdiction d'entrer en contact avec la victime de quelque façon que ce soit. Cette dernière doit, là aussi, être informée de cette mesure, selon les mêmes modalités (CPP, art. 144-2 nouveau).
Selon François Zocchetto, « la garantie des droits de la victime ne doit pas s'arrêter le jour du jugement mais doit être également assurée lorsque l'auteur des faits est libéré » (Rap. Sén. n° 441, tome 1, septembre 2003, Zocchetto). Aussi la loi renforce-t-elle la prise en compte des intérêts de la victime en cas d'aménagement de la peine de l'auteur de l'infraction.
Le juge de l'application des peines (JAP) peut décider de la mise en liberté temporaire ou définitive d'une personne condamnée à une peine privative de liberté avant son échéance. Il peut alors assortir cette mesure d'une interdiction d'entrer en contact avec la victime de quelque façon que ce soit (CPP, art.720 rétabli). A compter du 1er janvier 2005, le JAP devra prendre en considération les intérêts de la victime ou de la partie civile lorsqu'une telle rencontre paraîtra devoir être évitée. Il délivrera un avis informant la victime, et son avocat si elle est partie civile, de cette initiative ainsi que des conséquences de son non-respect. Cependant, ce document n'aura pas à être adressé lorsque :
la personnalité de la victime ou de la partie civile le justifiera ;
la victime ou la partie civile aura fait connaître qu'elle ne souhaite pas en être avisée ;
la cessation provisoire de l'incarcération sera d'une durée n'excédant pas la durée maximale autorisée pour les permissions de sortir (7 jours).
Avant la loi Perben II, le délai de prescription de l'action publique (13) des infractions de nature sexuelle sur mineurs était de 3 ans pour les délits et de 10 ans pour les crimes et ne courait qu'à compter de la majorité de la victime. Aujourd'hui, ces délais sont respectivement portés à 10 et 20 ans, leur point de départ étant toujours la majorité de la victime (14). L'allongement du délai de prescription fut l'objet de controverses lors des débats parlementaires. Selon le rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale, l'allongement du délai de prescription était nécessaire car « dans bien des cas, les enfants victimes d'abus sexuels ne parviennent à les dénoncer qu'à l'âge adulte, au moment où ils envisagent l'arrivée d'un enfant [...], l'âge moyen de la première maternité se [situant] aujourd'hui aux alentours de 30 ans, soit 2 ans après l'expiration du délai de prescription actuel » (Rap. A.N. n° 856, tome 1, septembre 2003, Warsmann).
Ces nouvelles dispositions sont applicables depuis le 12 mars 2004 aux infractions non encore prescrites commises avant cette date, même si elles aggravent la situation du délinquant (CP, art. 112-2,4° modifié).
Dans l'optique de reconnaître la victime en tant que telle et de la ménager, des mesures sont prises pour conserver et protéger sa parole.
Depuis la possibilité de faire appel des arrêts de la cour d'assises instituée par la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence (15), les associations de victimes se sont battues pour que l'enregistrement audiovisuel des victimes soit rendu possible, soulignant les difficultés liées à l'obligation de témoigner à nouveau en appel des souffrances endurées, en particulier lorsqu'elles ont subi des abus sexuels. Désormais, c'est chose possible puisque si, par principe, il est toujours interdit d'utiliser un appareil d'enregistrement sonore ou audiovisuel lors des audiences, la victime ou la partie civile peut demander au président de la cour à ce que leurs auditions ou dépositions soient enregistrées sur support audiovisuel (CPP, art. 308 modifié). Le président de la cour peut aussi, comme auparavant, lui-même décider de l'enregistrement sonore d'une partie des débats uniquement. Selon Jean-Luc Warsmann, rapporteur à l'Assemblée nationale, cette exception « peut être compatible avec une bonne administration de la justice et même être mis au service des intérêts des parties au procès » (Rap. A.N. n° 856, tome 1, mai 2003, Warsmann). Ces enregistrements peuvent alors être utilisés :
devant la cour d'assises jusqu'au prononcé de l'arrêt ;
au cours des délibérations du jury de la cour d'assises. Ils sont alors visionnés en présence du ministère public et des avocats de l'accusé et de la partie civile ;
devant la Cour de cassation saisie d'une demande de révision ou d'annulation d'une demande en révision, ou devant la juridiction de renvoi pour les déclarations de personnes ne pouvant plus être entendues.
Toutefois, comme l'a précisé François Zocchetto, rapporteur au Sénat, « ce dispositif n'empêchera pas la victime ou la partie civile de comparaître. Il peut simplement éviter, dans certaines situations, que des personnes doivent intégralement redire ce qu'elles ont déjà dit en première instance » (Rap. Sén. n° 441, septembre 2003, Zocchetto, ). Alors, si nécessaire, la victime ou la partie civile peut être rappelée pour déposer sans revenir sur le détail de ce qui a pu être précédemment dit.
Enfin, la circulaire ministérielle du 14 mai 2004 constate que la nouvelle loi ne prévoit pas les modalités techniques de l'enregistrement audiovisuel et rappelle les modalités de mise sous scellés de l'enregistrement ainsi que les conditions d'ouverture de ces scellés et de retranscription des enregistrements. Sur ce dernier point, « il semble qu'elle ne doive en pratique intervenir qu'à la demande des parties, mais ne peut pas être réalisée, notamment en l'absence d'appel ou de pourvoi », relève la circulaire. S'agissant de l'enregistrement des déclarations des mineurs victimes, une copie doit en être faite, celle-ci n'étant pas mise sous scellée et pouvant être utilisée lors d'une éventuelle audience.
Si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction le justifient, l'audition ou l'interrogatoire d'une personne ou l'organisation d'une confrontation entre plusieurs personnes peut se faire par vidéoconférence. Un procès-verbal doit alors être dressé dans chacun des lieux
La loi étend cette possibilité à la phase de jugement pour l'audition des témoins, des parties civiles et des experts. Elle précise aussi que l'avocat assistant la personne entendue par le juge aura le choix de se trouver soit auprès du juge, auquel cas tout doit être fait pour que la communication soit confidentielle, soit auprès de la personne qu'il assiste (CPP, art. 706-71 modifié). A noter que ces moyens de télécommunication ne peuvent être utilisés que si la personne poursuivie comparaît devant la juridiction.
Florence Tamerlo
(1) En 2001, 32 % des affaires ont été classées sans suite, 31,8 % en 2002 et 29 % en 2003.
(2) Voir ASH n° 2283 du 1-11-02.
(3) Voir ASH n° 2361 du 28-05-04.
(4) Voir ASH n° 2354 du 9-04-04.
(5) Il s'agit ici d'une extension du domaine d'application de la procédure d'injonction de payer et les règles de procédure civile applicables en la matière pourront être adaptées si nécessaires par décret. Voir ASH n°2302 du 14-03-03.
(6) Les voies d'exécution sont l'ensemble des procédures permettant à un particulier d'obtenir, par la force, l'exécution des actes et des jugements qui lui reconnaissent des prérogatives ou des droits.
(7) A compter du 1er janvier 2005, les personnes victimes de la traite des êtres humains sur le territoire national pourront aussi exercer un recours en indemnité devant la CIVI (CPP, art. 706-3 2° modifié par l'article 169 de la loi).
(8) La circulaire du 14 mai 2004 précise que cette nouvelle disposition n'impose pas au procureur de la République de mentionner l'existence de ce recours dans les avis de classement sans suite adressés aux victimes.
(9) Voir ASH n° 2283 du 1-11-02.
(10) Voir ASH n° 2180 du 15-09-00.
(11) Si la victime est partie civile, cet avis est également adressé à son avocat.
(12) Voir aussi ASH n°2353 du 2-04-04.
(13) La prescription de l'action publique est le principe selon lequel l'écoulement d'un délai entraîne l'extinction de l'action publique et rend de ce fait toute poursuite impossible.
(14) Voir ASH n° 2352 du 26-03-03.
(15) Voir ASH n° 2180 du 15-09-00.