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Traitement de la récidive, notamment en matière d'affaires sexuelles : une effervescence parlementaire et gouvernementale

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C'est un rapport qui tombe à point nommé. Alors que des actes odieux mettant en cause des délinquants récidivistes occupent le devant de la scène, à l'Assemblée nationale, la mission parlementaire d'information sur le traitement de la récidive des infractions pénales, menée par le député UMP Pascal Clément, a rendu ses conclusions le 7 juillet. Le constat y est sans appel. 31 % de récidivistes, 32 % de peines inexécutées, une définition de la récidive aux contours flous (1) sont autant de données qui résument les difficultés auxquelles est confronté l'appareil répressif français.

Outre des pratiques judiciaires variables face à ce type de délinquants, le document dénonce d'abord la cécité des magistrats en la matière. Trop souvent, les délais d'inscription au casier judiciaire des informations concernant ces condamnés - 6,4 mois en moyenne en 2002, dont 22 semaines entre le prononcé du jugement et l'envoi de la fiche au casier - empêchent les juges d'avoir les renseignements « en temps utile ».

Egalement en ligne de mire : la question de l'exécution des peines, que la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité cherche à améliorer mais dont les effets ne se font évidemment pas encore sentir (2). Pour l'heure, les parlementaires déplorent les manques d'effectifs. Les juges de l'application des peines (JAP) en sont les premières victimes alors même que de nouvelles missions leur ont été confiées par la loi Perben II (3). Au total, au 1er juillet 2003, chaque JAP suivait 680 personnes. « Dans de telles conditions, il est illusoire de prétendre mettre en œuvre un suivi personnalisé des condamnés. » A cette situation s'ajoute celle non moins préoccupante des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) (4), qui souffrent notamment d'un statut peu attractif au regard des responsabilités qui leur incombent (5). Un projet de réforme statutaire, en cours, devrait toutefois créer un corps de catégorie A permettant de conforter le directeur du SPIP dans son rôle de représentant départemental du service et procéder à une réévaluation statutaire du corps des conseillers des SPIP. Toujours dans cet esprit, la mission relève que les SPIP s'appuient sur de nombreuses associations qui complètent leur travail en matière d'hébergement, d'insertion professionnelle ou de placement à l'extérieur mais « ne parviennent pas à répondre aux besoins croissants des condamnés libérés dans un contexte économique particulièrement difficile ». Elle souhaite, dès lors, une augmentation des dotations qui leur sont versées.

Au-delà, le rapport comporte des revendications plus juridiques. Ainsi, il estime que le sursis avec mise à l'épreuve ne devrait plus pouvoir être prononcé à l'encontre d'une même personne sans limitation et propose de restreindre le nombre de condamnations assorties d'un tel sursis à deux par grandes catégories d'infractions. Autre préconisation : pour « protéger la victime et la société en conférant un effet immédiat aux jugements mettant en cause un récidiviste dangereux », l'exécution provisoire des jugements devrait, selon la mission, être de droit lorsqu'une peine est prononcée à l'encontre d'un prévenu en situation de récidive légale en matière sexuelle ou pour des faits de violence, la juridiction devant toutefois conserver la faculté d'y déroger par une décision spécialement motivée. Actuellement, les condamnations ne sont exécutoires que lorsqu'elles sont devenues définitives, c'est-à-dire non susceptibles d'appel.

L'insuffisante évaluation de la dangerosité des détenus est, de plus, dénoncée par la mission qui constate que les études actuelles privilégient uniquement la dangerosité des détenus « pour eux-mêmes (risque suicidaire), pour les gardiens surveillants et leurs codétenus (risque d'agression) ou pour l'administration pénitentiaire (risque d'évasion ou de trafics divers) mais nullement pour la société et les victimes potentielles (risque de récidive)  ». C'est pourquoi la mission souhaite la mise en place d'instruments spécifiques tendant à mesurer cette dangerosité tout au long de leur période d'incarcération, notamment lorsqu'il s'agit de délinquants sexuels. Ou le lancement d'un débat sur le placement sous surveillance électronique mobile des criminels libres les plus dangereux. C'est cette même préoccupation de la prise en charge de ces délinquants qui l'amène à regretter les inconséquences du suivi socio-judiciaire, qui concerne moins de 8 % des délinquants sexuels incarcérés, bien que cette délinquance soit la première cause d'incarcération en France. En question notamment : l'absence de définition dans les textes réglementaires du rôle des SPIP qui doivent pourtant assurer l'accompagnement des intéressés. Critiquée aussi, la pénurie de médecins psychiatres ce qui, selon les parlementaires, pourrait peut-être être résolu en ouvrant aux titulaires d'un diplôme de psychologues cliniques - et non aux seuls médecins - la responsabilité du traitement du condamné sexuel. Ce souci, attisé par les récentes affaires Bodein et Fourniret, a par ailleurs conduit le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, et le ministre de la Justice, Dominique Perben, à créer une commission, présidée par le procureur général auprès de la Cour de cassation, Jean-François Burgelin, pour étudier l'amélioration de la prise en charge et du traitement psychiatrique des délinquants sexuels à l'issue de leur peine. Les parlementaires de toute tendance multiplient de tout côté les propositions.

Enfin, dernier écueil souligné par le document : l'amnésie du «  système judiciaire [...] en ce qui concerne les criminels les plus dangereux reconnus pénalement irresponsables en raison de l'abolition de leur discernement au moment des faits  ». Aussi la mission propose-t-elle, dans la lignée de la création du fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles (6), l'instauration d'un fichier recensant l'ensemble de ces personnes afin de conserver la mémoire judiciaire de leur comportement et donc de leur dangerosité.

Dans le même ordre d'idées, rappelant qu'un détenu sur deux entrant en détention souffre de troubles mentaux (7), la mission déplore la rareté de l'offre psychiatrique pour répondre aux besoins immenses et croissants de prise en charge psychologique et psychiatrique. 800 postes de psychiatres sont en effet vacants dans le secteur public. « Une situation de pénurie, voire de crise d'ensemble dont le secteur pénitentiaire ne fait que pâtir. »

S. A.

Notes

(1)  Il faut ainsi distinguer, d'une part, la récidive légale selon laquelle, lorsque le délinquant, après avoir subi une première condamnation pénale définitive, commet une nouvelle infraction qui va entraîner l'aggravation de la peine prévue par la loi et, d'autre part, la réitération qui coïncide avec la même situation mais dans des conditions qui ne correspondent pas à celles de la récidive légale.

(2)  Voir ASH n° 2360 du 21-05-03 et n° 2363 du 11-06-04.

(3)  Ils représentent 3,5 % du corps des magistrats.

(4)  Leur effectif était de 2 473 en 2003.

(5)  La loi Perben II leur a notamment confié un rôle important dans le cadre de la procédure de « sas de sortie » organisée pour les condamnés en fin de peine - Voir ASH n° 2363 du 11-06-04.

(6)  Voir ASH n° 2352 du 26-03-04.

(7)  Une étude épidémiologique sur la santé mentale des détenus portant sur deux années et sur 1 400 personnes est en cours de réalisation. Ses conclusions sont attendues pour la fin de l'année.

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