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Le Conseil économique et social propose un « plan Orsec » pour les métiers sanitaires et sociaux

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Les mesures annoncées par le gouvernement pour lutter contre les exclusions (voir ce numéro) passent sous silence la grave question de la pénurie des professionnels chargés de l'accompagnement des publics en difficulté. Un sujet suffisamment grave pourtant pour que le Conseil économique et social  (CES), après s'être autosaisi de la question en janvier dernier, adopte le 7 juillet, à une large majorité, un avis sur « le recrutement, la formation et la professionnalisation des salariés du secteur sanitaire et social » (1), ceux qui « à bas bruit [...] constituent un puissant facteur de lien social ». En choisissant de traiter ensemble les problèmes de pénurie des secteurs sanitaire et social - abordés d'habitude de façon cloisonnée -, l'assemblée met en évidence l'intrication des problématiques du soin et de l'accompagnement et la proximité des métiers. En outre, d'un point de vue stratégique, vu le poids de ce secteur, ces travaux font apparaître comme d'autant moins acceptable l'autisme des différents gouvernements sur ces questions - malgré les leçons de la canicule. Comment expliquer, en effet, l'attentisme des pouvoirs publics à l'égard d'un champ qui représente à lui seul 31 000 établissements et services répartis entre secteurs public et privé et emploie 1 600 000 salariés en équivalent temps plein (dont 800 000 travailleurs sociaux si on y inclut les assistantes maternelles)  ? Et dont l'avenir, du fait d'activités principalement fondées sur la relation humaine, « est intimement lié à celui des personnels », précise Michel Pinaud, rapporteur du projet d'avis au nom de la section du travail (et par ailleurs, secrétaire général de la Fédération nationale de l'action sociale-FO).

Des professions peu attractives

Confronté à une démographie défavorable (environ un quart des effectifs atteindront 60 ans dans les dix années qui viennent)   (2), le secteur sanitaire et social se caractérise par d'importantes difficultés de recrutement, des carrières relativement courtes pour certains (celle d'un éducateur spécialisé est de 12 ans en moyenne) et de fortes rotations d'effectifs sur des emplois sensibles. Il est également confronté au problème d'attractivité de ses métiers en raison de la pénibilité des conditions de travail, de la faiblesse des rémunérations et des perspectives de carrière. Comment dans ces conditions recruter et former des personnels qualifiés pour faire tourner les établissements et services, mais aussi faire face aux besoins croissants liés au vieillissement de la population et à la massification des problèmes de chômage et de pauvreté ?

« On est dans une situation de ligne brisée », souligne Michel Pinaud. Après une politique de réduction drastique des quotas d'élèves, on tente aujourd'hui de façon précipitée de combler le retard, faute d'avoir su anticiper des évolutions pourtant prévisibles. « Pressé de tout côté, le système peut s'en trouver décrédibilisé et ne produire que des solutions tenant au mieux de l'équilibre précaire et de la cohérence relative, loin d'une saine gestion prévisionnelle des effectifs et des qualifications. »

Le rapporteur propose donc d'engager une politique volontariste pour le secteur sanitaire et social. Néanmoins, le syndicaliste ne se limite pas aux stricts problèmes de recrutement : il les lie, dans un avis pertinent sur de nombreux points, à l'amélioration des conditions d'exercice des métiers et à leur revalorisation.

Première suggestion : constituer un appareillage statistique cohérent. Il suggère ainsi la création d'une Agence nationale statistique de l'emploi et de la formation   (ANSEF) chargée de collecter les données disponibles à partir des instituts existants (INSEE, DARES...) et des observatoires des branches professionnelles et de produire des éléments chiffrés sur les besoins en postes et en formations du secteur sanitaire et social. A ses côtés, un Conseil d'analyse national de l'emploi et de la formation (CANEF), constitué de représentants des employeurs, des salariés et des administrations de tutelle, serait chargé de proposer aux pouvoirs publics et aux branches professionnelles les mesures à prendre.

Autre proposition forte : le lancement d'un plan de résorption de l'emploi non qualifié dans les branches professionnelles. Il s'agirait de parvenir à ce que, d'ici à 2010, il n'y ait plus de poste qualifié et budgété qui soit occupé par un salarié faisant fonction depuis plus de un an. Le Conseil économique et social propose d'instaurer pour ces personnels un droit à titularisation rendant possible un déroulement de carrière. L'idée serait de mettre en place une validation des acquis de l'expérience (VAE) sur mesure leur permettant d'acquérir une certification en s'inspirant des mesures d'adaptation mises en place dans les années 70 pour les personnels éducatifs en situation d'emploi. L'objectif est de mettre fin définitivement aux « faisant fonction » dont l'embauche ne devrait être qu'exceptionnelle et, en tout cas, assortie d'un engagement formel de l'employeur de financer la formation certifiée adéquate.

« Conserver la mémoire des métiers »

Dans le même temps, le conseil souhaite un programme d'avancement des personnels diplômés en exercice afin notamment de préparer le remplacement des cadres, dont 50 % vont partir prochainement à la retraite. Outre la professionnalisation des emplois-jeunes et le développement des terrains de stage, il propose d'ouvrir le tutorat aux salariés âgés de plus de 50 ans, ce qui aurait l'avantage de « conserver la mémoire des métiers ». Par ailleurs, au vu de l'ampleur des besoins d'emploi et de qualification, le CES souhaite voir relancer avec les ministères concernés « un montage coordonné d'engagements national et régionaux de développement de la formation (EDDF)  » qui aille au-delà des « embryons » d'EDDF mis en œuvre dans certaines régions...

Bien sûr, toutes ces mesures ont un coût. Pas question néanmoins que les crédits de la formation professionnelle continuent d'éponger l'ensemble des retards accumulés. La formation initiale professionnelle doit être prise en charge par la collectivité nationale, défend le Conseil économique et social, et donc, avec la réforme de la décentralisation, elle devrait être financée pour les formations sociales par les conseils régionaux, voire les conseils généraux par délégation. Par ailleurs, l'assemblée propose de récupérer les différentiels des salaires non versés par les établissements qui embauchent des « faisant fonction » sur des postes budgétés pour des personnels diplômés et les sommes non dépensées du fait des postes vacants. Anticipant les critiques qu'une telle suggestion risque de susciter, Michel Pinaud estime « insupportable que les sommes qui devraient être consacrées à la rémunération de personnels qualifiés, soit dorment dans les budgets, soit soient perdues, soit encore servent à financer parfois astucieusement d'autres dépenses ».

Le Conseil économique et social veut également accentuer et élargir à d'autres catégories professionnelles l'effort d'augmentation des quotas d'élèves des centres de formation. Il suggère en outre une revalorisation du statut de l'étudiant sanitaire et social et une réactivation du système des bourses de promotion sociale pour les travailleurs de plus de 25 ans qui, en vigueur jusqu'en 1990, « a produit des travailleurs sanitaires et sociaux fidèles et compétents ».

Reste la question de l'attractivité des métiers. En Ile-de- France, il est par exemple très difficile de recruter des personnels éducatifs diplômés ainsi que des assistantes maternelles et des auxiliaires de vie sociale. Le CES propose de lancer une campagne d'information et de communication sur les métiers sanitaires et sociaux pour attirer les jeunes générations vers des métiers « perçus de plus en plus comme contraignants et difficiles ». Il reprend en fait la demande formulée en ce sens, en novembre 2003, au Premier ministre par un certain nombre de fédérations du secteur (3).

Restaurer la confiance des personnels

Mais l'image de ces métiers est également ternie par certaines affaires médiatiques, pourtant isolées et rares, qui peuvent générer un soupçon de maltraitances envers les personnes âgées (pour les aides médico-psychologiques, par exemple) ou de laxisme vis-à-vis de jeunes délinquants (pour les éducateurs spécialisés). Aussi Michel Pinaud estime-t-il nécessaire de « rechercher la confiance des personnels ». S'il insiste sur l'importance de la déontologie professionnelle dans la formation initiale, il estime que les salariés devraient aussi pouvoir compter sur leur institution pour les protéger des violences et les soutenir juridiquement et psychologiquement en cas de plaintes judiciaires. De même, l'épuisement professionnel et l'isolement des salariés peuvent être prévenus par la restauration du travail d'équipe et la mise en place d'organisations du travail et de parcours professionnels leur évitant une exposition continue.

Encore faut-il aussi fidéliser les professionnels par des conditions de rémunération attractives, ajoute avec ironie Michel Pinaud, qui rappelle qu'en six ans la valeur du point de la convention collective nationale de 1966 n'a augmenté que de quelques centimes d'euros. Il insiste en particulier pour que soit pris en compte, dans le cadre des négociations conventionnelles, la pénibilité physique et psychique des métiers. Cela passe notamment par la revalorisation de la rétribution des astreintes, des permanences de nuit et de fin de semaine qui constituent des obstacles à l'entrée dans ces métiers. Et un soutien au temps partiel choisi dans un secteur où les emplois sont occupés pour plus des deux tiers par des femmes.

I.S.

Notes

(1)  Disponible sur www.ces.fr.

(2)  Voir notamment l'état des lieux dressé par le contrat d'études prospectives social et médico-social de la BASS - Voir ASH n°2358 du 7-05-04.

(3)  La Fédération hospitalière de France, la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privée à but non lucratif, l'Association des paralysés de France, l'Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales, la Fédération de l'hospitalisation privée et la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer.

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