Pari presque tenu pour Jean-Louis Borloo. Le 6 avril dernier, quelques jours après son arrivée au ministère de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale dans le cadre du gouvernement Raffarin III, il annonçait la présentation « dans les 10 semaines » d'un plan de cohésion sociale visant à remédier aux « plus graves dysfonctionnements de la société française ». Finalement, il aura fallu au ministre - et à ses deux ministres délégués et trois secrétaires d'Etat - 11 semaines pour élaborer ce programme ambitieux (1), doté de 12, 8 milliards d'euros de crédits nouveaux de l'Etat sur 5 ans, sans compter les redéploiements, à destination de ceux que Jean-Louis Borloo nomme « les oubliés de la République ». Ils sont 4 millions, estime celui qui, après la cuisante défaite aux élections régionales, avait été nommé pour incarner le « tournant social » de la législature.
Reposant sur trois piliers - l'emploi, le logement et l'égalité des chances -, déclinés en 20 programmes, ce plan se fonde selon le ministère sur une « démarche inédite consistant à traiter ensemble les grands problèmes qui mettent en péril la cohésion de notre pays » : chômage de longue durée, chômage des jeunes, accroissement du nombre d'exclus, crise du logement, délitement des quartiers défavorisés, discrimination, crise du système éducatif à certains endroits, etc. « Trop longtemps, une approche cloisonnée et morcelée de questions qui, en fait, se nourrissent les unes des autres a prévalu. Le but de ce plan est d'agir simultanément sur tous les leviers qui contribueront à briser cet engrenage et à établir le cercle vertueux de la réussite et de la cohésion », précise encore la Rue de Grenelle. Il s'agit d' « une nouvelle donne, qui rompt avec les logiques du passé », a commenté Jacques Chirac le 30 juin en conseil des ministres.
La rupture ne réside pas seulement dans la méthodologie pour le gouvernement Raffarin. En matière d'emploi, Jean-Louis Borloo se démarque de son prédécesseur, François Fillon, qui misait essentiellement sur la dynamique de l'emploi et sur les entreprises pour combattre l'exclusion. C'est bel et bien avec le traitement social du chômage que la France renoue, option abandonnée avec la défaite du gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Mesure emblématique de ce virage, la création, dans le secteur non marchand, des contrats d'activité pour les bénéficiaires de minima sociaux. Ces contrats - un million d'entre eux devraient être proposés en 4 ans - absorberont la plus grande partie des crédits consacrés au plan : 5, 2 milliards d'euros.
L'argent... Plus que jamais il sera le nerf de cette guerre contre la pauvreté et la relégation. Jean-Louis Borloo escomptait 3 milliards d'euros dès l'année prochaine. Dans son bras de fer avec Bercy, Matignon a tranché, et plutôt en faveur de Nicolas Sarkozy. Ce sera un peu plus d'un milliard d'euros de crédits nouveaux qui seront engagés en 2005. Pour la suite, le ministre de la Cohésion sociale entend s'appuyer sur une loi de programmation quinquennale, jusqu'en 2009, qui devrait être présentée en conseil des ministres fin juillet et débattue au Parlement en octobre. Jean-Louis Borloo a beau marteler qu' « il n'y a aucun problème budgétaire concernant ce plan » et être « persuadé qu'il n'y en aura jamais », quel poids auront les engagement pris au-delà de la fin de la législature, prévue en 2007 ?
Des trois grands chantiers du plan Borloo, les mesures sur l'emploi étaient les plus attendues. Elles s'articulent autour de trois axes : le renforcement du service public de l'emploi, une action spécifique pour les jeunes et le retour vers l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Là où l'ancien ministre de l'Emploi, François Fillon, entendait continuer à dynamiser l'emploi, notamment dans le secteur marchand, son successeur met davantage l'accent sur les moyens de ramener vers l'activité et l'emploi ceux qui en sont exclus depuis longtemps et dont le nombre grandissant menace la cohésion sociale.
Partant du constat que l'éparpillement des acteurs qui interviennent en faveur des chômeurs - ANPE, Unedic, conseils régionaux, départements, organismes consulaires -rend leur action peu lisible, tant pour les demandeurs d'emploi que pour les entreprises, le plan Borloo regroupe en un même lieu - les « maisons de l'emploi » - tous les services d'aide à la recherche d'emploi.
300 « maisons de l'emploi », créées de toutes pièces ou « labellisées » lorsqu'elles existent déjà à titre expérimental, réuniront les compétences de chacun de ces acteurs. L'objectif du dispositif est double : mieux anticiper les besoins de formation et mettre davantage en relations chômeurs et entreprises. Au-delà, ces nouvelles structures constituent un lieu dédié au traitement particulier des chômeurs en difficulté, après orientation par les grands réseaux, notamment celui de l'ANPE. Et un cadre regroupant tous les services susceptibles d'être offerts en matière d'aide à la création de leur propre emploi par les chômeurs. Enfin, elles associent tous les partenaires de la politique de l'emploi et de la formation, fédérés au sein d'une structure juridique (groupement d'intérêt public).
Placée sous l'autorité d'un « manager » expérimenté, elle fera appel à une équipe pluridisciplinaire d'une cinquantaine de personnes, composée pour partie d'agents mis à la disposition par les partenaires du groupement d'intérêt public, pour partie d'agents recrutés en propre et venant du monde de l'entreprise. A noter qu'une répartition précise des tâches sera localement opérée.
La création de ces maisons nécessitera des embauches de personnels, dont le coût représentera une ligne importante de la facture : de 120 millions d'euros en 2005 à 300 millions d'euros en 2009, en passant par 530 millions d'euros en 2007 (voir tableau). Un fonds, inscrit au budget de l'Etat, contribuera au financement du dispositif (aide à l'investissement et au recrutement progressif, sur contrat de droit privé, de 7 500 agents, les autres personnels nécessaires étant fournis par redéploiement).
Parallèlement, le plan de cohésion sociale prévoit que l'ensemble du dispositif de placement des demandeurs d'emploi sera réformé. Sont notamment annoncés :
la création d'un dossier unique du demandeur d'emploi, accessible en tous points des différents réseaux, pour faciliter ses démarches et son accompagnement ;
le durcissement des contrôles de la recherche effective d'emploi. Le demandeur d'emploi, « accompagné de manière plus efficace par le service public de l'emploi, sera tenu, en contrepartie, à la recherche assidue d'un travail et à une participation active au programme de formation ». Pour crédibiliser ce dispositif, des « sanctions justes et graduées » pourront être prononcées, après une procédure contradictoire, en lieu et place du « tout ou rien » actuel ;
l'ouverture du marché du placement - qui existe déjà dans les faits depuis plusieurs décennies - recevra un support juridique. Un cahier des charges précis encadrera cette activité ;
le renforcement de l'opération de revitalisation et de modernisation des agences locales de l'ANPE amorcée ces dernières années ;
un pilotage plus intégré de la politique menée pour les chômeurs. Ainsi, le comité supérieur de l'emploi deviendra l'instance de coordination stratégique et d'évaluation systématique des politiques de l'emploi au niveau national. Une politique de contractualisation sera engagée au plan national et déclinée territorialement.
Les premières lignes du plan de cohésion sociale évoquent la contradiction entre la forte part de la richesse nationale consacrée chaque année à la protection sociale (30 %, soit environ 450 milliards d'euros) et des chiffres et des statistiques « inquiétants ».
En 15 ans :
le nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion est passé de 422 000 à 1 100 000 ;
le nombre annuel supplémentaire de familles surendettées est passé de 90 000 à 165 000 et atteint aujourd'hui un total de 1 500 000 ;
le chômage des jeunes de 16 à 24 ans dans les quartiers en zones urbaines sensibles est passé de 28 % à 50 % ;
chaque année, plus de 80 000 enfants entrent en 6e sans maîtriser les savoirs fondamentaux ;
les grandes écoles sont trois fois moins accessibles aux élèves de milieux modestes qu'au cours des années 50 ;
les actes racistes enregistrés chaque année ont plus que quadruplé ;
le nombre de logements indécents a doublé ;
la liste d'attente pour l'accès au logement social a été multipliée par quatre.
Pour Jean-Louis Borloo, les jeunes, notamment ceux dépourvus de qualifications, doivent être les premiers bénéficiaires de cet effort national : « tous doivent pouvoir, sous des formes adaptées, retrouver le chemin de l'activité, aussi modeste soit-elle ». L'action en faveur des jeunes s'articulent autour de trois grands axes : accompagner les jeunes en difficulté vers l'emploi durable, dynamiser l'apprentissage et favoriser la mixité sociale dans la fonction publique.
Dans la situation actuelle, marquée par un taux de chômage des jeunes particulièrement alarmant (2), le ministre de l'Emploi considère qu'il faut trouver, pendant la durée du plan, une « solution active » pour 800 000 jeunes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi, soit déjà sortis du système scolaire, soit appelés à en sortir sans aucune qualification.
Ils bénéficieront d'un « accompagnement personnalisé et renforcé, pour une période d'un an, renouvelable jusqu'à l'accès définitif à l'emploi durable ». Les modalités de cet accompagnement et les engagements réciproques seront formalisés dans un « contrat d'avenir ».
Concrètement, le plan Borloo prévoit :
la mise en place d'un « référent » pour tout jeune sans emploi ni qualification, « qui définit avec lui son projet professionnel et l'entraîne jusqu'à l'emploi pérenne ». Il suivra le jeune à tous les niveaux : formation et emploi bien sûr, mais aussi logement, transports et santé. Le plan Borloo précise les catégories de professionnels qui seront mobilisés pour cette tâche (collaborateurs des missions locales, travailleurs sociaux actifs dans les quartiers, seniors expérimentés dans le champ éducatif...) ;
l'instauration d'une allocation intermédiaire pour les jeunes entre deux contrats, afin qu'il n'y ait pas rupture de revenu ;
l'orientation des jeunes vers les « métiers du plein emploi » grâce « aux plates-formes de vocation », permettant d'évaluer leur aptitude à se diriger vers les métiers qui recrutent.
Trois voies d'accès à l'emploi pour ces 800 000 jeunes en difficulté sont définies : 350 000 d'entres eux intégreront une formation en alternance - apprentissage et contrat de professionnalisation (3) - dans le cadre du programme pour le développement de l'apprentissage (voir ci-dessous) ; 350 000 jeunes seront conduits vers l'emploi marchand, avec un droit à la formation, le cas échéant par le truchement d'un contrat aidé (contrat jeune en entreprise, contrat d'insertion dans la vie sociale...) ; 100 000 jeunes seront, enfin, recrutés en alternance dans le secteur public (voir ci-dessous).
Le contrat jeune en entreprise sera amélioré. L'aide apportée par l'Etat pourra être modulée, dans une fourchette fixée entre 100 € et 300 € par mois et par jeune (le niveau de soutien actuel est de 225 €). Cette modulation tiendra compte des difficultés d'accès à l'emploi du jeune. Cette évolution du contrat jeune en entreprise fera l'objet d'une modification des textes réglementaires. Et une consultation des partenaires sociaux sera mise en œuvre pour étudier les scénarii de soutien modulé et le renforcement du droit à la formation du jeune directement embauché. A noter : le coût du dispositif est évalué à 235 millions d'euros en 2005. Il atteindra 468 millions d'euros en 2009 (voir tableau).
A côté de la mise en place récente du contrat de professionnalisation et de l'évolution de l'enseignement professionnel dans l'Education nationale, le plan Borloo réaffirme que le développe- ment de l'apprentissage est une nécessité pour l'emploi des jeunes. Ce, d'autant que le vivier d'un million d'entrepreneurs que compte la France est aujourd'hui menacé, 500 000 d'entre eux devant arrêter leur activité dans la décennie à venir.
En conséquence, l'Etat conduira avec les organismes consulaires, les partenaires sociaux et les régions, dans le cadre du programme « 500 000 apprentis, étudiants des métiers », trois séries d'actions pour augmenter de 40 % le nombre des apprentis et le porter à 500 000 en 2009 (contre 300 000 aujourd'hui). La montée en charge des effectifs et du financement de l'apprentissage sera progressive, au rythme de 30 000 à 40 000 apprentis supplémentaires par an pendant 5 ans. A l'horizon 2009, les surcoûts générés par la réforme sont évalués pour l'Etat à 0, 6 milliard d'euros.
S'agissant des apprentis, le ministre entend rapprocher la rémunération des plus jeunes d'entre eux de celle des titulaires du contrat de professionnalisation. Et un revenu plancher pour les apprentis enchaînant deux contrats sera garanti. Signalons, par ailleurs, que les ruptures de contrats seront prévenues, notamment par l'instauration d'un entretien formalisé entre le tuteur en centre de formation des apprentis, l'apprenti et le maître d'apprentissage en cas de difficulté. Enfin, des aides pour le logement et pour la mobilité, ainsi qu'une carte nationale d'apprenti, seront instituées.
Les entreprises, pour leur part ,bénéficieront de la création d'une incitation fiscale, dont le montant variera en fonction du nombre d'apprentis accueillis. Elle sera d'ailleurs doublée en cas d'embauche d'apprentis sans qualification et ayant des difficultés d'accès à l'emploi. L'objectif est de porter à 2 % de l'effectif le nombre d'apprentis dans les entreprises de plus de 100 personnes.
S'il n'est pas atteint dans un délai de 3 ans, ce seuil minimal de 2 % pourrait être instauré par voie législative.
Le plan Borloo ambitionne, tout d'abord, de rendre plus transparente la collecte de la taxe d'apprentissage et son utilisation.
Il prévoit ensuite de mobiliser des recettes supplémentaires en supprimant certaines exonérations au titre du « hors quota » (on désigne ainsi la part de la taxe d'apprentissage due qui peut être affectée à des structures de formation autres que les centres de formation d'apprentis). L'objectif est d'offrir à l'apprentissage stricto sensu - les centres de formation d'apprentis -l'intégralité des recettes supplémentaires ainsi dégagées, le niveau actuel des sommes allouées à l'enseignement technologique et professionnel étant, pour sa part, préservé en valeur absolue.
Enfin, les critères de répartition du fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage seront modifiés de manière à assurer une plus grande équité sur le territoire.
Autre ambition affichée : chacune des grandes écoles, la Conférence des grandes écoles et la Commission des diplômes étudient l'organisation d'une filière particulière pour qu'un pourcentage significatif des diplômés des grandes écoles soit issu de l'apprentissage.
Constatant que l'accès des jeunes sans qualification ni diplôme aux emplois publics est pratiquement impossible (4), le volet emploi du plan prévoit la mise en place d'une nouvelle voie de recrutement pour les emplois publics - dénommée PACTE (parcours d'accès à la fonction publique territoriale, hospitalière et de l'Etat) (5) -, reposant sur le principe d'une formation alternée dans le service public et profitant notamment aux jeunes issus des quartiers sensibles. Originalité du dispositif, qui sera piloté par le ministre de la Fonction publique, Renaud Dutreil : la validation de la formation ainsi dispensée permettra à son terme d'accéder à un emploi de titulaire sans passer le concours professionnel ou sans être soumis à une sélection lorsque l'emploi est accessible sur recrutement direct.
Cette voie de pré-recrutement - qui n'implique aucune augmentation de l'emploi public - se fera sur des postes libérés dans les fonctions publiques par les départs à la retraite (120 000 chaque année à partir de 2006).
Par ailleurs, la rémunération se déclinera selon le même modèle qu'en matière d'apprentissage. Précision importante : des exonérations de charges comparables à celles consenties aux entreprises inciteront les collectivités locales et les hôpitaux à recourir au PACTE.
L'ouverture de cette nouvelle voie d'accès aux fonctions publiques implique une large concertation avec les collectivités territoriales et les organisations syndicales de fonctionnaires, note le ministre. Et suppose la modification des trois lois statutaires (fonction publique de l'Etat, fonction publique hospitalière et fonction publique territoriale).
Pour « donner une possibilité efficace de retour progressif à l'emploi » aux titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), le plan prévoit la création, dans le secteur non marchand, d'un contrat d'activité, « fondé à la fois sur un accompagnement personnalisé systématique et sur un contrat de travail aidé ». Ce nouveau dispositif vient s'ajouter au contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA), récemment créé, et également censé ramener les personnes au RMI vers l'emploi durable (6).
Le contrat d'activité sera ouvert à toutes les personnes allocataires du RMI et de l'ASS depuis 6 mois, ainsi que, sur leur demande, aux titulaires de l'allocation de parent isolé. La durée d'activité hebdomadaire sera comprises entre 26 heures et 35 heures, répartie obligatoirement entre temps de travail et temps de formation. Cette répartition sera modulable selon les besoins des bénéficiaires, étant précisé que la durée maximale du temps de travail sera de 26 heures par semaine. Ce temps de travail sera rémunéré au SMIC horaire. Les titulaires du contrat bénéficieront des mêmes droits sociaux que ceux attachés au contrat emploi consolidé.
Ce nouveau contrat ouvrira droit à une qualification, une validation des acquis de l'expérience ou à une attestation de compétences. Sa durée sera de 2 ans, et pourra être prolongée d'une année. Il ne sera pas renouvelable.
Ce seront les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale qui proposeront ce contrat d'activité et veilleront à son déroulement, en liaison avec les départements. Cette compétence pourra toutefois être déléguée, notamment à des associations, aux nouvelles maisons de l'emploi ou, pour les petites communes, aux départements. L'accompagnement personnalisé, mis en œuvre par les communes, pourra être financé par les départements sur leurs crédits d'insertion, dans le cadre de conventions passées à cet effet. Le financement de la formation, quant à elle, reviendra aux régions et aux départements.
L'employeur pourra être une collectivité territoriale, une entreprise d'insertion, une association ou un délégataire de service public, et s'engagera à encadrer le bénéficiaire et à lui désigner un tuteur. En contrepartie, l'Etat lui apportera une aide financière.
Le financement du contrat sera assuré de la façon suivante :
le département (pour le RMI) ou l'Etat (pour l'ASS) versera le montant de cette allocation à l'employeur. Les majorations du RMI (couple, enfants) continueront d'être versées aux allocataires ;
l'employeur supportera donc la différence entre le montant de la rémunération, basée sur le SMIC horaire, et celui du RMI ou de l'ASS. Toutefois, il bénéficiera d'une aide forfaitaire de l'Etat, calculée de manière à représenter 75 % de cette différence la première année du contrat, 50 %la deuxième et 25 % la troisième.
Afin « d'inciter fortement les employeurs et les communes à aider au retour à l'emploi », une prime forfaitaire de 1 500 € sera versée à chacun d'entre eux « pour chaque sortie vers l'emploi durable ».
Le plan prévoit la création de un million de contrats d'activité en 4 ans (250 000 chaque année), le démarrage du programme étant prévu pour avril 2005. Le tout pour un coût évalué à 383 millions d'euros en 2005, 1, 119 milliard d'euros en 2006, 1, 285 milliard d'euros en 2007 et 2008, et 1, 2 milliard d'euros en 2009 (voir tableau).
Comme l'avait annoncé Jean-Louis Borloo aux associations (7), le plan prévoit d'étendre la protection sociale des bénéficiaires du revenu minimum d'activité (RMA). En outre, l'ancienneté dans le revenu minimum d'insertion pour bénéficier du RMA sera réduite à 6 mois, « de manière à harmoniser les régimes du RMA et du contrat d'activité ».
Ces mesures coûteront 40 millions d'euros en 2005 et 80 millions d'euros pour chacune des 4 années suivantes.
Les résultats positifs du secteur de l'insertion par l'activité économique (8), « mais aussi sa fragilité financière et les possibilités de développement qui sont les siennes justifient un effort public, de manière à développer l'activité dans les 1 000 entreprises d'insertion, les 900 associations intermédiaires et les chantiers d'insertion », affirme le plan du ministère de l'Emploi.
Ainsi, en plus de 11 000 postes actuellement budgétés pour les entreprises d'insertion (aide forfaitaire au poste et exonération de cotisations sociales patronales), 4 000 nouveaux postes vont être financés sur 3 ans.
En outre, une aide spécifique structurelle, d'un montant moyen de 15 000 € , va être créée au profit des chantiers d'insertion. Et le régime de l'aide à l'accompagnement des associations intermédiaires doit faire l'objet de diverses améliorations.
Enfin, la dotation de l'Etat au Fonds départemental d'insertion, qui accorde aux différentes structures d'insertion par l'activité économique des aides à la consolidation, au développement et au démarrage, « sera sensiblement accrue ».
Au total, l'effort budgétaire annuel de l'Etat sera augmenté de 66 millions d'euros dès 2005, de 83 millions d'euros en 2006, ce chiffre étant porté à 93 millions d'euros à partir de 2007 (voir tableau). En outre, du fait de la fragilité de ce secteur, de son besoin de prévisibilité et de sécurité dans son financement, l'Etat s'engage à veiller à la régularité du versement de ses aides, a promis le ministre.
Parce que « les contrats aidés ne sont pas suffisamment efficaces (car trop rigides) et sont source d'effets d'aubaine importants », le plan Borloo contient plusieurs mesures tendant à simplifier et à rationaliser l'ensemble des contrats aidés susceptibles de bénéficier aux chômeurs de longue durée de plus de 26 ans. Il tend également à assouplir la législation relative aux contrats à durée déterminée.
Tout d'abord, à l'exception des contrats destinés aux jeunes et du nouveau contrat d'activité , les contrats aidés vont être fondus en deux catégories. Ainsi, ne subsisteront plus que :
un contrat aidé dans le secteur marchand, qui succédera au contrat initiative-emploi (CIE), aux stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) et aux stages d'accès à l'emploi (SAE) ;
un contrat aidé dans le secteur non marchand, qui remplacera les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emploi consolidé (CEC).
L'un et l'autre ouvriront droit à une exonération totale ou partielle de charges sociales et à une prime pour l'employeur abaissant le coût du travail. La loi qui donnera une base légale à ces deux types de contrats se bornera, pour chacun d'eux, à fixer le montant maximal de l'aide que pourra apporter l'Etat.
Le plan prévoit, en outre, d'associer aux nouveaux contrats aidés, de manière plus systématique, une action de formation qualifiante.
Le volume des entrées dans ces nouveaux contrats aidés sera maintenu au niveau de 2004, « une fois déduite les entrées de bénéficiaires de minima sociaux, puisque des dispositifs spécifiques sont désormais prévus en leur faveur », explique le ministère de l'Emploi. « Compte tenu de ce redéploiement », le montant des crédits afférents aux contrats aidés existants (CES, CEC, CIE, SIFE, SAE), fondus dans une enveloppe unique gérée au niveau régional, pourra ainsi être fixé à 2, 6 milliards d'euros en 2005.
Le plan de cohésion sociale prévoit d'assouplir la législation relative aux contrats à durée déterminée (CDD) afin de favoriser le retour à l'emploi des chômeurs de très longue durée. Les partenaires sociaux sont, dans cet objectif, invités à réfléchir aux modalités possibles.
Pour faire évoluer « les règles qui régissent les relations individuelles et collectives de travail, [qui] sont parfois excessivement complexes et rigides », le ministère de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale invite les partenaires sociaux à lancer une négociation interprofessionnelle, et leur soumet 6 thèmes prioritaires.
La gestion sociale des restructurations (licenciements économiques), sur laquelle syndicats et patronat planchent déjà depuis plusieurs mois, est le premier. Le plan prévoit qu'un projet de loi sera déposé avant la fin de l'année au vu des résultats de cette négociation.
Autre chantier jugé prioritaire : l'emploi des seniors. Pour le ministère, « il faut promouvoir une véritable politique de gestion des âges au sein des entreprises, passant par un effort de formation accru, une réflexion sur les conditions de travail, un aménagement des fins de carrière et la mise en place de formes d'emploi favorisant le développement de l'emploi des seniors ». Selon le plan, « l'Etat montrera la voie », sans plus de précision.
Les partenaires sociaux sont également invités à se pencher sur la sécurisation des règles régissant les relations individuelles et collectives de travail : clarification du statut du contrat de travail, limitation des délais de recours contentieux, développement des nouvelles formes d'emploi en direction de publics spécifiques, etc.
Les branches et les entreprises seront, par ailleurs, incitées à utiliser pleinement les modalités d'assouplissement des 35 heures instaurées par la loi Fillon du 17 janvier 2003 (9). En parallèle, le gouvernement veillera à clarifier les règles régissant la durée du travail, le repos hebdomadaire et le temps partiel.
Enfin, la santé et la sécurité au travail, ainsi que la modernisation du financement des syndicats, sont deux autres enjeux essentiels de la négociation.
« La France compte encore trop peu d'emplois dans les services aux particuliers de tous types », déplore le plan qui se donne pour objectif la création de 250 000 emplois en 5 ans.
Pour cela, il entend réduire les barrières à l'entrée sur le marché des services aux particuliers en simplifiant les procédures d'agrément des entreprises de services aux personnes, en rénovant les règles de qualité relatives à la fourniture de service aux particuliers et en développant des contrats multi-employeurs.
Selon le ministère de l'Emploi, « 46 %des créations d'entreprise sont le fait de chômeurs (35 %), d'allocataires de l'ASS (4 %) ou du RMI (7 %) […]. Mais nombreux sont les demandeurs d'emploi qui, désireux d'entreprendre, ne peuvent franchir le pas, faute de moyens, de soutien ou d'accès au capital ».
Aussi le plan Borloo se fixe-t-il comme objectif d'atteindre 100 000 créations d'emplois par des chômeurs entrepreneurs sur 5 ans, par trois séries de mesures.
La première : le renforcement de l'accompagnement des demandeurs d'emploi créateurs d'entreprise. La nouvelle maison de l'emploi les mettra ainsi en relation avec des entrepreneurs et des cadres expérimentés qui joueront un rôle de tuteur. Le créateur bénéficiera alors d'une aide technique et d'un « portefeuille de relations ». En contrepartie, le tuteur fera l'objet d'une réduction d'impôt de 1 000 €, la dépense fiscale correspondante atteignant 25 millions d'euros en 2007. En outre, l'accompagnement des chômeurs créateurs d'entreprise sera reconnu comme une forme de formation professionnelle et pourra être financé à ce titre.
Il s'agira, par ailleurs, de faciliter l'accès au crédit. Ainsi, l'Etat apportera une offre financière d'un nouveau type pour les personnes exclues du marché bancaire et qui ont un projet économique crédible. A cet effet, un fonds garanti par l'Etat pourra répondre des prêts consentis par les guichets bancaires à vocation sociale à des personnes physiques (chômeurs, titulaires du RMI, travailleurs en reconversion) ou morales (associations, structures d'insertion...), ainsi que l'apport en fonds propres pour les créateurs. L'Etat dotera ce fonds à hauteur de 26 millions d'euros sur 3 ans, ce qui permettra de garantir 225 millions d'euros de capital, représentant 35 000 emplois créés.
Enfin, le plan prévoit d'augmenter, dans certaines conditions, la durée du bénéfice du dispositif d'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise (ACCRE). L'exonération totale ou partielle de cotisations sociales du revenu du créateur sera ainsi portée à 3 ans si son revenu est inférieur au SMIC. Cette prolongation ne concernera que les personnes ayant opté pour le statut de micro-entreprise. Selon le ministère, cette mesure pourrait déclencher la réalisation d'environ 40 000 projets d'entreprises supplémentaires et le coût total de l'ACCRE atteindrait environ 300 millions d'euros à terme (contre 120 millions aujourd'hui).
« Pour porter à 60 % le taux d'activité des femmes entre 15 et 64 ans, conformément à l'objectif affiché par les Quinze lors du sommet de Lisbonne en 2000 (10) , une mobilisation renforcée s'impose », explique le ministère. Le plan contient donc un certain nombre de mesures en faveur de l'égalité professionnelle dont la plupart ont déjà été présentées, le 2 juin en conseil des ministres, par la ministre de la Parité et de l'Egalité professionnelle, Nicole Ameline (11).
Le plan prévoit, en premier lieu, de créer, pour les entreprises de moins de 50 salariés, une aide au remplacement lorsqu'une femme part en congé maternité. Le coût correspondant pourrait être compris dans l'assiette du crédit d'impôt famille créé par la loi de finances pour 2004 (12). Aider les petites et moyennes entreprises à établir un diagnostic et à prendre des dispositions favorisant l'égalité professionnelle est également au programme.
En outre, au-delà de l'accord interprofessionnel du 1er mars 2004 qui prévoit un entretien professionnel pour toutes les salariées revenant d'un congé de maternité ou d'un congé parental (13), les branches professionnelles seront encouragées à négocier sur la neutralisation des incidences de ces congés et sur le principe de la fixation d'un objectif chiffré de réduction des inégalités de salaires.
Le gouvernement souhaite également favoriser la prise en charge des dépenses pour frais de garde liées à une action de formation, neutraliser la période de suspension du congé parental pour le bénéfice des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation (14) et valoriser l'activité des femmes par la prise en compte de l'expérience familiale dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience.
Enfin, l'aide à la reprise d'activité des femmes (ARAF) « sera dynamisée », tandis qu'un accès plus large à la nouvelle prestation d'accueil du jeune enfant sera assuré aux créatrices d'entreprise et aux conjointes de travailleurs indépendants.
L'une des sources majeures d'exclusion et deuxième « pilier » du plan : le logement, un élément « structurant, a déclaré le ministre, qui représente d'ailleurs le premier facteur de l'échec scolaire ». Avant même le débat prévu dans le cadre des assises du 1er juillet, décidé en février dernier par le Premier ministre à la suite du cri d'alarme des associations, Jean-Louis Borloo a détaillé les trois axes de sa politique pour enrayer la crise : rattraper les retards dans le logement locatif social, mobiliser le parc privé et renforcer l'accueil et l'hébergement d'urgence.
Pour adapter le parc aux besoins et améliorer le système de financement et de production, le ministre entend « marquer une rupture par rapport aux politiques précédentes et répondre à cette crise par un programme d'urgence, déconnecté des procédures habituelles pour une période limitée ». Il prévoit de consacrer 80 millions d'euros supplémentaires au logement social en 2005, puis 120 millions d'euros jusqu'en 2009 (voir tableau).
Plusieurs aspects de ce dossier touchent au projet de loi sur les responsabilités locales, actuellement en deuxième lecture devant le Parlement, qui devrait être amendé en conséquence.
L'objectif est de faire passer la production annuelle de logements sociaux de 80 000 (inscrits dans la loi de finances pour 2004) à 120 000 en 2009 (dont environ 20 000 en remplacement des démolitions) , soit un total de 500 000 en 5 ans. Ce qui représente quasiment un doublement des productions, dont le rythme annuel moyen stagne depuis plusieurs années à environ 50 000. La répartition des différentes catégories de logements, à laquelle les associations seront particulièrement attentives, n'a pas encore été précisée officiellement.
Pour mettre en place ce programme, l'Etat devrait signer en septembre une convention-cadre avec l'Union sociale pour l'habitat (USH), déclinée localement avec les collectivités territoriales et les organismes HLM. Il devra s'engager chaque année à apporter les crédits nécessaires, sous la forme d'une enveloppe globale et non plus d'une aide à la pierre par projet. L'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties sera par ailleurs portée de 15 à 25 ans pour les logements inclus dans le programme.
Pour leur part, l'Union sociale pour l'habitat et les organismes HLM devront réaliser l'objectif prévu sur les 5 ans et créer en priorité des logements pour les familles nombreuses, ainsi que des maisons-relais. Ils devront également « mettre à niveau » le parc existant (par des fonds propres et la mise en place de prêts à 2, 95 % par la Caisse des dépôts et consignations, représentant 400 millions d'euros par ans pour 5 ans) et respecter une charte de qualité du service rendu. Ces actions seront en outre mutualisées : au cas où un organisme ne pourrait tenir ses engagements, les autres pourraient venir en renfort. Une loi de programmation devrait fixer les objectifs de production et les moyens de ce programme et une « mise en œuvre de la décentralisation » cohérente avec ce plan. La loi devrait en outre garantir la « stabilité » des avantages fiscaux et des aides qui constituent la base du financement du logement social (TVA à taux réduit de 5, 5 %, exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, livret A).
Si les dispositions restent encore à préciser, Jean-Louis Borloo n'a pas éludé le problème du foncier dans la construction des logements sociaux. Son plan prévoit, « en cas de nécessité », la mise en place, après concertation avec les élus, d'établissements publics fonciers chargés de constituer des réserves et de fournir à « un coût maîtrisé » le foncier nécessaire. Ce dernier devrait bénéficier de moyens supplémentaires, provenant des aides à la pierre et des dispositions de la loi solidarité et renouvellement urbains relatives au financement du logement social.
Le plan envisage une organisation spécifique pour l'Ile-de-France, où l'utilisation à des fins de logement de surfaces appartenant à l'Etat ou à des organismes publics et parapublics devra être « systématiquement recherchée ». Une agence foncière, décidée par la région, devrait être créée après la remise d'un « rapport opérationnel » d'ici à la fin du mois de novembre.
Initialement prévu pour la période 2004-2008, le programme national de rénovation urbaine connaîtra un ajustement de sa durée et de son enveloppe pour satisfaire l'ensemble des besoins, promet le ministre. Il sera prolongé de 3 ans, « sans modifier, pour les années 2004 à 2009, les montants de crédits inscrits dans la loi du 1 er août 2003 » (30 milliards d'euros d'investissement sur 5 ans, dont 2, 5 milliards engagés par l'Etat).
Ambition affichée : rétablir la confiance des bailleurs face au risque locatif, remettre sur le marché 100 000 logements vacants (sur les 2 millions recensés sur le territoire) et conventionner 200 000 logements privés à « loyers maîtrisés » sur 5 ans, dont la moitié à usage social. Coût pour 2005 : 70 millions d'euros, puis 140 millions chaque année jusqu'en 2009.
Le plan vise à créer tous les ans 40 000 logements à loyers maîtrisés produits avec les aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), qui multiplie ainsi par deux son objectif de 2004. Pour faciliter les remises sur le marché, une exonération pendant 3 ans de la contribution sur les revenus locatifs sera mise en place et la prime versée par l'agence sera portée à 5 000 € en zone tendue et à 2 000 € sur le reste du territoire (elle ne dépasse pas actuellement 3 000 €). Elle sera cumulable avec l'amortissement « de Robien » sur l'acquisition de logements neufs ou assimilés.
Pour augmenter le nombre de logements loués à usage social, le parc concerné sera conventionné et bénéficiera d'une « garantie mutualisée des risques locatifs ». Cette dernière sera financée par des cotisations de propriétaires qui seraient, en contrepartie, exonérés de la contribution sur les revenus locatifs. Un dispositif fiscal « à vocation très sociale » , qui cumulerait l'amortissement fiscal « de Robien » et une déduction forfaitaire de 40 %, devrait également être instauré.
Le dispositif, pas encore tout à fait ficelé, vise à restaurer la confiance des propriétaires, dans l'objectif de remettre 100 000 logements vacants sur le marché et de réduire le montant des cautions et des avances de garantie. Le statut de créance privilégiée des créances issues d'impayés relatifs à une charge de logement sera « conforté », tandis que la procédure d'injonction de payer serait améliorée. Le bailleur pourrait obtenir une « exécution par provision », cela indépendamment d'un éventuel jugement sur le fond en cas de litige.
Le projet de loi sur les responsabilités locales devrait en outre être amendé pour que les logements vacants sans propriétaire connu puissent être affectés aux communes, seulement s'ils sont destinés à l'habitation. A défaut, ils reviendraient à l'Etat qui confierait leur gestion aux organismes HLM.
Le plan prévoit une réforme des codes de la santé publique et de la construction afin de renforcer la lutte contre l'habitat indigne. Les dispositifs de police administrative dans ce domaine devraient être simplifiés et les obligations de l'Etat et des communes en matière de relogement ou d'hébergement, en cas de défaillance des propriétaires, clarifiées.
Le désengorgement des dispositifs d'hébergement figure clairement au rang des priorités pour rétablir de la fluidité dans l'accès au logement. 77 millions d'euros devraient y être consacrés en 2005, 97 millions en 2006 puis 117 millions chaque année jusqu'en 2009.
7 000 places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) devraient être créées, dont 3 000 sur des crédits affectés en 2004 et 2 000 issues d'une transformation de places d'urgence. Le plan prévoit aussi la création de 1 300 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, ainsi que la transformation de 500 places d'urgence en places de CHRS. Avec les 87 000 places existantes, la capacité de l'ensemble du dispositif avoisinera ainsi les 100 000 places, auxquelles s'ajoutent les 6 000 du dispositif hivernal.
Comme le ministère l'avait déjà promis aux associations, 6 000 places en maisons-relais devraient être créées d'ici à 2007. L'objectif étant, « à terme », de voir construire une structure dans chaque commune de 50 000 à 100 000 habitants, deux dans les communes de 100 000 à 200 000 habitants et trois à partir de 300 000. L'Etat devrait aussi porter son aide de 8 € à 12 € par place.
Les personnes hébergées dans le dispositif d'urgence rejoindront la liste des publics prioritaires pour l'attribution de logements locatifs sociaux prévus par l'article du code de la construction et de l'habitation sur le contingent préfectoral. Le ministre espère ainsi libérer 10 000 places dans le dispositif d'urgence.
S'appuyant sur le constat que « les quartiers défavorisés cumulent les handicaps :environnement dégradé, taux de chômage plus élevé que la moyenne, familles particulièrement touchées par les “accidents de la vie” » et que « l'éducation des enfants y est beaucoup plus difficile, les risques de décrochage scolaire, les attitudes agressives, les situations de stress ou le repli sur soi sont plus fréquents », le plan prévoit la création d' « équipes de réussite éducative », inspirées des expériences britanniques « City Challenge » et « Educative Action Zones » ainsi que du « Perry Preschool Program » américain. Ces équipes sont appelées à « mobiliser autour de l'enfant et des parents tous les professionnels spécialistes de la petite enfance : enseignants, éducateurs, animateurs, travailleurs sociaux, psychologues, pédopsychiatres et rééducateurs (kinésithérapeutes, orthophonistes) ».
Créées à l'initiative des chefs d'établissements, des communes et de leurs groupements, des départements, des caisses d'allocations familiales et de l'Etat, ces équipes permettent « un accompagnement collectif ou individuel des enfants et de leurs familles, notamment de ceux qui sont signalés comme étant en grande difficulté ». Parmi les activités proposées, qui s'inscrivent « dans le cadre d'un contrat passé entre la famille et l'équipe de réussite éducative » : « soutien scolaire, écoute de l'enfant et activités récréatives ».
750 équipes devraient voir le jour - dans un cadre juridique souple, tel qu'un groupement d'intérêt public. Elles interviendront au sein de 900 zones ou réseaux d'éducation prioritaire (ZEP et REP), représentant près de 7 000 écoles primaires. « Le coût annuel d'une équipe de réussite éducative est estimé à 1 million d'euros par structure, cofinancé par l'Etat et ses partenaires. »
Ce programme vise à redonner aux jeunes en échec scolaire « un cadre et des repères », « à créer des outils pédagogiques adaptés, à leur donner l'occasion de sortir de leurs collèges ou de leurs quartiers, en bref, à leur ouvrir un avenir social et professionnel ».
Premier outil pour atteindre cet objectif : la création de 150 « plates-formes de réussite éducative », réunissant les services sociaux et sanitaires de l'Education nationale, ceux de l'aide sociale à l'enfance et les centres de pédopsychiatrie.
Autre innovation, les « internats de réussite éducative », qui devraient accueillir « les collégiens repérés par les enseignants comme étant en grande difficulté, du fait de leur comportement ou de leur environnement ». Ces structures offriront, à parts égales, un enseignement général, un enseignement pré-professionnel et des activités ludiques et culturelles. Afin de favoriser « la mixité des jeunes », des centres de loisirs constitués en leur sein accueilleront les adolescents domiciliés à proximité.
Une trentaine d'internats devraient voir le jour, trois pour les régions Ile-de-France, Rhône-Alpes, PACA et Nord-Pas-de-Calais et un pour chaque autre région.
Une articulation entre les plates-formes et les internats permettra d'accueillir dans ces derniers les enfants pour lesquels « cette solution aura été jugée la meilleure au sein des plates-formes ».
Contre la ghettoïsation de certains établissements scolaires, le plan évoque plusieurs orientations, qui « pourraient être examinées dans le cadre de la loi d'orientation pour l'école », et mise en œuvre en partenariat avec l'Education nationale et les collectivités territoriales . Parmi elles, l'adoption d'un moratoire sur les « mesures de carte scolaire », telles que les suppressions de classes ou les mouvements d'enseignants en ZEP et REP ; l'octroi de « moyens exceptionnels » pour les écoles et collèges de ces zones ; la création, dans 150 collèges des quartiers difficiles, de « pôles d'excellence éducative » dans les domaines des langues, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, des pratiques sportives, artistiques et culturelles.
« L'inégalité entre les territoires est à la source d'inégalités entre les personnes », insiste le plan, soulignant que « les communes qui comportent des zones urbaines sensibles sont ainsi souvent pénalisées dans leur développement par une anémie fiscale qui leur interdit de faire face aux charges socio-urbaines écrasantes auxquelles elles sont confrontées. »
Or la dotation de solidarité urbaine (DSU), outil de péréquation des moyens entre les communes, « se trompe en partie de cible et ne remplit pas son rôle de redistribution [car elle] privilégie le critère de la faiblesse des ressources propres au détriment des charges sociales réelles des communes ». Elle est en outre d'un montant « modeste », puisqu'elle ne représente que 4 % de la dotation globale de fonctionnement versée par l'Etat aux communes.
Le plan vise tout d'abord à augmenter le montant global de la DSU en l'abondant à hauteur de 120 millions d'euros supplémentaires par an, soit au total de 600 millions d'euros. Il prévoit ensuite de mieux la distribuer puisqu'une prime serait octroyée en fonction de la population résidant en zone urbaine sensible ou en zone franche urbaine.
« Le coût budgétaire pour l'Etat de ce programme est nul, puisque les nouvelles modalités de répartition s'effectuent à enveloppe constante », l'augmentation de la DSU résultant, par exemple, d'une nouvelle répartition des fonds au sein de la dotation globale de fonctionnement.
Malgré des avancées, « la prévention et le traitement de l'exclusion n'ont pas fait de progrès notables », relève le document, en raison de « la difficulté pour les pouvoirs publics à dépasser les cloisonnements pour aborder l'ensemble des causes de décrochage » et « du décalage entre les déclarations solennelles et l'effectivité de l'accès des plus démunis aux droits fondamentaux » qu'avait pointés, en mai dernier, le rapport de l'inspection générale des affaires sociales évaluant la loi de lutte contre les exclusions de 1998 (15).
Le plan prévoit donc la conclusion de « chartes territoriales de cohésion sociale » entre les acteurs « qui souhaiteront s'engager ensemble dans la réalisation d'un projet territorial déclinant et incarnant les différents axes du plan de cohésion sociale » : structures d'hébergement et d'insertion pour les publics en grande difficulté, offre de logements sociaux, accompagnement vers l'emploi des titulaires de minima sociaux...
Par ailleurs, « les services déconcentrés doivent, notamment à l'échelon régional, trouver les moyens de remplir mieux qu'aujourd'hui leur rôle de pilotage, d'animation, de coordination des politiques et de contrôle des opérateurs externes ».
Un « guichet unique d'accueil sur les droits sociaux » sera également créé à titre expérimental dans chaque département, avec une aide de l'Etat de 50 000 €. Les lieux d'accueil pour les jeunes seront développés :une aide de 40 000 € sera apportée à 300 points écoute jeunes supplémentaires sur 3 ans.
Enfin, dans l'objectif de développer l'accompagnement social, il est proposé de « professionnaliser la médiation en créant de nouvelles formations diplômantes et de mettre en place la validation des acquis de l'expérience pour l'ensemble des diplômes du travail social d'ici à la fin 2005 ».
Peu de nouveautés dans ce programme, qui confirme la prochaine création de l'Agence nationale de l'accueil et des migrations, annoncée en avril 2003 lors du conseil interministériel à l'intégration (16). Cet organisme assumera les fonctions jusqu'ici dévolues à l'Office des migrations internationales et au service social d'aide aux émigrants.
Autre confirmation, le contrat d'accueil et d'intégration, expérimenté depuis un an (17), sera généralisé à partir du 1erjanvier 2006. Rappelons que ce contrat, signé par le préfet, précise les conditions dans lesquelles l'étranger signataire bénéficie d'actions favorisant son intégration et les engagements qu'il prend. Il prévoit une formation civique, une évaluation des compétences linguistiques et peut déboucher sur une formation au français et un suivi social personnalisé. « Seul l'étranger ayant signé un contrat et satisfait à ses engagements pourra obtenir une carte de résident de 10 ans », précise le plan. La généralisation de ce contrat nécessite de compléter les financements du Fonds d'aide et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild) à hauteur de 20 millions d'euros en 2005 et de 32 millions d'euros à partir de 2006.
Le plan innove toutefois en prévoyant l'élaboration dans toutes les régions, sous l'autorité du représentant de l'Etat, d'un programme régional d'insertion des populations immigrées, retraçant l'ensemble des actions et des financements en faveur de l'accueil des immigrants et de la promotion sociale et professionnelle des personnes issues de l'immigration.
Les missions du Fasild seront également actualisées, afin de prendre en compte l'instauration de l'Agence nationale de l'accueil et des migrations et « le lien nécessaire de la politique d'intégration avec la politique de la ville », ainsi que la création, auprès du Haut Conseil à l'intégration, d'un observatoire statistique coordonnant les données sur les flux migratoires, lequel devait être installé le 2juillet.
La création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité sera effective le 1er janvier 2005, rappelle le plan. Elle traitera les réclamations individuelles dont elle sera saisie par les victimes ou dont elle décidera de se saisir, et assurera la « promotion de l'égalité » (recommandations, reconnaissance de bonnes pratiques), conformément aux recommandations du rapport Stasi (18).
En outre, le plan propose de rénover les outils juridiques de la lutte contre le racisme, les poursuites n'étant actuellement possibles que pour diffamation et à la seule initiative de la victime, même si la loi Perben II a durci la répression à l'égard des auteurs de délits de racisme (19). Un travail interministériel devrait être mené en ce sens d'ici à la fin de 2004. « Il faut, par la création d'un délit autonome dans le code pénal, simplifier les règles procédurales applicables, permettre au ministère public de passer outre l'inaction de la partie civile et allonger la prescription à 3 ans », indique le document.
Enfin, les entreprises constituant « l'un des vecteurs les plus importants de l'intégration », le programme salue la « charte de la diversité » élaborée par un groupe de chefs d'entreprise, considérée comme « une base propre à permettre la mobilisation de tous les employeurs ». « Si, toutefois, les démarches engagées par les acteurs sociaux ne progressaient pas dans les 2 ans, un débat serait engagé au Parlement sur les moyens d'imposer la diversité du recrutement. » Un label valorisant les efforts des entreprises et des employeurs publics qui diversifient leurs recrutements, à tous les niveaux de responsabilité, devrait par ailleurs être mis en œuvre.
(1) Disponible sur
(2) Le taux d'emploi des jeunes est de 26 %, contre 55 % en moyenne en Europe. 430 000 jeunes sont demandeurs d'emploi à l'ANPE, 150 000 sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, dont 60 000 sans aucune qualification.
(3) Voir ASH n° 2361 du 28-05-04.
(4) D'une part ils ne remplissent jamais la condition de diplôme exigé pour se présenter aux concours de recrutement dans les fonctions publiques. D'autre part, lorsqu'il s'agit d'emplois de catégorie C, ouverts au recrutement direct, ils se retrouvent généralement en concurrence avec d'autres candidats disposant d'une formation initiale d'un niveau supérieur.
(5) Voir ASH n° 2362 du 4-06-04.
(6) Voir ASH n° 2343 du 23-01-04 et n° 2345 du 6-02-04.
(7) Voir ASH n° 2363 du 11-06-04.
(8) Selon le ministère, 3 ans après leur entrée dans une structure d'insertion par l'activité économique, 71 % des bénéficiaires ont un emploi et 3 % sont en formation.
(9) Voir ASH n° 2297 du 7-02-03.
(10) Voir ASH n° 2160 du 31-03-03.
(11) Voir ASH n° 2362 du 4-06-04.
(12) Voir ASH n° 2346 du 13-02-04.
(13) Voir ASH n° 2349 du 5-03-04.
(14) Sur le droit individuel à la formation, voir ASH n° 2359 du 14-05-04.
(15) Voir ASH n° 2359 du 14-05-04.
(16) Voir ASH n° 2307 du 18-04-03.
(17) Voir ASH n° 2348 du 27-02-04.
(18) Voir ASH n° 2347 du 20-02-04.
(19) Voir ASH n° 2353 du 2-04-04.
(20) Hors financements des collectivités locales et de la Caisse des dépôts et consignations notamment.