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L'adoption internationale n'est pas un droit absolu, selon la Cour européenne des droits de l'Homme

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Le 22 juin, la Cour européenne des droits de l'Homme a considéré, dans une affaire d'adoption internationale, que le droit à créer une famille ne devait pas primer sur l'intérêt supérieur de l'enfant et que, en conséquence, un centre éducatif pouvait refuser de remettre un enfant à ses parents adoptifs dès lors que l'enfant avait, lui aussi, exprimé clairement son opposition à cette adoption. Décision dont se félicite la Coordination des actions pour le droit à la connaissance des origines.

En l'espèce, deux familles italiennes, par l'intermédiaire d'une association, ont fait des démarches pour adopter deux fillettes roumaines. L'adoption a été entérinée par un tribunal roumain, en septembre 2000, jugement confirmé et devenu définitif alors que les deux enfants étaient âgées de 9 ans et demi. Mais le centre éducatif qui avait leur garde - un établissement privé agréé par la direction générale (roumaine) pour la protection de l'enfant - a refusé, à plusieurs reprises et malgré des sommations d'huissiers, de remettre les certificats de naissance et de transférer la garde des enfants aux deux familles, s'appuyant sur le refus de ces derniers. Une action en annulation de l'adoption a d'ailleurs été intentée, par la suite, par les deux enfants avec succès dans un cas, en attente de jugement pour le deuxième.

Dans son arrêt, la Cour européenne des droits de l'Homme commence par rappeler que « bien que le droit d'adopter ne figure pas en tant que tel au nombre des droits garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme, les relations entre un adoptant et un adopté sont en principe de même nature que les relations familiales protégées par l'article 8 de la Convention » qui assure le droit au respect de la vie familiale. Mais elle tempère aussitôt ce principe. La Cour estime, en effet, que « l'intérêt des parents de créer une nouvelle relation de famille [...], pour légitime qu'il soit, ne saurait jouir d'une protection absolue ».  « Une importance particulière doit être attachée à l'intérêt supérieur de l'enfant  », rappelle-t-elle. S'appuyant sur le refus manifeste exprimé sous forme d'enregistrement vidéo des deux mineures concernées, âgées désormais de 13 ans, la Cour précise que « les enfants ne peuvent pas se voir imposer contre leur gré, la création de relations affectives avec des personnes avec lesquelles elles ne sont pas unies par un lien biologique et qu'elles perçoivent comme des étrangers ». Au final, même si la Cour déplore « la manière dont les procédures se sont déroulées, notamment l'absence de contacts concrets et effectifs entre les requérants et les enfants avant l'adoption » et le manque de « soutien psychologique, susceptible de préparer [les enfants] à leur départ imminent de l'établissement  », elle conclut qu'il n'y a pas violation de l'article 8 de la Convention. L'Etat concerné (la Roumanie) n'est ainsi condamné pour manquement à la Convention européenne des droits de l'Homme que sur seul un aspect : le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable, garanti par son article 6. Condamnation morale, assortie de 22 000  € de dommages-intérêts pour les familles.

Ce faisant, la Cour semble légitimer le droit d'un organisme de placement de s'opposer à l'exécution de jugements qui ordonnent le transfert dans sa famille adoptive d'un enfant, si ce dernier le refuse. A noter que cet arrêt a suscité une intense discussion jusqu'au sein de la Cour. Pas moins de cinq juges sur les sept que comptait la formation de jugement ont publié une opinion soit dissidente, soit concordante. Le juge français, Jean-Paul Costa, estime, pour sa part, « avoir beaucoup hésité avant de voter dans le sens de l'absence de violation de l'article 8 de la Convention ». Mais il abonde au final dans le sens de l'arrêt. « Il est difficile de contester que l'intérêt supérieur des enfants (auquel notre jurisprudence attache à bon droit un grand poids), adoptées tardivement et n'ayant guère noué de liens avec les adoptants, est plus de rester dans le complexe éducatif au sein duquel elles vivent depuis de nombreuses années que de changer complètement de vie, de milieu, de langue, de culture. »

(CEDH, 22 juin 2004, aff. 78028/01 et 78030/01, Pini et autres / Roumanie)

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