Trois mois après sa prise de fonction, le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, veut « aller plus loin » « contre la délinquance » mais aussi « pour le contrôle de l'immigration ». C'est ce qu'il a indiqué le 24 juin, juste avant de retrouver les préfets réunis Place Beauvau. Au-delà, l'ancien diplomate a ouvert six nouveaux « chantiers » qu'il estime prioritaires dans son action.
Le ministre juge tout d'abord indispensable de « prévenir la violence des plus jeunes ». Sur ce dossier, a-t-il précisé, l'Intérieur « n'est pas le seul protagoniste », et travaille sous l'égide de Matignon avec les ministères de la Cohésion sociale, de la Justice et de la Santé. L'avant-projet de loi sur la prévention de la délinquance préparé par son prédécesseur paraît abandonné, le gouvernement procédant à une « remise à plat » du texte. Le futur projet de loi n'est pas, en tout cas, pour tout de suite. Dominique de Villepin souhaite, en effet, tirer avant tout des « enseignements du terrain » . En particulier dans les 23 secteurs désignés comme étant « les plus criminogènes » de France, où il souhaite « écouter les habitants, les maires, les forces de sécurité, les associations, les travailleurs sociaux » et « voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ». « J'ai demandé aux préfets, en liaison avec les maires, de s'impliquer personnellement dans les quartiers sensibles et de présider une fois par mois une réunion d'évaluation » consacrée à la violence des jeunes, a-t-il par ailleurs déclaré, rappelant qu'il avait constitué au ministère « une cellule spécifique pour le suivi de ces actions ». Il espère qu'un projet de texte pourra être présenté « d'ici à la fin de l'année » . Une chose est d'ores et déjà certaine : un volet sera consacré à la « valorisation du rôle que doivent jouer les maires » en matière de prévention de la délinquance.
Le ministre de l'Intérieur ne compte pas, en revanche, légiférer dans l'immédiat en matière d'immigration. Mais est décidé à appliquer strictement la réglementation. Son objectif pour 2004 est connu : doubler le nombre des éloignements. « Depuis le début de l'année, ce sont déjà 44 % de reconduites en plus par rapport aux cinq premiers mois de l'année dernière et 53 %de plus pour le seul mois de mai », s'est-il félicité. Il souhaite par ailleurs augmenter les capacités de rétention. Cela constitue « une priorité sur le plan budgétaire », a-t-il assuré. Sur sa feuille de route également : le renforcement de la coopération internationale afin d'assurer l'efficacité des reconduites à la frontière. L'idée étant d'obtenir plus facilement des laissez-passer consulaires, de multiplier les accords de réadmission et les vols groupés européens.
Au-delà de la poursuite de son action en matière de délinquance et d'immigration, le ministre a donc ouvert six nouveaux « chantiers », portant notamment sur les « atteintes aux mineurs », le démantèlement des réseaux de trafic de drogues, la lutte contre les actes racistes et antisémites et la promotion de l'égalité des chances (1). Il s'agit, pour chacun d'entre eux, de « mobiliser l'ensemble de nos forces sur des difficultés particulières, qui appellent une réponse volontaire et déterminée », a-t-il expliqué. « Nous devons être en mesure d'isoler quelques points durs et d'y consacrer un effort spécifique. » Ce travail sera assuré, pour chaque chantier, par un responsable du cabinet du ministre et une personnalité extérieure à la Place Beauvau. Dès le 29 juin, le ministre réunissait ces six personnalités et leur demandait de lui rendre un rapport d'étape comportant un diagnostic et des porpositions concrètes pour la mi-septembre.
S'agissant de la « sécurité des mineurs » , Dominique de Villepin compte ainsi sur l'ancienne députée européenne (UMP) Marie-Thérèse Hermange pour faire des propositions et « apporter des réponses radicalement nouvelles ». Il désire plus précisément que ce travail se fasse dans trois directions. Evoquant la drogue, les violences familiales ou encore la pédophilie, le ministre souhaite « connaître exactement les risques auxquels sont exposés les mineurs pour mieux y répondre ». Deuxième axe de réflexion : la coordination de la prise en charge. Dominique de Villepin considère, à cet égard, que ce qui a été fait dans le domaine de la sécurité avec les groupes d'intervention régionaux devrait être pris comme modèle. Le lien entre l'information et l'action constitue la troisième piste de travail de ce chantier car, « trop souvent, les informations ne donnent lieu à aucun traitement spécifique », a-t-il déploré.
En matière de lutte contre les actes racistes et antisémites, le ministre de l'Intérieur souhaite provoquer « une véritable prise de conscience nationale ». Désireux de voir les différentes communautés religieuses travailler ensemble, il plaide pour la création d'un conseil des cultes dans les départements, en liaison avec les élus. C'est Jean-Christophe Rufin, écrivain et également président d'Action contre la faim, qui sera la personnalité extérieure sollicitée sur ce dossier.
Dominique de Villepin a, par ailleurs, fait appel au sociologue Azouz Begag pour l'aider sur le chantier de la promotion de l'égalité des chances. Il a exclu au passage toute idée de discrimination positive, mais a déploré dans le même temps que les concours soient peu accessibles. « Toutes les populations ne savent pas qu'ils existent, ne savent pas comment s'y préparer. »
Signalons enfin que, sur le front de la lutte contre les réseaux de trafic de drogues - chantier pour lequel le ministre a sollicité Jean-Luc Warsmann, député (UMP) des Ardennes et rapporteur de la loi Perben II -, le pensionnaire de la Place Beauvau a évoqué la création d'un comité interministériel de lutte contre la drogue, sur le modèle de celui existant en matière de lutte contre le terrorisme.
(1) Les deux autres chantiers sont la lutte contre la cybercriminalité et la lutte contre le terrorisme. Sur ce dernier point, le ministre a évoqué la création d'une base de données publique « pour favoriser la prise de conscience de tous ». Sans donner plus de précisions.