Je m'y suis intéressée dès mon entrée dans la magistrature : j'ai été juge des enfants, juge de l'application des peines, et j'ai développé les relations entre les associations d'insertion et l'administration pénitentiaire (2). C'est à cette occasion que j'ai rencontré la FNARS, en 1984. J'ai appris de cette expérience que la superposition des dispositifs rendait les choses difficilement lisibles, à la fois pour les personnes concernées et pour les professionnels, et qu'elle laissait sur le bord de la route de nombreuses personnes. Nous demandons donc une simplification, qui pourrait notamment être obtenue avec la création du contrat unique d'insertion. Nous demandons aussi une stabilisation du dispositif dans la durée, à partir d'une évaluation contradictoire des besoins. Aujourd'hui, les budgets sont sans cesse remis en cause et l'énergie des acteurs de l'insertion finit par être absorbée par la recherche de financements...
Il faut donner plus de lisibilité à ses actions et travailler sur l'évolution de la représentation de l'exclusion et de la pauvreté. Plus l'opinion publique sera sensibilisée, plus les politiques se donneront les moyens d'agir. De qui parle- t-on aujourd'hui lorsqu'on parle d'exclus ? Qui sont les acteurs du social ? Le grand public connaît les grosses associations caritatives, il sait moins ce que font les associations d'insertion dans leur diversité. Pour disposer des données nécessaires à l'élaboration des politiques, nous voulons promouvoir la création d'un observatoire des données et des pratiques sociales, qui rassemblerait les informations éparpillées dans les différentes institutions. L'Observatoire national de la pauvreté mène un travail intéressant, mais il manque de moyens et n'a pas de statut qui le rende indépendant des pouvoirs publics.
La FNARS regroupe beaucoup de professionnels à côté des bénévoles et ce sujet ne lui est pas inconnu. Qu'attend-on des travailleurs sociaux ?Doivent-ils être seulement les pansements des dysfonctionnements sociaux ou doivent-ils jouer un rôle plus large dans la construction de la cohésion sociale ? Le travail social ne se définit pas par défaut, c'est une vraie compétence dont on aura de plus en plus besoin. Dans le contexte de décentralisation de l'action sociale et des formations, et alors que les collectivités locales demandent à être mieux informées de ce que font les professionnels, nous souhaitons être associés aux nouvelles définitions du métier et aux programmes régionaux de formation. Nous voulons également expliquer aux élus l'importance du travail social. Alors que l'avant-projet de loi sur la prévention de la délinquance est débattu, il est essentiel qu'ils comprennent que la sécurité n'est pas seulement un problème de police et de justice : plus on sera capable de s'occuper des gens en difficulté, moins il y aura d'insécurité.
L'objectif est d'accompagner les usagers dans l'exercice de la citoyenneté en général. C'est une question difficile, le risque de démagogie n'est jamais loin :il faut à la fois respecter et prendre en compte la parole des usagers, tout en évitant de la mettre sur un piédestal ! J'ai assisté à la création des premières associations de détenus. Cette expérience a montré que l'apprentissage de la démocratie est un exercice difficile ! Les usagers ne forment pas une catégorie homogène, de sorte que leur représentation est difficile à organiser. Il y a aujourd'hui consensus sur la nécessité de faire progresser ce vaste chantier. Nous allons pour cela analyser les expériences, hétérogènes, qui existent - participation aux instances de discussion et de décision, formations à l'exercice de la citoyenneté - et voir comment elles peuvent être améliorées, transposées ou multipliées. Propos recueillis par Maryannick Le Bris
(1) FNARS : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.
(2) Nicole Maestracci est également administratrice de l'Association réflexion action prisons et justice (Arapej) et de l'association Aurore.