Réunis en 2002-2003 par le centre de ressources Profession banlieue, 16 jeunes de Seine-Saint-Denis dressent un portrait de leur génération. Portrait peu banal, tout comme les intéressés qui ne correspondent pas aux caricatures les plus couramment véhiculées sur la jeunesse en général, et celle de leur département en particulier. Français d'origine maghrébine ou africaine dans leur très grande majorité, ayant pour la plupart d'entre eux fait des études supérieures, les filles et les garçons de ce groupe de réflexion ont pour spécificité de tous intervenir dans un dispositif de participation politique ouvert à leur classe d'âge : conseil national, départemental ou local de la jeunesse. C'est donc essentiellement leur engagement citoyen qu'ils évoquent, en compagnie de quelques représentants d'institutions ou de services concernés par la question juvénile (délégation interministérielle à la ville, direction départementale de la jeunesse, SNCF). Au fil d'échanges animés par Véronique Bordes et Alain Vulbeau, chercheurs en sciences de l'éducation, cette « alternative jeunesse » se montre souvent critique à l'égard des conseils dans lesquels elle est impliquée. Elle les soupçonne, notamment, de ne constituer, dans certains cas, que de simples chambres d'enregistrement, à qui ne sont soumises que des décisions déjà prises. On voit bien néanmoins, à travers leurs propos, que les intéressés savent saisir l'occasion de s'exprimer quand un espace de parole leur est proposé. Autrement dit : la balle est dans le camp des aînés en charge de responsabilités. Ou bien ils jouent le jeu, en laissant une vraie place aux conseillers et en leur apportant une aide réelle pour qu'ils mènent à bien leurs projets. Ou bien ils risquent fort de contribuer à ôter tout goût pour la démocratie à des jeunes qui, par ailleurs, sont déjà écœurés par les traitements discriminatoires dont ils sont l'objet.
L'alternative jeunesse -Véronique Bordes, Alain Vulbeau - Les éditions de l'Atelier - 14 € .