La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) se montre de nouveau très critique envers les intentions du gouvernement en matière d'asile (1). Dans son collimateur cette fois : un projet de décret relatif aux conditions d'entrée et de séjour en France des demandeurs d'asile. Dans un avis adopté le 17 juin 2004 (2), la commission dénonce tout d'abord les nouvelles conditions que le gouvernement entend poser autour de la domiciliation des demandeurs d'asile. Obligatoire pour pouvoir effectuer une demande d'asile, cette domiciliation n'est souvent possible que grâce aux associations. Or le projet de décret prévoit d'imposer à ces dernières de disposer d'un agrément préfectoral pour pouvoir accomplir cette tâche. Cela alors même qu'elles ne bénéficient déjà pas de soutien financier public pour assurer cette fonction, « hormis dans le cadre de plates-formes d'accueil qui n'existent que dans une vingtaine de départements », note la CNCDH. Pour elle, il conviendrait plutôt de mettre en place « un régime public de domiciliation postale, associant les services de l'Etat, les collectivités territoriales et les associations ». Elle estime en outre que les critères fixés pour l'agrément sont trop restrictifs. Elle fustige en particulier la nécessité, pour l'association candidate, d'être régulièrement déclarée depuis trois ans. Une condition qui ne permet ni de créer une nouvelle association afin d'assurer cette mission spécifique, ni d'agréer une association créée récemment pour assurer ce service « si le besoin s'en fait sentir ». Les critères exigés dans le projet de décret peuvent conduire, de plus, à « exclure des associations d'accueil d'urgence, par ailleurs agréées par les services de l'Etat pour l'élection de domicile dans le cadre de la demande d'aide médicale de l'Etat, de la couverture maladie universelle ou du revenu minimum d'insertion si leur objet ne spécifie pas l'assistance aux étrangers », prévient la commission. Elle estime par conséquent qu'en attendant la mise en place d'un véritable dispositif national de domiciliation, il convient soit de maintenir les dispositions réglementaires existantes, soit d'agréer d'office les associations qui assurent ce service.
Autre disposition controversée : celle prévoyant que l'adresse fournie par une association ne pourrait être présentée par le demandeur d'asile que pour la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour de un mois et pour le premier récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile. Le demandeur d'asile serait ainsi tenu, s'il doit renouveler ce récépissé, de « justifier du lieu de sa résidence ». Et donc, autrement dit, de justifier, cette fois, d'un domicile réel. La CNCDH juge cette exigence contradictoire dans la mesure où beaucoup de demandeurs d'asile « s'épuisent à solliciter des pouvoirs publics une place en centre d'accueil, sans succès depuis de longs mois ». Elle s'alarme en outre des conséquences que pourrait avoir cette disposition. Des milliers de personnes « pourraient être privées de titre provisoire de séjour » alors même que leur demande est toujours en cours d'examen. Elles seraient également « privées des allocations financières prévues par la réglementation, lesquelles sont subordonnées à la régularité du séjour ». Surtout, en l'absence de titre de séjour, elles ne pourraient pas retirer les lettres recommandées adressées par les organes de détermination de la protection et donc « exercer effectivement les voies de recours ».
Enfin, soulignant plus largement les difficultés souvent rencontrées par les étrangers pour accéder aux préfectures et faire prendre en compte leur intention de demander l'asile, elle déplore que le projet de décret omette de rappeler à l'administration ses propres obligations.
(1) Déjà, en janvier dernier, elle faisait part de son inquiétude face à un projet de décret d'application de la loi réformant le droit d'asile - Voir ASH n° 2345 du 6-02-04.
(2) Avis disponible sur le site