ous ne voulons pas d'une confé- rence alibi. » C'est le maître mot des associations du collectif Alerte (1), qui ont présenté, le 22 juin, les demandes prioritaires qu'elles ont formulées à l'intérieur des quatre groupes de travail préparant, au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), la Conférence nationale de lutte contre l'exclusion et pour l'insertion qui se tiendra le 6 juillet. Soit après la présentation du plan national de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, annoncée pour le 30 juin. « Il eût été préférable que le plan fasse suite à la conférence, afin de s'inspirer de ses travaux, insiste Marie-Thérèse Join-Lambert, présidente de la commission « lutte contre la pauvreté et l'exclusion » de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). Il faudrait éviter de mettre d'un côté le secteur de l'exclusion, qui serait l'affaire des associations, et de l'autre la cohésion sociale. »
Pour pallier le manque de pilotage des politiques, déploré par le rapport d'évaluation de l'inspection générale des affaires sociales (2), les associations demandent qu'un amendement à la loi de juillet 1998 instaure l'annualité de la conférence et que soit créée, dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, une mission interministérielle de lutte contre l'exclusion.
Développer les dispositifs de participation des usagers, condition sine qua non pour leur permettre un véritable accès aux droits fondamentaux, est la recommandation phare du groupe de travail « être acteurs ensemble de la lutte contre l'exclusion ». En évitant les principaux écueils d'une « participation au rabais », qui aboutirait à ce que « ceux qui détiennent le savoir et le pouvoir se servent de cette idée pour mettre en place des projets qui sont les leurs », insiste Lucien Duquesne, vice-président d'ATD quart monde, co-pilote du groupe.
Trois propositions principales ont été présentées par la commission « accès aux droits », co-présidée par Bruno Grouès, de l'Uniopss. Tout d'abord garantir l'effectivité des droits, notamment en facilitant les recours des usagers par une simplification des juridictions sociales, mais aussi en travaillant sur l'opposabilité de tous les droits fondamentaux d'ici à 2005. Le groupe préconise également de « prévenir les ruptures » en généralisant le système « d'avance sur droits supposés » et de rendre effectif le droit à l'éducation, à la formation et à l'emploi tout au long de la vie pour les personnes éloignées du marché professionnel. Sur ce volet, les associations promettent d'être vigilantes sur le réaménagement du revenu minimum d'activité annoncé par le gouvernement (3) et la création du contrat unique d'insertion, qu'elles veulent souple et non contingenté. « Jean-Louis Borloo évoque un dispositif réservé aux bénéficiaires de minima sociaux, sur la base de 35 heures hebdomadaires sur trois ans, qui déboucherait sur une allocation mensuelle de 700 à 800 €, regrette Didier Piard, chargé de mission à la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS). C'est inquiétant, car on est encore loin du contrat de droit commun, assorti d'une vraie rémunération... » Le groupe de travail, qui rappelle avoir manqué de temps - les travaux ont démarré il y a deux mois seulement- renvoie par ailleurs à la conférence de 2005 le sujet « du droit à des moyens convenables d'existence pour les jeunes défavorisés ». Autre question, cruciale selon le collectif Alerte, qui n'a pas néanmoins été abordée au sein des groupes de travail : la revalorisation du revenu minimum d'insertion, qui connaît un écart de plus en plus important avec le SMIC.
Reste le dossier de l'aide médicale de l'Etat (AME). Alors que les associations réclament, en urgence, l'abrogation des restrictions au dispositif et l'annulation des projets de décret instaurant un ticket modérateur, le groupe de travail « accès aux droits » demande de fondre l'AME dans la couverture maladie universelle (CMU). Il propose aussi d'indexer le seuil de la CMU sur celui de la pauvreté et de « lisser » l'effet de seuil - au moins jusqu'au SMIC - par une aide dégressive permettant d'acquérir une mutuelle offrant une prise en charge identique à celle de la CMU. Ce qui permettrait aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse d'accéder à la couverture complémentaire.
Le groupe de travail « sans abri et territoires » demande pour sa part d'insérer le secteur de l'urgence dans le champ social et médico-social, pour pérenniser les dispositifs, d'accroître les financements et d'améliorer le rééquilibrage de l'offre sur les territoires.
L'opposabilité du droit au logement est bien sûr au cœur des préoccupations du groupe de travail « droit au logement », qui prépare également les assises du 1er juillet. Ses autres exigences : un programme ambitieux de construction de logements sociaux, l'indexation des aides à la personne sur l'indice du coût de la construction, la prévention des expulsions, l'instauration d'une politique suffisante de lutte contre l'habitat insalubre et l'accompagnement social des ménages. Les associations demandent également que toutes les mesures financières et fiscales d'aide à la construction soient assorties de contreparties sociales.
Ces propositions, qui reprennent les grandes orientations défendues de longue date par les associations, ne sont toutefois que la version synthétique des documents qui seront présentés par le CNLE lors de la conférence. « Au total, une centaine de fiches comportant des propositions concrètes sont actuellement analysées et chiffrées par les ministères, explique Bruno Grouès. Il appartiendra au comité interministériel de lutte contre l'exclusion de se prononcer sur chacune d'entre elles. » Les groupes de travail prévoient d'ores et déjà de se réunir après le comité, dès septembre, pour suivre le chantier. « L'échéance gouvernementale du 6 juillet sera un premier test », a prévenu Gilbert Lagouannelle, directeur du pôle « action institutionnelle » au Secours catholique.
M. LB.
(1) C/o Uniopss - 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.
(2) Voir ASH n° 2359 du 14-05-04.
(3) Voir ASH n° 2363 du 11-06-04.