C'est à une véritable explosion des cas d'hospitalisation sans consentement qu'a eu à faire face le secteur de la psychiatrie ces dix dernières années. De 1992 à 2001, leur nombre a en effet augmenté de près de 86 %, avec une croissance plus forte de 1992 à 1997 (+ 55 %) que de 1997 à 2001 (+ 20 %). En 2001, 72 519 hospitalisations de ce type ont été enregistrées dont 62 894 mesures d'hospitalisation à la demande d'un tiers et 9 625 mesures d'hospitalisation d'office (1). Et cette procédure représente 13,1 % des hospitalisations en psychiatrie contre 11 % dix ans plus tôt.
Telles sont les données - les dernières connues - livrées par une circulaire de la direction générale de la santé qui synthétise l'activité des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques. Des instances chargées d'examiner la situation des patients hospitalisés pour troubles mentaux au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes.
Face à cette hausse, peu d'explications. Seules quelques hypothèses sont avancées par la direction générale de la santé. Laquelle demande à ces commissions, pour remédier à ce manque de connaissance, de se livrer, pour le prochain recueil de renseignements prévu concernant l'année 2003, à « une première analyse du contexte, des causes et des conséquences de l'augmentation » des hospitalisations à la demande d'un tiers, dont la proportion est la plus importante.
Pour l'heure, donc, sont uniquement mis en avant des facteurs d'évolution. Première piste : d'une manière générale, le recours plus fréquent aux soins psychiatriques a un impact sur le nombre d'admissions potentielles en hospitalisation complète, quel qu'en soit le mode, et notamment celui de l'hospitalisation sans consentement, souligne le document. Cette hausse peut également être liée à des réadmissions selon ces mêmes modalités. En effet, les données disponibles concernent des décisions et non des patients. Dès lors, une croissance du nombre de mesures ne signifie donc pas que le nombre de patients concernés a augmenté dans les mêmes proportions, une personne pouvant être hospitalisée plusieurs fois au cours de la même année. De nombreuses commissions font par ailleurs état de malades davantage « désocialisés ou isolés qu'auparavant, avec un soutien familial et social moindre et des conditions de vie précarisées ». Ces paramètres influent sur la demande de soins, le recours aux soins et la qualité du suivi. Autre cause d'évolution alléguée : « l'implication de plus en plus forte » des services d'accueil des urgences dans le déclenchement de l'hospitalisation à la demande d'un tiers. Enfin, les services de psychiatrie hospitalisent plus lors de situation de crise. Or, dans ces situations, l'absence de consentement aux soins est plus fréquente et le recours à l'hospitalisation sous contrainte plus souvent envisagé.
Au-delà de ces données chiffrées, les commissions départementales des hospitalisations psychiatriques ont un regard plus qualitatif. Elles relèvent, par exemple, que certains départements ont indiqué un recours plus important aux hospitalisations sans consentement pour des problèmes liés à l'alcool et à la toxicomanie notamment chez les jeunes adultes. D'une façon générale, si elles ne signalent pas d'atteinte aux libertés, elles continuent de déplorer le « caractère succinct et parfois insuffisamment motivé des certificats médicaux », des conditions d'hospitalisation parfois dégradées ou certaines mesures d'urgence se révélant par la suite inappropriées (2). Ce qui montre la nécessité de redéfinir certaines pratiques professionnelles. C'est ce à quoi s'emploie actuellement l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Elle travaille en effet à l'élaboration de recommandations de bonnes pratiques « sur la prise en charge en urgence d'une personne présentant des troubles mentaux et ne consentant pas aux soins et les indications d'une éventuelle hospitalisation sans consentement », attendues pour le second semestre 2004.
(1) L'hospitalisation sans consentement regroupe les hospitalisations d'office décidées par le préfet et celles demandées par un tiers.
(2) L'hospitalisation sans consentement peut être décidée en cas d'urgence lorsqu'il existe un péril imminent pour la santé du malade (hospitalisation à la demande d'un tiers) ou pour la sûreté des personnes (hospitalisation d'office). Les premières représentent une part de plus en plus importante des hospitalisations totales.