La prévention de la délinquance est une des missions attribuées spécifiquement au CNV par décret. C'est un sujet qu'il traite de manière régulière et pérenne. Mais les choses se sont accélérées avec l'avant-projet de loi. Nous avions le sentiment que la prévention de la délinquance ne pouvait se réduire à une approche « Intérieur ». Parallèlement, Jean-Louis Borloo, alors ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, nous a fait une commande de propositions relevant du social et de la politique de la ville.
Les textes confèrent déjà au maire l'animation et la coordination du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Mais, dans la pratique, les différents acteurs - police, justice, intervenants sociaux - ne lui reconnaissent pas de légitimité. Il faut qu'ils acceptent qu'il y ait un pilotage statégique et cohérent pour donner force à la démarche partenariale. Le maire nous paraît le mieux placé. Il faut aussi qu'ils acceptent d'échanger avec lui, dans le respect des règles de déontologie. La transmission de données nominatives doit être limitée et organisée très précisément. A Bordeaux, nous ne citons jamais de nom, même dans les réunions de quartier. Les situations individuelles sont traitées uniquement en groupes restreints par quartier, sur l'insertion par exemple, dans le but d'harmoniser les réponses à donner. Si des échanges nominatifs ont lieu entre deux acteurs, c'est seulement dans un but préventif et constructif - pour proposer une solution à un jeune en grande difficulté, jamais dans un but de délation.
Le pire, dans l'avant-projet de loi, est la façon dont il a été mené. Ce sujet méritait un débat public très ouvert. Ma position est en outre très prudente sur son contenu : je n'ai jamais cru que la transmission de données au maire pourrait s'inscrire dans une loi, je pense qu'il s'agissait d'un ballon d'essai. Or notre position est de dire : il est nécessaire de partager l'information, dans un esprit de confiance et de respect mutuel. Mais cela ne doit pas être systématique, et les maires n'ont pas besoin de tout savoir. Il ne faut pas non plus confondre population en difficulté et population à risque.
Il y a en effet des positions opposées au sein même du CNV, ce qui montre qu'il faut approfondir la réflexion. A titre personnel, je suis favorable à des chartes locales qui énonceraient les règles du partage : dans quelles conditions partager, dans quel but agit-on, est-ce uniquement pour le bien de l'usager ou dans un objectif sécuritaire ? Il s'agit de se donner des limites :dans le cas d'insertion professionnelle, par exemple, on n'a pas besoin de tout savoir d'une personne. Et cette dernière doit savoir que l'on parle d'elle.
Cette compétence doit-elle être confiée aux villes ou rester aux départements ? Là encore, deux positions s'affrontent. Il apparaît de bon sens de faire coller le découpage de la compétence de la sécurité urbaine avec celle de la prévention spécialisée. Sans que cette dernière soit déconnectée de l'aide sociale à l'enfance. Les communes pourraient se voir confier par convention cette mission départementale. Un point positif de l'avant-projet de loi Sarkozy était de proposer des conventions entre communes et conseils généraux, fixant les objectifs et les moyens de la prévention spécialisée. Un tel rapprochement avec les maires, qui existe déjà dans certains départements, fait hurler certains éducateurs qui redoutent plus de contrôle. Mais cela a au moins le mérite de faire avancer le débat. Il n'est en effet pas facile pour ces derniers de passer d'un mode qui s'apparente quasiment à une logique de profession libérale à un partenariat avec les communes ! Propos recueillis par Maryannick Le Bris
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