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La fédération Coorace veut valoriser le métier d'insertion

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Avec le programme Cèdre, la Coorace mise sur la formation pour améliorer les pratiques d'insertion des structures de son réseau. A travers la professionnalisation des équipes, elle entend aussi faire reconnaître le secteur de l'insertion par l'activité économique comme un interlocuteur crédible auprès des pouvoirs publics.

Comme plusieurs autres réseaux de l'insertion par l'activité économique (1), la fédération Coorace (2) s'est dotée depuis cinq ans d'une démarche qualité : le programme Cèdre. Objectif ? « Professionnaliser les structures, développer les compétences des demandeurs d'emploi, ainsi que celles des équipes », explique Etienne Laurent, responsable du programme à la fédération. Il s'agit avant tout d'améliorer les pratiques d'insertion, mises en œuvre de façon assez inégale dans les associations adhérentes, et donc l'insertion des publics. Mais aussi, au-delà, de faire reconnaître le champ de l'insertion par l'activité économique comme un véritable secteur professionnel d'accès à l'emploi, ayant toute sa place à côté des entreprises classiques. Enjeu d'autant plus important qu'il apparaît aujourd'hui sous-utilisé et fragilisé, notamment avec la réduction de ses crédits en 2003.

Les prémices de la démarche remontent à 1996. « A ce moment-là, on constatait un manque de lisibilité de notre travail d'insertion du fait de l'existence d'une myriade de structures d'insertion par l'activité économique et de pratiques », raconte Etienne Laurent. De fait, à côté des associations intermédiaires et des entreprises d'insertion, étaient apparues les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI), les plans locaux d'insertion par l'économique et de nombreuses associations de services aux personnes. « On ne voyait plus bien ce que le terme d'insertion signifiait. Il fallait donc mieux traduire, faire connaître et valoriser ce métier de l'insertion des publics en difficulté » pour gagner en crédibilité, note le responsable du programme. Un effort de structuration d'autant plus nécessaire que les salariés en insertion, dont le temps de mise à disposition dans les entreprises avait été limité à 240 heures par la loi contre les exclusions en 1998, devaient aussi être plus opérationnels : « Nous étions fragilisés et, en plus, les employeurs devenaient plus exigeants qu'avant. »

De cette prise de conscience est né le programme Cèdre. Non pas d'une décision unilatérale, mais de façon pragmatique. « C'est une construction collective, née de la pratique de terrain », comme se plaît à le rappeler Etienne Laurent. Une première expérimentation démarre en 1997 avec cinq associations régionales et 40 associations adhérentes de la Coorace qui accueillent 1 500 demandeurs d'emploi, rejointes ensuite par d'autres dans leur effort de structuration de leurs démarches d'accueil et d'insertion. A partir de ces diverses expériences, naît un référentiel de procédures permettant de mieux cerner, définir et décomposer les différents aspects du travail d'accueil et d'insertion avec les demandeurs d'emploi (voir encadré ci-dessous). Il donne lieu à une formation-action de 18 mois impliquant l'ensemble des acteurs de la structure. « Toute l'équipe, bénévoles et salariés, participe aux objectifs réalisés avec les personnes. C'est certainement un des grands facteurs de cohérence », se félicite Etienne Laurent. Sachant que cette formation, qui est au cœur de la démarche qualité, n'est pas figée, mais est « susceptible d'évoluer »  : tous les deux ans, les acteurs des associations concernées sont invités à un séminaire pour discuter des éventuelles améliorations à apporter.

En quoi la démarche a-t-elle influencé les pratiques quotidiennes ? Selon l'étude d'impact réalisée par la fédération Coorace avec le soutien de la direction générale de l'action sociale, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et le Fonds social européen et présentée le 2 avril à Paris, les résultats apparaissent plutôt positifs. L'analyse effectuée à partir d'un échantillon de dix structures, relève ainsi une meilleure implication du salarié en insertion. La démarche qualité du programme Cèdre est en effet fondée sur la notion d'engagement, concrétisée par un accord écrit ou verbal entre la personne en insertion et l'organisme, qui prévoit les objectifs d'insertion et les moyens à mobiliser. Or, non seulement toutes les structures visitées ont intégré cette pratique de l'engagement, mais surtout les demandeurs d'emploi se sont approprié la démarche. Selon les auteurs de l'étude, ils ne viennent plus simplement effectuer leurs heures de travail, mais s'impliquent davantage. D'ailleurs, les résultats au niveau de l'insertion s'en ressentent. A l'association intermédiaire Brotonne Service à Caudebec-en-Caux (Seine-Maritime), qui compte quatre salariés, les contrats à durée indéterminée, les contrats à durée déterminée de plus de trois mois et les formations qualifiantes ont augmenté de 40 % en un an.

Outre une meilleure structuration des parcours d'insertion, l'évaluation relève une clarification des postes de travail et une ouverture au partenariat. « L'accueil des demandeurs d'emploi était assuré jusqu'ici par des secrétaires. La démarche nous a incités à les former et à requalifier cette fonction », explique Olivier Adam, directeur de Brotonne Service. Par ailleurs, son association a rationalisé ses liens avec ses partenaires « qui se faisaient jusqu'ici au coup par coup »  : elle a ainsi conclu une première convention de professionnalisation avec l'ANPE et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes  (AFPA). Autre exemple : à Rouen, l'association Intermaide-emploi vient de monter un partenariat avec l'AFPA pour organiser des formations aux métiers de gardien, d'agent de service, d'entretien et du bâtiment.

Enfin, l'enquête relève une satisfaction des demandeurs d'emploi qui affirment percevoir une « écoute attentive à leurs besoins, les aidant à trouver des réponses internes ou externes (formation, mises en situation de travail...)  ». Quant aux intervenants, ils estiment avoir retrouvé « du sens à l'action » par une meilleure définition de leur rôle et considèrent que le programme réintroduit « de la cohérence entre le discours et l'action ». « Nous sommes passés d'une logique de distribution d'heures aux salariés en insertion à une logique d'utilisation de ces heures pour un projet d'insertion », résume Arnaud Dalle, directeur d'Intermaide-emploi.

ACCUEILLIR, INSÉRER, OBSERVER

La formation-action découpe le travail effectué avec les demandeurs d'emploi autour de trois missions :

 la mission accueil,  qui repose sur l'écoute, l'orientation et la mise en réseau du demandeur d'emploi. Cette phase peut comprendre la préparation à l'entretien d'embauche ;

 la mission insertion : une convention d'engagement est définie entre le salarié en insertion et l'équipe de la structure. Elle précise les objectifs d'insertion avec des échéances et les partenariats à mobiliser ;

 la mission observatoire, transversale, consiste à évaluer les pratiques mises en œuvre dans les autres missions, l'évolution des personnes et les partenariats locaux qui peuvent être créés.

De la formation à la certification

Reste qu'au-delà de ces résultats prometteurs, la démarche n'est adoptée que par 200 organismes, soit 44 % des adhérents de la Coorace : des associations intermédiaires en majorité, mais aussi des ETTI et des chantiers d'insertion. Néanmoins, si l'on songe qu'en fin d'année, elle devrait concerner 50 %des adhérents, ce n'est pas si mal, nuance Etienne Laurent, évoquant la lourdeur du processus et les efforts qu'il suppose. En outre, « il existe des freins à la démarche parce qu'elle peut révéler des insuffisances, par exemple en termes de compétences  », relève-t-il. Sans compter les difficultés de financement. « Les associations intermédiaires ont des problèmes économiques qu'elles ne connaissaient pas nécessairement auparavant. Or la formation Cèdre est un instrument lourd qui coûte 7 500  . » Si elle est prise en charge à 50 % par les organismes paritaires collecteurs agréés, pour le reste, les structures doivent solliciter les collectivités territoriales et les directions départementales du travail et de l'emploi. Avec des résultats forcément aléatoires.

D'ores et déjà, la fédération a décidé de démarrer une démarche de certification, qui sera effectuée par un auditeur externe et par deux représentants de l'économie sociale et solidaire. Les premières structures devraient être certifiées au dernier trimestre 2004 pour trois ans. « Ce qui devrait permettre un suivi de la démarche et entretenir la dynamique », défend Marion Le Cam, directrice adjointe de la fédération.

Séduisante dans sa conception, la démarche ne risque-t-elle pas pourtant d'amener les associations à coller à un modèle entrepreneurial, fondé sur le management et les objectifs chiffrés, qu'elles sont pourtant les premières à dénoncer ? Non, estime Etienne Laurent, qui souligne que la formation ne vise pas simplement la production de taux d'insertion mais l'amélioration des trajectoires professionnelles des publics en difficulté, dont les parcours sont très souvent discontinus. Ce qui, selon lui, conforte au contraire tout le travail d'accompagnement assuré sur la durée. A cette qualité bien comprise, s'ajoute un autre intérêt - politique celui-là - pour les acteurs du secteur de l'insertion par l'économique. Sortir d'une logique tendant à leur instrumentalisation par les pouvoirs publics en s'affirmant comme des interlocuteurs crédibles en capacité de négocier.

Pascale-Dominique Russo

Notes

(1)  Les entreprises d'insertion et les régies de quartier ont mis en place des labels.

(2)  Fédération Coorace : 17, rue Froment - 75011 Paris - Tél. 01 49 23 70 50.

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