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6 %, c'est possible

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Quota atteint, et au-delà !Grâce à un accord de branche, unique en son genre, les établissements relevant de la convention collective de 1951 (donc de la FEHAP) ont collectivement dépassé le seuil légal de 6 % d'emploi de travailleurs handicapés. Le Snasea et la Croix-Rouge, qui s'y sont ralliés récemment, se rapprochent eux aussi de l'objectif.

« La loi de 1987 sur l'emploi des travailleurs handicapés, si peu et si mal appliquée par ailleurs, nous, nous l'avons prise au sérieux. C'est une question de logique et d'éthique. Notre fédération regroupe beaucoup d'établissements pour enfants et adultes handicapés. Elle se devait d'être exemplaire en la matière. » C'est forts de cette conviction que les responsables de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP)   (1) ont décidé, en 1990, de négocier un accord de branche pour mener une politique volontariste sur le sujet. Si un certain nombre d'entreprises ont signé des engagements du même type, peu de branches professionnelles ont saisi cette faculté, offerte par la loi de 1987 elle-même. Les banques et les assurances l'ont fait, mais sans suites durables. Seule la FEHAP a persévéré.

Avec succès. « Nous avons progressé lentement, au rythme de 0,1 à 0,2 point par an, mais continûment, se réjouit Georges Riffard, directeur général de la fédération et l'un des « pères fondateurs » de l'accord. Partis d'un taux d'emploi de travailleurs handicapés de 3,9 % en 1991, nous avons, en dix ans, dépassé l'objectif de 6 % fixé par la loi » (voir encadré ci-contre), alors que les secteurs public et privé se traînent toujours autour de 4 %.

En pratique, l'accord d'origine, signé le 18 février 1991 pour cinq ans, et reconduit deux fois depuis, se présente comme un avenant à la convention collective de 1951. Il reprend pour l'essentiel les dispositions de la loi de 1987 (2) et retient l'objectif d'un taux de 6 % de travailleurs handicapés, mais avec une ambition supplémentaire : il l'étend à l'ensemble des établissements, y compris ceux qui comptent moins de 20 salariés et ne sont pas assujettis à l'obligation légale.

Cette ambition est collective. L'emploi relevant de la compétence de chaque établissement, certains l'ont faite leur, d'autres n'ont pas bougé. Ceux qui restent à moins de 6 % (41 % des établissements de plus de 20 salariés) cotisent pour les autres. Car l'accord met aussi sur pied une association Obligation d'emploi des travailleurs handicapés  (OETH) qui, comme la réglementation l'autorise, se substitue à l'Agefiph pour collecter et mutualiser les contributions et financer les actions (3).

Deux autres organisations d'employeurs ont rejoint l'accord en 2001, le Syndicat national au service des associations du secteur social et médico-social (Snasea) et la Croix-Rouge, ce qui a porté le nombre d'établissements couverts à 5 000 et celui des salariés à 232 000. Partant de plus bas, les nouveaux adhérents ont fait chuter les résultats de l'ensemble (qui remontent depuis) mais ils ont aussi, du même coup, majoré les moyens financiers disponibles... Pour 2002, l'OETH a collecté 4,5 millions d'euros.

Qu'en a-t-elle fait ? Sur les 900 dossiers examinés cette même année, 60 % des financements sont allés aux mesures incitatives à l'embauche et à la pérennisation des emplois, 31 % aux aménagements de postes de travail et 9 % aux stages de découverte et de formation. Sachant que l'association intervient non pas à la place mais en sus des dispositifs ordinaires, par exemple en complément de Promofaf pour les actions de formation. C'est un comité paritaire, réuni une dizaine de fois par an, qui tranche sur les dossiers de demande préparés par les sept administratifs de l'association, dossiers qui doivent comporter l'avis du médecin du travail et des représentants du personnel de l'établissement concerné dès lors qu'il s'agit d'une reconversion ou d'un aménagement de poste.

L'examen du dossier est bref pour les aides forfaitaires à l'embauche ou à la transformation d'un CDD en CDI. Il est plus détaillé quand il s'agit de décider de l'équipement d'un poste de travail. « Les débats sont parfois animés, rapporte Geneviève Detante, vétérante du comité paritaire où elle représente la CFTC . Nous vérifions que la demande se limite bien au surcoût lié au handicap, et n'englobe pas la réorganisation de tout le service... » « A la longue, le comité a établi un solide corpus de règles de principe », estime Michèle Leboucher, directrice de l'OETH. Employeurs et salariés se félicitent d'ailleurs d'un « fonctionnement exemplaire du paritarisme » sur ce sujet « consensuel ». « C'est facile quand il s'agit de distribuer de l'argent », note, réaliste, Geneviève Detante.

87 % DE CDI PARMI LES BÉNÉFICIAIRES

A la fin 2002, dans les 2 500 établissements membres de la FEHAP, le taux d'emploi moyen de personnes handicapées atteint 6,15 % et même 6,32 %dans les établissements de plus de 20 salariés. Sur le nouvel ensemble créé depuis l'adhésion du Snasea et de la Croix-Rouge, le taux d'emploi atteint 5,71 % (+ 0,22 point en un an) et 5,97 % pour les établissements de plus de 20 salariés. Parmi les 7 731 travailleurs handicapés bénéficiaires de l'accord, 87 % sont salariés sous contrat à durée indéterminée (CDI). 12 % occupent des postes d'ouvriers, 60 % sont employés, 25 % entrent dans le champ des professions intermédiaires et 3 % sont cadres. Six sur dix sont des femmes. Les plus de 50 ans représentent 35 % de l'effectif, ce qui explique, au moins pour partie, un turn-over important. Le secteur a recruté 2 038 travailleurs handicapés en 2002, pour n'en décompter que 664 de plus en un an.

Un travail de conviction

Le travail le plus difficile se situe en amont, pour convaincre les établissements de se saisir de la question. « J'entends encore des raisonnements du genre : “On fait déjà du social, on ne peut pas embaucher en plus des handicapés dans l'équipe technique !” », rapporte Anne Labarrière, déléguée auprès du directeur général du Snasea. « C'est un travail d'information toujours à recommencer », reconnaît Jean-Luc Batifoulier, représentant de la CFDT au comité paritaire. « Même dans les établissements qui ont enregistré des succès, il suffit que la personne qui porte le projet parte et la préoccupation retombe », confirme Michèle Leboucher, qui reprend sans cesse son bâton de pèlerin.

La condition n° 1 du succès, c'est donc « une volonté politique forte, voire très forte », résume Philippe Grès, membre du collège employeurs au comité paritaire. Et cela, du sommet de la branche à chaque établissement. « Cela vaut pour la direction mais aussi pour les représentants du personnel, juge cet ancien directeur général de la Fondation Bon- Sauveur à Picauville, dans la Manche (1 000 salariés, 9 % de travailleurs handicapés). Il faut faire sauter un verrou psychologique chez les salariés qui ont peur d'avoir à supporter un surcroît de travail, du fait de l'insuffisance présumée du travailleur handicapé. Beaucoup ont aussi dans l'idée que la tenue d'un poste qualifié est incompatible avec un handicap reconnu. » « Il y a d'énormes réticences à vaincre dans les établissements, confirme Geneviève Detante. Et pour beaucoup de syndicalistes, ce n'est pas un sujet de préoccupation prioritaire. Il n'y a pas assez de militants pugnaces sur le sujet. »

Pourtant, là où le mouvement est déclenché, ça marche. « Les établissements qui atteignent les 6 % continuent souvent à progresser vers les 8, 9,10 % », note Michèle Leboucher. « La détermination des employeurs s'affermit quand ils constatent qu'ils sont aidés et que l'embauche ou la reconversion est une opération blanche pour eux », glisse Geneviève Detante. « Et puis, les travailleurs handicapés sont souvent motivés, ajoute Anne Labarrière. Même si quelques personnes abusent de leur handicap, par exemple pour refuser tel type de tâche qui serait à leur portée... »

Autre condition de succès : les travailleurs handicapés doivent être recrutés, comme le prévoit l'accord, « pour leurs compétences et leur capacité de travail et non pour ou malgré leur handicap ». « Il ne s'agit pas de philanthropie, commente Philippe Grès : les budgets des établissements sont serrés, tous les postes doivent être occupés à 100 %, si ce n'est à 110 %. D'où l'importance d'un bon aménagement des conditions de travail et de l'environnement pour gommer les effets du handicap et permettre l'occupation totale du poste ». A l'expérience, cet homme de terrain affirme qu'aucun type d'emploi ne doit être fermé a priori aux travailleurs handicapés, « même ceux qui sont physiquement exigeants ».

Troisième impératif : l'établissement doit pratiquer un minimum de gestion prévisionnelle de l'emploi et entretenir des partenariats suivis avec tous les organismes du secteur qui interviennent auprès des personnes handicapées : l'ANPE, le Cap-emploi, le centre de rééducation voisin, les associations... « Quand on sait qu'un poste va être libéré par un départ à la retraite dans six mois ou un an, on a le temps de prendre langue avec tous les partenaires, pour préparer un recrutement, lancer si besoin une formation », explique Philippe Grès. Dernier conseil de sa part : une fois le salarié recruté et son poste aménagé, « il faut traiter le travailleur handicapé comme les autres - ni exigence, ni laxisme particuliers -et ne pas le cocooner. Cela nuirait à son intégration. »

Et puis, il faut accepter qu'il y ait des échecs. Par exemple avec des salariés incapables de respecter un horaire ou qui cumulent les absences... « Cela se termine parfois par un licenciement », reconnaît Geneviève Detante. De l'avis général, l'intégration la plus difficile est celle des handicapés psychiques, ces malades réputés stabilisés mais dont l'équilibre reste parfois précaire.

Mais ce n'est pas le cas le plus fréquent, rassure Michèle Leboucher. La réalité des handicaps est très diverse : à côté des personnes sourdes, malvoyantes ou en fauteuil auxquelles on pense d'abord, la catégorie recouvre aussi des personnes allergiques, ayant des problèmes cardio- vasculaires ou de surpoids, ou encore des malades guéris d'un cancer. Et leur intégration ou reconversion n'est pas forcément si compliquée, plaide-t-elle. Et puis, « il y a les handicaps que nous créons, les salariés qui “s'usent à la tâche”. Notamment tous ceux qui s'abîment le dos à force de soulever des malades ou des personnes âgées. »

Responsable emploi-formation de l'association les Genêts d'or (17 établissements dans le Finistère, 1 200 salariés, 10 % de travailleurs handicapés), Anita Lucas apprécie tout particulièrement l'aide apportée par l'OETH pour le maintien dans l'emploi. « Il faut travailler en amont quand on a des salariés en longue maladie ou accidentés du travail. On peut leur proposer un bilan d'évaluation, discuter des adaptations du poste ou bien envisager avec eux une autre orientation possible. » Et de citer l'exemple d'un cuisinier reconverti à la lingerie, d'une monitrice d'atelier devenue AMP, ou d'une monitrice-éducatrice désormais diététicienne. « Si nous ne pouvions pas les garder, ils avaient très peu de chances de retrouver un emploi ailleurs », dit-elle simplement tout en reconnaissant qu' « on ne réussit pas à chaque fois ».

Au total, Anita Lucas vante un « dispositif efficace et réactif », capable de « proposer des solutions ». Anne Labarrière loue « une action de proximité, adaptée au terrain. Les dossiers sont vraiment regardés par des gens qui connaissent nos activités et leurs contraintes. » Michèle Leboucher insiste aussi sur les adaptations du dispositif décidées chaque année par le comité paritaire, pour coller par exemple à l'évolution des règles sur les contrats aidés ou la formation. « C'est plus facile de mener une action adaptée pour un secteur dont on connaît les spécificités et les difficultés propres », dit-elle.

Si les responsables dudit secteur se félicitent de l'autonomie qu'ils se sont donnée dans ce domaine, les pouvoirs publics, eux, n'ont longtemps agréé l'accord qu'avec réticence. Mais ses résultats ont désormais fait taire les hésitations. « La logique voudrait que toute la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale se retrouve dans cette action », plaide Georges Riffard, qui espère donc voir les autres syndicats membres de l'Unifed rejoindre, un jour ou l'autre, la démarche. Il se réjouit aussi du récent intérêt manifesté par la Fédération hospitalière de France qui veut s'inspirer de l'expérience pour l'adapter au secteur public. L'efficacité fait école.

Marie-Jo Maerel

Notes

(1)  FEHAP : 179, rue de Lourmel - 75015 Paris - Tél. 01 53 98 95 00.

(2)  Notamment celles qui portent sur les modalités de calcul du nombre de salariés et de travailleurs handicapés, les taux de cotisation, etc.

(3)  OETH : 94, avenue Félix-Faure - 75015 Paris - Tél. 01 40 60 58 58.

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