Alors que le mystère continue de planer sur le contenu du futur projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, le Conseil national des villes (CNV), l'Association des maires des grandes villes de France, l'Association des maires des villes banlieues de France et le Forum français pour la sécurité urbaine avancent leurs propositions. Après avoir finalisé, comme prévu, leur « plate-forme » élaborée à la suite des rencontres nationales sur la prévention de la délinquance organisées le 15 avril dernier (1), ils ont en effet présenté le 9 juin le fruit de leurs travaux (voir également ce numéro).
Le CNV et ses partenaires se sont concentrés, tout d'abord, sur le rôle des maires, sujet sensible s'il en est. Leur première proposition (2) : reconnaître véritablement aux édiles un « rôle d'animateur du pilotage stratégique » du conseil local de sécurité et de la prévention de la délinquance (CLSPD) qui leur confère « un pouvoir décisionnel quand il faut arbitrer » . Les instigateurs de la plate-forme se sont également intéressés aux conditions de l'échange d'informations entre les maires et les acteurs de prévention - et à son articulation avec les principes du secret professionnel - qui, selon eux, « doivent être clarifiées ». Ils proposent ainsi de distinguer « information événementielle » et « information nominative » . La première doit « être systématisée et organisée en temps réel ». Des « protocoles locaux » seraient dans cet objectif établis afin d'organiser « la transmission immédiate des informations sensibles, par les uns et les autres, aux uns et aux autres ». Autre suggestion : la mise au point d'un « logiciel partagé, permettant de collecter et rapprocher les informations anonymes, mais qualitatives et quantitatives, territorialisées ». S'agissant de l'information nominative, qui pose le problème du secret professionnel, les partenaires ne sont pas parvenus à adopter une position commune. « Pour certains, elle doit être organisée dans ses principes par la loi. » « Pour d'autres, il ne faut pas codifier l'échange d'informations mais une charte de principes déontologiques doit être élaborée localement entre les différents partenaires. » Tous sont en revanche d'accord sur trois points : « le secret partagé ne doit pas ouvrir la porte à des interventions de professionnels hors de leur champ de compétence ou dans les domaines relevant d'autres autorités », « les informations partagées ne sauraient être utilisées à d'autres usages que ceux qu'impose l'intérêt des familles » et « la transmission ne saurait être étendue à des informations “hors sujet” ou simplement inutiles ».
Au-delà de la question de l'échange d'informations, le conseil et les grandes associations de maires suggèrent encore que les prérogatives du maire soient « confortées juridiquement au regard de la compétence tranquillité/prévention de la délinquance » . Le maire, écrivent-ils, « doit pouvoir s'appuyer sur un pôle communal ou intercommunal de prévention, capable de mobiliser aussi bien les moyens de prévention collective (équipes de rue, médiateurs, correspondants de nuit, centres sociaux...) que les moyens de prises en charge individuelles (éducateurs, assistants sociaux, prévention spécialisée...) et ceux de la police municipale ». Ils plaident aussi pour que, dans les cas d'intercommunalité ou de commune importante, « les compétences du conseil général, utiles pour la prévention spécialisée notamment », puissent être déléguées à la collectivité locale « avec les moyens requis pour cet exercice ».
La plate-forme consacre par ailleurs une série de propositions relatives aux métiers « classiques [...] ou émergents dans le champ de la prévention » . S'agissant notamment des éducateurs de prévention spécialisée, elle préconise ainsi de « clarifier les modalités d'organisation de leurs relations avec les autres partenaires », de « promouvoir des rapports contractuels clairs entre les collectivités et les associations employeuses », ou encore de « développer le travail par objectifs, professionnaliser les actions et les évaluer ». Quant aux médiateurs et correspondants de nuit, il faudrait « définir clairement [leur] cœur de métier », « mieux structurer leur activité dans la chaîne des intervenants », « mieux organiser leurs conditions d'encadrement et de supervision » ou encore « assurer une évolution professionnelle et personnelle aux agents ». Plus globalement, la plate-forme propose, pour l'ensemble des métiers de la prévention, « d'organiser des stages croisés de prise de poste pour améliorer la connaissance inter-service », « de mettre au point des protocoles pour organiser et faciliter les dépôts de plainte par les professionnels, comme par les victimes » ou encore, « dans chaque CLSPD et pour tous les agents des différents services participant à la prévention, de développer une réflexion commune sur le rôle et les devoirs de chacun [...] pour porter une même vision du contrat social, des messages identiques sur ce qui est permis et ce qui ne l'est pas, et une même rigueur dans le rapport à la loi ».
Quel sera l'avenir des mesures préconisées ?La secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, Catherine Vautrin, a d'ores et déjà promis le 15 avril que Jean-Louis Borloo tiendrait compte de la plate-forme dans le cadre du futur plan national de cohésion sociale. En attendant, les travaux doivent être adressés à l'ensemble des décideurs locaux, élus et dirigeants territoriaux, « pour inspirer et renouveler les politiques locales » en la matière.
(1) Voir ASH n° 2356 du 23-04-04.
(2) Sur laquelle la Fédération syndicale unitaire, membre du Conseil national des villes, émet d'ailleurs des réserves.