Le texte voté le 25 mai par le Sénat et qui va être discuté à l'Assemblée nationale en juin (2) reste très en deçà de ce que nous pouvions espérer d'une troisième réforme du statut des assistantes maternelles, après celles de 1977 et de 1992. Le métier de « nourrice » existe depuis l'Antiquité, mais il n'est toujours pas reconnu socialement et professionnellement. Nous n'enregistrons que de petits pas, et le vivons d'autant plus mal que l'affichage portait sur la professionnalisation. Nous avons participé activement aux groupes de travail préparatoires à la loi et c'est maintenant une grande lassitude qui s'exprime.
Nous voulons que les assistantes maternelles relèvent du droit commun. Les 55 000 salariées des villes et des départements doivent bénéficier d'un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale, quitte à ce que l'on précise ensuite leurs spécificités comme on le fait pour d'autres catégories particulières comme les pompiers ou les policiers municipaux. Nous voulons aussi que les assistantes maternelles permanentes (que le projet rebaptise « assistantes familiales » ), qui accueillent 55 %des enfants placés par l'aide sociale à l'enfance, soient reconnues comme travailleurs sociaux. Toujours au nom du droit commun, la CFDT demande également que les quelque 10 000 assistantes familiales salariées d'associations soient couvertes par la convention collective de 1966, ce qui leur est refusé (3). Au lieu de quoi, on maintient un sous-statut bâtard en bricolant des articles par-ci par-là dans les codes de l'action sociale et des familles, du travail et de la santé publique. Si ce métier n'était pas féminisé à 98 %, il y a belle lurette qu'il aurait un vrai statut !
D'abord, le maintien de la précarité. Même si le projet améliore un peu les conditions de licenciement, l'emploi peut, à tout moment, être remis en cause. Le montant minimal de la rémunération reste établi à un pourcentage du SMIC, qui va être fixé par décret et que nous ignorons. Sachant quelles sont les contraintes, horaires et autres, du métier, on aurait pu espérer voir la rémunération alignée au moins sur le SMIC ou sur les premiers indices de la fonction publique. Les assistantes familiales, qui s'occupent des enfants sept jours sur sept, ont droit à 15 jours de congé par an, qu'elles ne peuvent pas toujours prendre, faute de solution pour l'enfant, dont l'intérêt reste prioritaire. Seuls quelques départements ont mis en place un système de familles- relais que nous demandons de généraliser pour concrétiser le « droit à souffler ». Il faudrait aussi parler de l'investissement de départ (chambre, jouets...) qui reste à la charge des salariées, les seules à devoir payer leur outil de travail...
Nous sommes, là encore, loin du but. Le projet prévoit 240 heures de formation pour les assistantes familiales et 60 pour les assistantes maternelles. Notre objectif est d'obtenir une certification de niveau V (type CAP- BEP), ce qui suppose une formation qualifiante d'environ 500 heures. La profession pourrait alors être reconnue sur le marché du travail et offrir des passerelles vers d'autres métiers. Ces déceptions nous amènent à manifester le 3 juin, devant l'Assemblée nationale, toutes catégories d'assistantes maternelles confondues. Pour en finir avec le mépris et la précarité. Nous demandons à être reçus par le ministère de la fonction publique et par les présidents de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des maires de France. Les études officielles prévoient une pénurie d'assistantes maternelles dans les années 2010. Elle sera d'autant plus catastrophique pour la mission de protection de l'enfance si on ne revalorise pas ce métier. Propos recueillis par Marie-Jo Maerel
(1) CFDT Interco : 47/49, avenue Simon-Bolivar - 75950 Paris cedex 19 - Tél. 01 56 41 52 52.
(2) Voir ASH n° 2345 du 6-02-04.
(3) Un peu moins de 300 000 assistantes maternelles relèvent par ailleurs du particulier employeur. Une convention collective devrait être signée le 11 juin.