Sur un sujet qui fait l'objet de polémiques passionnelles, ce livre concis du sociologue Eric Keslassy remet les pendules à l'heure, de façon engagée et très argumentée. Oui, pour lutter contre des inégalités de fait, il est légitime - et souhaitable - d'instituer des inégalités formelles, c'est-à-dire d'accorder un traitement plus favorable à certaines fractions de la population. A condition de ne pas envisager de discriminations positives autrement fondées que sur la situation socio-économique des intéressés. Pas question donc de justifier la mise en place d'un quelconque traitement préférentiel sur la base de critères ethnico-religieux - comme l'a très maladroitement fait l'ancien ministre de l'Intérieur en se félicitant de la nomination d'un préfet « musulman ». En effet, reconnaître que le groupe ethnique, ou la religion, constitue un handicap qu'il convient de corriger, explique l'auteur, c'est objectiver les préjugés en cherchant à en amender les conséquences. « Sur ce plan, il est préférable d'exiger une détermination plus grande dans l'application de la législation anti-raciste », recommande-t-il. En revanche, même si les actions préférentielles prises en faveur des « pauvres » profiteront de manière privilégiée à des publics immigrés ou à certaines minorités ethniques, sur-représentés parmi les populations les plus défavorisées, c'est sur la base objective des ressources de ces dernières qu'il convient d'agir pour essayer de favoriser « l'égalité des conditions ». Cela suppose de rompre avec le principe d'universalité des prestations sociales, susceptible de participer au renforcement des inégalités, et de promouvoir un Etat-providence vraiment sélectif, qui mette en œuvre une redistributivité plus équitable des transferts.
De la discrimination positive - Eric Keslassy - Editions Bréal - 7,50 € .