Le Collectif national unitaire contre le projet de loi sur la prévention de la délinquance (1) lance une nouvelle alerte. Figurant parmi les 23 quartiers et villes désignés comme « criminogènes » par l'ancien ministre de l'Intérieur (2), la commune de Vitry-le-François (Marne) « va être utilisée comme un laboratoire par le fichage systématique de la population, remettant en cause la liberté individuelle, la vie privée et le respect des intéressés », dénonce-t-il.
A la suite d'une réunion avec les services de l'Etat et les élus, le conseil général a mis en place un outil à destination de tous les intervenants du champ social- travailleurs sociaux de circonscription, caisses d'allocations familiales, missions locales, centre communal d'action sociale ou encore association de sauvegarde de l'enfance - à qui il est demandé de remplir des fiches concernant les usagers, leurs difficultés sociales et familiales et les actions engagées pour les résoudre. Type de logement, ressources, toxicomanie, alcoolisme, santé mentale, emploi... Le spectre des items à renseigner est très large. « Ce projet a pour seule et unique finalité de stigmatiser les populations les plus paupérisées en proposant des réponses sécuritaires, alors que seuls des choix politiques et économiques différents peuvent apporter une réponse », condamne le Collectif national unitaire.
Au conseil général, on réfute pourtant tout objectif sécuritaire. La commune, certes économiquement sinistrée, n'est d'ailleurs pas particulièrement frappée par la délinquance. « L'idée est de procéder à une évaluation des interventions des services sociaux sur la ville, afin de mieux cibler les actions, explique Gérard Gamichon, directeur adjoint à la solidarité départementale. Nous souhaitions également mieux apprécier la qualité des partenariats entre les différents acteurs dans le but de les améliorer. » Les listes informatisées- comportant nom et adresse des personnes - doivent être exploitées seulement à des fins statistiques, affirme-t- il, et si diffusion il y a à d'autres partenaires, « il est hors de question de transmettre à qui que ce soit des données nominatives ».
Ces explications, cependant, ne convainquent pas les travailleurs sociaux, qui y voient une attaque contre le secret professionnel. Ni des organisations comme le Collectif pour le droit des citoyens face à l'informatisation de l'action sociale, qui milite depuis plusieurs années contre l'utilisation de l'outil informatique pour « catégoriser des situations » (3). Le Collectif national unitaire demande quant à lui l'abandon de cet outil « contraire au respect des droits des personnes et à l'éthique des professionnels du champ social ». Avec le Collectif marnais de veille contre les dérives sécuritaires et l'atteinte aux libertés des personnes, qui se mobilise localement, il appelle à une journée nationale de protestation à Vitry-le-François, le 3 juin.
(1) Contact : Tél. 01 44 79 90 43.
(2) Voir ASH n° 2344 du 30-01-04. Parmi les consignes données par Nicolas Sarkozy aux préfets des secteurs concernés figurait « la coordination de l'action des travailleurs sociaux autour du maire ».
(3) Voir ASH n° 2358 du 7-05-04.