(Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 et décision du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, J.O. du 10-03-04)
A l'heure où la surpopulation carcérale atteint des taux records, l'application de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité va-t-elle permettre de trouver un juste équilibre entre la lutte contre la délinquance et l'amélioration des conditions de vie des détenus ? Car si certaines de ses dispositions favorisant les alternatives aux poursuites et à l'incarcération visent à vider les établissements pénitentiaires, d'autres, en instaurant une réponse pénale plus systématique, risquent d'avoir l'effet inverse.
Quoi qu'il en soit, la loi du 9 mars 2004 dite « loi Perben II » modifie en profondeur les règles en matière d'application des peines, alors même que ce n'était pas son ambition initiale lorsqu'elle fut présentée en conseil des ministres, en avril 2003, par le garde des Sceaux, Dominique Perben.
A l'origine de ce « bouleversement des règles de l'application des peines » (Rap. Sén. n° 441, tome 1, septembre 2003, Zocchetto), le député UMP, Jean-Luc Warsmann, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale. S'inspirant de ses propres préconisations, listées dans un rapport remis à la chancellerie en avril 2003 sur les peines alternatives à la détention (1), ce député des Ardennes a donc, avec l'accord du gouvernement, introduit par amendements, repris et complétés par les sénateurs, nombre d'innovations.
En premier lieu, la loi tend à rendre la réponse pénale plus effective et systématique et refond l'application des peines en inscrivant dans le code de procédure pénale les grands principes devant la guider, à savoir la nécessité de l'effectivité des peines et les objectifs d'insertion ou de réinsertion des condamnés ainsi que de prévention des récidives.
Par ailleurs, la loi « Perben II » revoit complètement l'architecture des juridictions de l'application des peines en créant, à côté du juge de l'application des peines, des tribunaux de l'application des peines et une chambre de l'application des peines placée près la cour d'appel. Corrélativement, elle met fin aux juridictions régionales et nationale de la libération conditionnelle.
Toujours dans la perspective de l'effectivité de l'application des peines, le législateur prévoit par ailleurs des mesures en matière d'exécution des courtes peines ainsi qu'une nouvelle procédure d'aménagement des fins de peines d'emprisonnement conférant une large place aux directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation.
Au-delà, les mesures alternatives aux poursuites sont également modifiées. A cet effet, les modalités du recours à la composition pénale, par exemple, sont simplifiées et la liste des mesures pouvant être proposées dans ce cadre étendue.
Dans ce numéro : I - Les nouvelles réponses pénales A - Le principe d'une réponse judiciaire systématiqueB - L'information sur les suites données aux plaintes et signalements II - L'application des peines A - Les grands principes de l'applicationdes peinesB - De nouvelles juridictions d'application des peinesC - L'exécution des courtes peinesD - L'accompagnement des condamnés en fin de peine Dans un prochain numéro : III - Les mesures alternatives aux poursuites IV - Les mesures alternatives à l'incarcération
Les mesures alternatives à l'incarcération sont également renforcées. Pour ce faire, plusieurs dispositions visent à relancer les travaux d'intérêt général et attribuent de nouvelles compétences au juge de l'application des peines pour lui permettre d'adapter la sanction à la situation d'un condamné. Il pourra ainsi substituer au travail d'intérêt général une peine de jours-amende ou convertir une peine d'emprisonnement ferme en un sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général. Dans le même sens, le sursis avec mise à l'épreuve est également remanié. Là encore, le juge de l'application des peines se voit conférer de nouvelles attributions notamment en cas de non-respect par le condamné des obligations qui accompagnent le sursis. Toujours dans ce cadre, le recours au placement sous surveillance électronique devrait être encouragé par diverses mesures de la loi du 9 mars 2004.
Pour l'essentiel, ces dispositions voient leur entrée en vigueur différée dans le temps. Et des textes d'application ou des circulaires sont attendus pour les mettre en œuvre.
La loi Perben II introduit plusieurs dispositions dans le code de procédure pénale en vue de rendre la réponse pénale plus effective et systématique. Corrélativement, elle renforce l'information des victimes, des plaignants et de diverses autorités sur les suites données à leurs plaintes et signalements.
Pour ce faire, la loi du 9 mars 2004 maintient tout d'abord le principe de l'opportunité des poursuites inscrit à l'article 40 du code de procédure pénale : « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. » Mais elle prévoit que cette règle devra dorénavant s'exercer dans le respect de l'article 40-1 du code de procédure pénale introduit par la loi du 9 mars 2004 (art. 74 de la loi, code de procédure pénale [CPP], art. 40 modifié ).
Selon cet article 40-1, lorsque le procureur de la République estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, c'est-à-dire à une action en justice déclenchée par les magistrats du parquet, il doit décider :
soit d'engager des poursuites (information judiciaire, comparution immédiate...) ;
soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites (composition pénale, rappel à la loi...) ;
soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient (par exemple, en raison de l'extrême faiblesse du trouble causé à l'ordre public).
Autrement dit, lorsque l'auteur des faits est identifié et son domicile connu et qu'aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République ne pourra classer sans suite qu'en présence de « circonstances particulières liées à la commission des faits ». Ainsi, tout en respectant le principe de l'opportunité des poursuites, la loi « tend à réduire la part des classements sans suite et donc à améliorer la réponse pénale » (Rap. A.N. n° 856, tome I, mai 2003, Warsmann).
Cette disposition est applicable depuis le 12 mars 2004.
Parallèlement, la loi du 9 mars 2004 reformule les règles en vigueur sur l'information notamment des victimes et des plaignants.
Elle étend, tout d'abord, la liste des personnes que le procureur de la République est tenu d'aviser des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement (CPP, art. 40-2, al. 1 nouveau). Sont visés les plaignants, les victimes si elles sont identifiées, ainsi que, désormais, toute autorité constituée, tout officier ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit et le signale sans délai, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, au procureur de la République.
Ainsi, « ce dispositif devrait notamment permettre aux maires qui dénoncent des infractions commises sur le territoire de leur commune d'être informés des suites données à leur intervention », explique le rapporteur au Sénat, François Zocchetto (Rap. Sén. n° 441, tome 1, septembre 2003). A noter que l'article 73 de la loi introduit également un dispositif d'information des maires (voir encadré, ci-contre).
Cette disposition est applicable depuis le 12 mars 2004.
En outre, lorsque le procureur de la République décidera de classer sans suite la procédure, il devra aviser également les plaignants, les victimes identifiées et les autorités de sa décision « en indiquant les raisons juridiques ou d'opportunité qui la justifient » (CPP, art. 40-2, al. 2 nouveau). Ainsi la loi consacre l'obligation pour le procureur de motiver ses décisions de classement sans suite, que l'auteur des faits soit identifié ou non. Ces dispositions n'entreront toutefois en vigueur qu'à compter du 31 décembre 2007 (art. 207, VII de la loi).
Auparavant, le code de procédure pénale prévoyait uniquement une telle motivation des classements sans suite et leur notification par écrit lorsque étaient en cause certaines infractions de nature sexuelle commises contre des mineurs (viol, agression sexuelle, corruption de mineur...). Ces dispositions spécifiques sont supprimées par la loi Perben II (art. 74 de la loi, CPP, art. 40 modifié).
En attendant l'entrée en vigueur de cette disposition, la loi du 9 mars 2004 prévoit un régime transitoire pour permettre aux juridictions de s'organiser en conséquence, notamment en termes d'informatisation. Ainsi, jusqu'au 31 décembre 2007, le procureur de la République ne devra aviser les intéressés (plaignants, victime identifiée, autorités) du classement sans suite assorti des raisons juridiques et d'opportunité que si l'auteur des faits est identifié (art. 207, VII de la loi). En outre, toujours pendant cette période intermédiaire, il est prévu que « lorsque la plainte est déposée contre une personne dont l'identité n'est pas connue », la victime sera prévenue qu'elle ne sera informée par le procureur de la République de la suite réservée à sa plainte que dans le cas où l'auteur des faits serait identifié (CPP, art. 15-3 modifié).
Pour finir, la loi prévoit explicitement que toute personne qui a dénoncé au procureur de la République des faits ayant donné lieu à une décision de classement sans suite peut former un recours hiérarchique auprès du procureur général. Celui-ci pourra alors soit enjoindre le procureur de la République d'engager des poursuites, soit informer l'intéressé s'il estime le recours infondé (CPP, art. 40-3 nouveau). Cette disposition est entrée en vigueur le 12 mars 2004.
Tout en cherchant à rendre la réponse pénale plus systématique, le législateur refond le droit de l'application des peines. La plupart de ces dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2005 (voire au 31 décembre 2005 ou 2006). Certaines sont toutefois d'application immédiate.
« Les maires revendiquent depuis longtemps une meilleure information sur les infractions commises sur le territoire de leur commune » (Rap. Sén. n° 441, tome 1, septembre 2003, Zocchetto) . C'est pour répondre à cette attente que la loi contient une disposition permettant d'améliorer l'information de ces élus. Une disposition d'ailleurs inspirée des travaux d'un groupe de travail piloté par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice (2). Et qui est entrée en vigueur le 12 mars 2004.
A cet effet, deux articles sont introduits dans le code général des collectivités territoriales (CGCT). Le premier, l'article L. 2211-2, procède à un rappel des dispositions du code de procédure pénale : « Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, le maire est tenu de signaler sans délai au procureur de la République les crimes ou les délits dont il acquiert la connaissance dans l'exercice de ses fonctions. » Il est ensuite précisé que le maire est avisé des suites données à ce signalement (poursuites, alternatives aux poursuites, classement sans suite) en application de l'article 40-2 du code de procédure pénale.
La loi Perben II prévoit, en outre, que le procureur de la République peut porter à la connaissance du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale toutes les mesures ou décisions de justice, civiles ou pénales, dont la communication paraît nécessaire à la mise en œuvre d'actions de prévention, de suivi et de soutien, engagées ou coordonnées par l'autorité municipale ou intercommunale.
Les destinataires de cette information sont tenus au secret professionnel garanti par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal, sous réserve toutefois de l'exercice de cette mission de prévention, de suivi et de soutien par la municipalité.
En outre, les maires sont désormais informés « sans délai » par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie « des infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune » dans le respect du secret de l'enquête et de l'instruction (CGCT, art. L. 2211-3 nouveau) . Relevons qu'un décret du 17 juillet 2002 sur les dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance prévoyait une telle information des maires mais uniquement à propos des actes graves de délinquance (3).
A l'initiative du député UMP Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale et auteur d'un rapport sur les peines alternatives à la détention, la loi Perben II inscrit dans le code de procédure pénale les grands principes de l'application des peines (CPP, art. 707 nouveau).
Cette disposition entrera en vigueur au 1erjanvier 2005 (art. 207, II de la loi).
Premier principe devant guider l'application des peines :l'exécution des décisions. Ainsi, sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions pénales doivent « sauf circonstances insurmontables, être mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais », est-il désormais inscrit à l'article 707 nouveau du code de procédure pénale.
Il s'agit, pour le rapporteur à l'Assemblée nationale, de réaffirmer que « le traitement de la délinquance ne s'arrête pas au prononcé de la décision » (J.O.A.N. [C.R.] n° 48 du 24-05-03).
En outre, l'exécution de ces peines doit favoriser, « dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive » (CPP, art. 707, al. 2 nouveau ). Par ce biais, le législateur veut rappeler que l'objectif de l'exécution des décisions de justice, notamment des peines privatives de liberté, est « d'abord de prévenir la récidive et la commission de nouvelles infractions et ensuite de faire respecter l'intérêt de la société et les droits des victimes, enfin de tendre à l'insertion [...] et à la réinsertion[...] des condamnés » (J.O.A.N. [C.R.] n° 48 du 24-05-03).
Conséquence de l'objectif de réinsertion, les peines peuvent être aménagées en cours d'exécution pour tenir compte de l'évolution de la personnalité et de la situation du condamné, indique en outre la loi du 9 mars 2004. « L'individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire » (CPP, art. 707, al. 3 nouveau).
« Le législateur doit clairement indiquer que le système de “sortie sèche” est le plus détestable, si l'on entend lutter contre la récidive ou la commission de nouvelles infractions », explique le rapporteur à l'Assemblée nationale (J.O.A.N. [C.R.] n° 48 du 24-05-03).
Toujours sur proposition du rapporteur à l'Assemblée nationale, Jean-Luc Warsmann, complétée au Sénat, la loi du 9 mars 2004 insère dans le code de procédure pénale un chapitre consacré aux « juridictions de l'application des peines ». Dans ce cadre, elle précise les missions du juge de l'application des peines- jusque-là exposées dans un article 722 du code de procédure pénale, jugé complexe, qui est de son côté abrogé. Elle confère une valeur législative à nombre de dispositions en vigueur d'ordre réglementaire et rassemble des règles éparses au sein d'un même chapitre du code de procédure pénale.
Ce dispositif n'entrera toutefois en vigueur que le 1er janvier 2005, le temps de permettre aux juridictions de se réorganiser en conséquence et que les textes d'application paraissent (art. 207, II de la loi). Un décret doit notamment préciser ce dispositif (CPP, art. 712-22 nouveau). Dans l'attente, l'article 722 demeure applicable.
La nouvelle architecture proposée par la loi Perben II repose sur la création, au côté du juge de l'application des peines, de tribunaux de l'application des peines et de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel.
Le fractionnement ou la suspension de la peine (emprisonnement, amende) peut être décidée par la juridiction pour des motifs « graves » (médical, familial, professionnel ou social).
La libération conditionnelle consiste à mettre en liberté anticipée, et sous contrôle du juge de l'application des peines, un condamné qui a purgé une partie de sa peine et a donné des signes d'amendement.
La permission de sortir autorise un condamné à s'absenter d'un établissement pénitentiaire. Elle a pour objet de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné, de maintenir ses liens familiaux ou de lui permettre d'accomplir une obligation exigeant sa présence.
Le placement à l'extérieur permet au condamné d'être employé au dehors d'un établissement pénitentiaire à des travaux contrôlés par l'administration.
Le placement sous surveillance électronique s'adresse à certains condamnés. Concrètement, les intéressés portent au poignet ou à la cheville un bracelet électronique qui transmet des signaux à un récepteur placé sur leur lieu d'assignation (domicile, lieu de travail ou de formation...) et relié par ligne téléphonique à un centre de surveillance.
La semi-liberté est une modalité d'exécution d'une peine permettant à un condamné d'exercer, en dehors d'un établissement pénitentiaire, une activité professionnelle, de suivre un enseignement ou de bénéficier d'un traitement médical. A l'issue de ces activités, le condamné doit rejoindre le centre de semi-liberté.
Avec la loi Perben II, le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines constituent les juridictions de l'application des peines du premier degré. Ces dernières sont chargées de fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté (emprisonnement, placement à l'extérieur, semi- liberté...) ou de certaines peines restrictives de liberté (interdiction de séjour, travail d'intérêt général, libération conditionnelle...), en orientant et en contrôlant les conditions de leur application (CPP, art. 712-1 nouveau). Leurs décisions peuvent être attaquées par la voie de l'appel porté devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, créée à cet effet. Selon le cas, la décision est prise par le président de la chambre seul ou par la chambre en formation collégiale. Un pourvoi en cassation est ensuite possible.
Plus précisément, la loi Perben II prévoit, en premier lieu, la disparition, à compter du 1erjanvier 2005, de la juridiction régionale de la libération conditionnelle et de la juridiction nationale de la libération conditionnelle. Pour mémoire, actuellement, lorsque la peine d'emprisonnement prononcée est d'une durée inférieure à 10 ans ou que, quelle que soit la peine initialement prononcée, la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à 3 ans, les mesures de libération conditionnelle sont décidées - et le seront jusqu'au 31 décembre 2004 - par le juge de l'application des peines, et susceptibles d'appel devant la chambre des appels correctionnels. Dans les autres cas, les mesures de libération conditionnelle relèvent de la compétence de la juridiction régionale de la libération conditionnelle et, en appel, de la juridiction nationale de la libération conditionnelle placée près la Cour de cassation.
Ainsi, ces deux instances sont appelées à disparaître. La première, la juridiction régionale de la libération conditionnelle, se transformera en tribunal de l'application des peines avec des compétences élargies. Ce dernier interviendra toujours en matière de libération conditionnelle mais également en matière de réexamen des mesures de sûreté et de suspension de peines ne relevant pas de la compétence du juge de l'application des peines. Par ailleurs, la juridiction nationale de la libération conditionnelle est supprimée. C'est la chambre de l'application des peines qui récupère ses attributions en matière de libération conditionnelle, ses décisions étant susceptibles d'un pourvoi en cassation.
Selon le rapporteur du Sénat, François Zocchetto, le dispositif antérieur comportait deux défauts : il ne permettait pas, pour les mesures de libération conditionnelle relevant de la juridiction régionale de la libération conditionnelle, le pourvoi en cassation, dès lors que la juridiction d'appel - la juridiction nationale de la libération conditionnelle - était déjà placée auprès de la Cour de cassation. En outre, l'activité de la juridiction nationale tendait à augmenter régulièrement, ce qui peut, selon lui, justifier un examen des appels au sein des cours d'appel.
Ainsi, au 1er janvier 2005, les affaires pendantes devant les juridictions régionales de la libération conditionnelle et la juridiction nationale de la libération conditionnelle seront respectivement transférées devant les tribunaux de l'application des peines compétents et les chambres de l'application des peines des cours d'appel compétentes (art. 207, II de la loi).
La loi du 9 mars 2004 fait du juge de l'application des peines un véritable juge du contrôle de l'application des peines, autorisé à s'assurer de l'exécution des mesures mais aussi, le cas échéant, à les révoquer. Actuellement, en effet, le droit en vigueur réserve à la juridiction ayant prononcé la condamnation la compétence pour révoquer certaines mesures, comme le sursis avec mise à l'épreuve ou l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (5). « Cette situation n'est pas satisfaisante car le retour devant la juridiction de jugement pour des questions liées à l'inexécution des peines constitue une lourdeur incontestable qui participe de l'inexécution des peines », explique le rapporteur à l'Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 1236, novembre 2003, Warsmann).
Outre la fixation de la composition de ces juridictions (CPP, art. 712-2 et 712-3 nouveaux), la loi Perben II prévoit une répartition des compétences entre chacune d'elles ainsi que la procédure à suivre en leur sein.
Le juge de l'application des peines est chargé de fixer les principales modalités de l'application des peines (délivrance de permissions de sortir, réductions de peines, placement sous surveillance électronique, placement à l'extérieur, libération conditionnelle des condamnés à une peine d'emprisonnement inférieure à 10 ans ou dont la durée de détention restant à subir est inférieure à 3 années...).
La loi fixe précisément les règles de procédure applicables à ces décisions. Ainsi, les mesures relevant de sa compétence sont accordées, modifiées, refusées, ajournées, retirées ou révoquées par ordonnance ou jugement motivé de ce magistrat (CPP, art. 712-4 nouveau). Celui-ci peut agir d'office, sur la demande du condamné ou sur réquisition du procureur de la République selon une procédure qui varie suivant qu'il y a ou non exigence d'un débat contradictoire (CPP, art. 712-5 et 712-6 nouveaux).
A noter qu'est territorialement compétent le juge de l'application des peines de la juridiction dans le ressort de laquelle est situé soit l'établissement pénitentiaire dans lequel le condamné est écroué, soit, si ce dernier est libre, sa résidence habituelle (CPP, art. 712-10 nouveau). S'il n'a pas en France de résidence habituelle, le juge de l'application des peines compétent est celui du tribunal dans le ressort duquel a son siège la juridiction ayant statué en première instance. Des règles de compétences particulières s'appliquent pour l'exécution d'une mesure de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de placement sous surveillance électronique ou de libération conditionnelle.
Certaines décisions sont prises par ordonnance motivée sans débat contradictoire mais après avis de la commission de l'application des peines (CPP, art. 712-5 nouveau). Cette règle peut néanmoins être écartée en cas d'urgence. Ces ordonnances sont susceptibles d'appel. Il s'agit des réductions de peine, des autorisations de sortie sous escorte et des permissions de sortir.
La commission est présidée par le juge de l'application des peines. Le procureur de la République et le chef de l'établissement pénitentiaire en sont membres de droit. Elle est réputée avoir rendu son avis si celui-ci n'est pas intervenu dans le délai de un mois à compter du jour de sa saisine.
La loi Perben II innove donc car, actuellement, le juge de l'application des peines statue en ces matières par simple mesure d'administration judiciaire, non susceptible d'appel, prise après avis de la commission d'application des peines. Il y a donc juridictionnalisation de ces mesures. Relevons toutefois que ce droit d'appel entrera en vigueur le 31 décembre 2005 (art. 207, IV de la loi).
En revanche, certaines décisions sont prises par jugement motivé à l'issue d'un débat contradictoire (CPP, art. 712-6 nouveau).
Sont visées, dans ce cadre, les mesures de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et de suspension des peines, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle des condamnés à une peine d'emprisonnement inférieure à 10 ans ou de ceux dont , quelle que soit la peine initialement prononcée, la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à 3 ans .
Cette procédure est également applicable, sauf si la loi en dispose autrement, aux décisions du juge de l'application des peines concernant les peines de suivi socio-judiciaire, d'interdiction de séjour, de travail d'intérêt général, d'emprisonnement assorti de sursis avec mise à l'épreuve ou d'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou les mesures d'ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve.
Dans ces cas, le juge de l'application des peines rend sa décision après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, à l'issue de ce débat, tenu en chambre du conseil. Concrètement, pendant ce débat, le magistrat entendra les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Lorsque le condamné est détenu, ce débat peut se tenir dans l'établissement pénitentiaire ou par le biais d'un procédé de visioconférence (CPP, art. 706-71 inchangé).
Toutefois, par souci d'efficacité, le juge de l'application des peines peut, avec l'accord du procureur de la République et celui du condamné ou de son avocat, octroyer l'une de ces mesures sans procéder à un débat contradictoire.
De même, par exception, les décisions modifiant ou refusant de modifier ces mesures ou les obligations en résultant sont prises par ordonnance motivée du juge de l'application des peines sans débat contradictoire. Ce, à moins que le procureur de la République ne demande qu'elles fassent l'objet d'un jugement pris après un tel débat ( CPP, art. 712-8 nouveau).
A noter également que des dispositions spécifiques sont prévues si le condamné non détenu ne se présente pas, sans motif légitime, au débat contradictoire après y avoir été convoqué (CPP, art. 712-9 nouveau).
De son côté, le tribunal de l'application des peines interviendra pour les libérations conditionnelles des condamnés à une peine supérieure à 10 ans d'emprisonnement, pour l'examen des demandes tendant au relèvement de la période de sûreté et pour la suspension de peines qui ne relèvent pas du juge de l'application des peines.
Ces mesures seront accordées, ajournées, refusées, retirées ou révoquées par jugement motivé du tribunal de l'application des peines saisi sur la demande du condamné, sur réquisition du procureur de la République ou à l'initiative du juge de l'application des peines compétent (CPP, art. 712-7 nouveau).
Ces jugements seront, en outre, rendus, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel la juridiction entendra les réquisitions du parquet et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Lorsque le condamné est détenu, ce débat peut se tenir dans l'établissement pénitentiaire (CPP, art.712-7 nouveau).
Les décisions modifiant ou refusant de modifier les mesures ordonnées par le tribunal de l'application des peines seront prises par ordonnance motivée du juge de l'application des peines sans débat contradictoire. Là encore, le procureur de la République pourra demander que ces décisions fassent l'objet d'un jugement après ce débat (CPP, art. 712-8 nouveau).
Tout en souhaitant le développement de l'individualisation des peines, la loi Perben II confère aux juridictions de l'application des peines des moyens de réagir au cas où les obligations du condamné en bénéficiant ne seraient pas respectées. Sont ainsi créées une ordonnance de suspension provisoire pour les mesures d'aménagement de peine avec écrou et une ordonnance d'incarcération provisoire pour celles sans écrou. L'idée étant de permettre au juge de réagir très vite et ainsi de crédibiliser ces dispositions.
Ainsi, en cas d'inobservation des obligations qui incombent au condamné faisant l'objet d'une mesure de semi-liberté, de placement extérieur ou de placement sous surveillance électronique, le juge de l'application des peines pourra, après avis du procureur de la République, ordonner la suspension de la mesure. Cette suspension entraînera l'incarcération du condamné, un débat contradictoire devant avoir lieu dans les 15 jours suivant cette incarcération. Ce débat doit se dérouler conformément à l'article 712-6 du code de procédure pénale. A défaut, la personne sera remise en liberté si elle n'est pas détenue pour une autre cause (CPP, art. 712-18 nouveau).
De même, en cas d'inobservation des obligations qui incombent au condamné faisant l'objet d'un sursis avec mise à l'épreuve, d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, d'un suivi socio-judiciaire, d'une suspension ou d'un fractionnement de peine ou d'une libération conditionnelle, le juge de l'application des peines pourra ordonner, après avis du procureur de la République, l'incarcération provisoire du condamné. Cette ordonnance d'incarcération provisoire pourra être prise par le juge d'application des peines du lieu où se trouve le condamné. Comme précédemment, à défaut de la tenue du débat contradictoire dans les 15 jours de l'incarcération du condamné, celui-ci sera remis en liberté s'il n'est pas détenu pour une autre cause.
De même, pour les matières relevant de sa compétence, le tribunal de l'application des peines peut également être amené à prononcer une ordonnance d'incarcération provisoire. Dans ce cas, un débat contradictoire doit avoir lieu dans le mois suivant l'incarcération du condamné, faute de quoi celui-ci est remis en liberté (CPP, art. 712-19 nouveau).
Enfin, la violation par le condamné des obligations auxquelles il est astreint, commise pendant la durée d'exécution d'une des mesures prévues aux articles 712-6 et 712-7 du code de procédure pénale- c'est-à-dire les mesures prises après débat contradictoire par le juge ou le tribunal de l'application des peines, « y compris le sursis avec mise à l'épreuve ou l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général » -, peut donner lieu à la révocation ou au retrait de la mesure après la date d'expiration de celle-ci lorsque le juge ou la juridiction de l'application des peines compétent a été saisi ou s'est saisi à cette fin au plus tard dans un délai de un mois après cette date (CPP, art. 712-20 nouveau).
Enfin, conséquence logique de ses nouvelles prérogatives lui conférant la compétence pour sanctionner lui-même le non-respect par les condamnés des obligations qui leur sont imposées, le juge de l'application des peines peut délivrer un mandat d'amener ou d'arrêt à l'encontre d'un condamné placé sous son contrôle suivant une procédure détaillée par la loi (CPP, art. 712-17 nouveau).
Les décisions du juge et du tribunal de l'application des peines peuvent être attaquées par la voie de l'appel par le condamné, le procureur de la République ou le procureur général (CPP, art. 712-11 nouveau).
Cependant, les modalités de l'appel diffèrent selon la nature de la décision et la juridiction qui l'a prise. Suivant le cas, c'est le président de la chambre d'application des peines ou la chambre au complet qui se prononce.
Le président de la chambre de l'application des peines se prononcera sur l'appel des décisions du juge de l'application des peines prises par ordonnances sans débat contradictoire. Plus précisément, sont visées :
les décisions prises sans débat contradictoire en vertu de l'article 712-5 du code de procédure pénale (délivrance ou retrait des permissions de sortir, des réductions de peines ou des autorisations de sortie sous escorte) ;
les décisions modifiant ou refusant de modifier les mesures nécessitant initialement un débat contradictoire (placement à l'extérieur, semi-liberté, fractionnement ou suspension de peine...) ou les obligations résultant de ces mesures ou des mesures ordonnées par le tribunal de l'application des peines conformément à l'article 712-8 du code de procédure pénale.
Dans ce cas, l'appel doit être formé dans les 24 heures de la notification de la décision. Le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel statue alors par ordonnance motivée au vu des observations écrites du parquet et de celles du condamné ou de son avocat (CPP, art. 712-12 nouveau).
La chambre de l'application des peines de la cour d'appel interviendra, de son côté, sur l'appel des décisions du juge de l'application des peines prises après débat contradictoire (placement à l'extérieur, semi- liberté...) et sur l'appel des décisions du tribunal de l'application des peines, en vertu des articles 712-6 et 712-7 du code de procédure pénale.
Dans cette hypothèse, la décision doit être contestée dans les 10 jours de leur notification. La chambre de l'application des peines statue alors par arrêt motivé après débat contradictoire au cours duquel sont entendues les réquisitions du ministère public et les observations de l'avocat du condamné (CPP, art. 712-13, al. 1 nouveau). Ce dernier ne sera, en principe, pas entendu par la chambre sauf si celle-ci en décide autrement, auquel cas l'audition a lieu au sein de l'établissement pénitentiaire par un membre de la juridiction ou bien par le moyen de la visioconférence prévu à l'article 706-71 du code de procédure pénale, en présence de son avocat ou lorsque celui-ci a été régulièrement convoqué.
A noter que la loi Perben II complète la composition de cette instance pour y inclure la présence d'un représentant d'une association de réinsertion et d'un représentant d'une association d'aide aux victimes (CPP, art. 712-13, al. 2 nouveau). Cela lorsqu'elle est amenée à se prononcer sur les mesures prises par le tribunal de l'application des peines (libération conditionnelle, relèvement de la période de sûreté, suspension de peine).
En outre, si la chambre de l'application des peines confirme un jugement ayant refusé d'accorder une mesure d'aménagement de peine (placement à l'extérieur, semi-liberté... relevant du juge de l'application des peines ; libération conditionnelle, relèvement d'une mesure de sûreté... relevant du tribunal de l'application des peines), elle peut fixer un délai pendant lequel toute demande tendant à l'octroi de la même mesure est irrecevable. Toutefois, ce délai ne peut excéder ni le tiers du temps de détention restant ni 3 années (CPP, art.712-13, al. 3 nouveau).
Comme dans le droit antérieur, les décisions du juge de l'application des peines et celles du tribunal de l'application des peines sont exécutoires par provision, c'est-à-dire qu'elles peuvent être mises en œuvre immédiatement (CPP, art. 712-14 nouveau). Toutefois l'appel du ministère public formé dans les 24 heures suspend l'exécution de la décision jusqu'à ce que la chambre de l'application des peines, ou son président, ait statué. L'affaire doit être examinée au plus tard dans les 2 mois suivant l'appel, faute de quoi celui-ci est non avenu.
Enfin, et il s'agit d'une nouveauté substantielle par rapport au droit existant qui ne prévoyait pas cette possibilité pour certaines demandes de libération conditionnelle, les ordonnances du président de la chambre de l'application des peines ainsi que les arrêts de cette dernière peuvent faire l'objet, dans les 5 jours de leur notification, d'un pourvoi en cassation qui n'est pas suspensif (CPP, art. 712-15 nouveau).
Pour finir, la loi Perben II comporte toute une série de dispositions communes à l'ensemble de ces juridictions de l'application des peines. En réponse à la demande de nombreux juges de l'application des peines, la loi prévoit qu'ils peuvent procéder ou faire procéder à tous les examens, auditions, enquêtes, expertises, réquisitions, y compris bancaires en dépit du secret professionnel de cette profession, ou autres mesures utiles. Ces enquêtes peuvent porter, le cas échéant, sur les conséquences des mesures d'individualisation de la peine au regard de la situation de la victime en application de l'article 720 du code de procédure pénale (CPP, art. 712-16 nouveau). Relevons que, selon cet article 720, introduit par la loi Perben II, le juge de l'application des peines ou le tribunal de l'application des peines doit, préalablement à toute décision entraînant la cessation temporaire ou définitive de l'incarcération d'une personne condamnée à une peine privative de liberté, prendre en considération, avant la date d'échéance de celle-ci, les intérêts de la victime ou de la partie civile adverse au regard des conséquences pour celles-ci de sa décision (6). Cette mesure devrait, selon le député Jean-Luc Warsmann, « favoriser et renforcer l'efficacité de leur travail » (J.O.A.N. [C.R.] n° 115 du 28 novembre 2003).
En outre, et préalablement à toute décision, est offerte aux juridictions de l'application des peines la faculté, « si elles l'estiment opportun », d'informer les victimes qu'elles peuvent présenter leurs observations écrites, directement ou par l'intermédiaire de leur avocat, ce qui vise à améliorer la prise en considération de leurs intérêts. Elles peuvent le faire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de cette information.
Par ailleurs, reprenant le droit en vigueur, l'article 712-21 du code de procédure pénale dispose que les mesures d'aménagement de peine prises par le juge de l'application des peines ou le tribunal de l'application des peines, à l'exception des réductions de peines n'entraînant pas de libération immédiate et des autorisations de sortie sous escorte, ne peuvent être accordées sans une expertise psychiatrique préalable à une personne condamnée pour une infraction de nature sexuelle. Cette expertise est réalisée par deux experts lorsque la personne a été condamnée pour le meurtre, l'assassinat ou le viol d'un mineur de 15 ans.
Il est enfin prévu que le juge donne son avis, sauf urgence, sur le transfert des condamnés d'un établissement à l'autre (CPP, art. 717-1-1 nouveau). Ce, « afin d'éviter qu'un condamné soit transféré alors qu'une mesure d'individualisation des peines est sur le point d'être demandée » (J.O.A.N. [C.R.] n° 115 du 28 novembre 2003).
Suivant une proposition du rapporteur à l'Assemblée nationale, Jean-Luc Warsmann, la loi Perben II prévoit les conditions dans lesquelles les courtes peines d'emprisonnement peuvent être aménagées. Selon le député, en effet, « le système actuel a quelque chose d'absurde : on condamne une personne à une peine de 6 ou 8 mois ferme, on met 2 ans à l'exécuter et au bout de 2 ans, on va la chercher pour l'incarcérer en maison d'arrêt » (J.O.A.N. [C.R.] n° 48 du 24-05-03). Il considère également que cela conduit à un fonctionnement « aberrant sur le plan de la sécurité sans oublier le sentiment d'impunité qu'il peut engendrer ». « Sur le plan de la justice, enfin », il juge qu'il « est absurde d'aller chercher une personne pour l'incarcérer 2 ou 3 ans après qu'elle a été condamnée, alors que très souvent la situation a changé et qu'elle aura pu entre-temps retrouver une vie normale, conforme à la loi, un emploi et une vie professionnelle ». Aussi le premier objectif de cette procédure est-il de lutter contre l'inexécution des peines pour les personnes condamnées à de courtes peines et qui demeurent libres.
Ce dispositif sera précisé par décret (CPP, art. 723-19 nouveau) et entrera en vigueur le 1er janvier 2005 (art. 207, II de la loi).
Pour assurer une meilleure effectivité de la peine, la loi du 9 mars 2004 crée donc un article 474 dans le code de procédure pénale afin de prévoir qu'en cas de condamnation d'une personne non incarcérée à une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à un an, il est remis au condamné présent à l'audience un avis de convocation à comparaître devant le juge de l'application des peines, dans un délai compris entre 10 et 30 jours. Ce, en vue de déterminer les modalités d'exécution de la peine. Autrement dit, dès lors qu'un tribunal a prononcé une peine de prison ferme de moins de un an, le condamné devra être convoqué dans les 30 jours au maximum qui suivent devant le juge de l'application des peines.
Toujours selon l'article 474 du code de procédure pénale, « cet avis précise que, sauf exercice par le condamné des voies de recours, la peine prononcée contre lui sera mise à exécution en établissement pénitentiaire s'il ne se présente pas, sans excuse légitime, à cette convocation ».
Ces dispositions, précise la loi, seront également applicables en cas de condamnation de la personne à une peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve, à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou bien à une peine de travail d'intérêt général. Toutefois, dans cette hypothèse, le condamné est convoqué devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation.
La remise immédiate et systématique au condamné de cette convocation a été contestée au cours des débats pour des raisons essentiellement pratiques, en raison de la charge de travail qu'elle implique pour les greffes.
Toutefois, faisant valoir l'importance de « ce principe d'exécution des peines » et fort du constat que « lorsqu'un tribunal prononce une peine d'emprisonnement ferme, le délai moyen pour que le jugement soit saisi et mis à exécution est supérieur à 7 mois », le rapporteur à l'Assemblée nationale a plaidé pour réaffirmer ce principe pour « avoir une politique d'exécution enfin cohérente » (J.O.A.N.[C.R.] n° 115 du 28-11-03). Néanmoins, sensible au fait qu'il serait irréaliste de mettre en place un tel système avec applicabilité immédiate, la loi reporte au 31 décembre 2006 la date d'entrée en vigueur de la disposition prévoyant cette remise immédiate de la convocation (art. 207, V de la loi). D'ici là, celle-ci demeure facultative.
Ainsi, les tribunaux qui fonctionnent déjà quasiment de la sorte pourront appliquer cette mesure aussi vite que possible, les autres auront près de 3 ans pour le faire.
Au-delà, le texte prévoit les modalités de mise à exécution de certaines peines privatives de liberté à l'égard des condamnés libres. Pour l'essentiel, la loi Perben II transpose dans un texte légal la procédure prévue actuellement par l'article D. 49-1 du code de procédure pénale de valeur réglementaire.
Ainsi, préalablement à la mise à exécution d'une courte peine à l'encontre d'une personne non incarcérée, le ministère public devra communiquer, comme c'était déjà prévu, au juge de l'application des peines un extrait de la décision accompagné, le cas échéant, de toutes informations utiles (CPP, art. 723-15 nouveau). Cela afin qu'il détermine les modalités d'exécution de la peine. Sont plus précisément concernés la condamnation à une peine égale ou inférieure à un an d'emprisonnement, ou pour laquelle la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à un an, ou le cumul de condamnations concernant la même personne si le total des peines prononcées ou restant à subir est inférieur ou égal à un an.
Dans un souci d'efficacité, il est prévu désormais que le juge de l'application des peines doit convoquer le condamné, sauf si celui-ci a déjà été avisé à l'issue de l'audience de jugement qu'il était convoqué devant ce magistrat. Cela pour lui permettre de déterminer les modalités d'exécution de sa peine en considération de sa situation personnelle. Sans changement, le juge de l'application des peines peut charger, à cette fin, le service pénitentiaire d'insertion et de probation de vérifier sa situation matérielle, familiale et sociale. Il peut alors, d'office, à la demande de l'intéressé ou sur réquisitions du procureur de la République, ordonner, après débat contradictoire, une mesure d'aménagement de peines (placement à l'extérieur, semi-liberté, fractionnement ou suspension de peines, placement sous surveillance électronique, libération conditionnelle...). Si le condamné ne souhaite pas faire l'objet d'une de ces mesures, le juge de l'application des peines peut fixer la date d'incarcération (CPP, art. 723-15 nouveau).
Par ailleurs, si le magistrat constate, lors de la première convocation du condamné, que celui-ci ne remplit pas les conditions légales lui permettant de bénéficier d'une mesure particulière d'aménagement de l'exécution de sa peine, il l'informe des modifications à apporter à sa situation pour être en mesure d'en bénéficier et le convoque à nouveau (CPP, art. 723-15 nouveau).
En tout état de cause, à défaut de décision du juge de l'application des peines dans les 4 mois (au lieu de 3 mois antérieurement) suivant la communication de l'extrait de la décision, le ministère public doit exécuter la peine en incarcérant l'intéressé en établissement pénitentiaire (CPP, art. 723-15 nouveau).
Il en fait de même en cas d'urgence. Cette procédure, qui était évoquée par l'article D. 49-1 du code de procédure pénale, est désormais explicitée par la loi. Elle devra être motivée soit par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, soit par l'incarcération de la personne dans le cadre d'une autre procédure (CPP, art. 723-16 nouveau). Si le ministère public décide d'exécuter la peine en établissement pénitentiaire, il devra, ce qui est nouveau, informer le juge de l'application des peines si celui-ci a été destinataire de l'extrait de jugement.
Relevons également que s'agissant de la personne qui ne se présente pas à la convocation, « sauf motif légitime ou exercice des voies de recours », le juge en informe le ministère public qui là encore incarcère l'intéressé.
Enfin, si malgré toutes ces dispositions, la condamnation n'a pas été mise à exécution dans le délai de un an à compter de la date à laquelle elle est devenue définitive, le législateur prévoit que le condamné peut saisir le juge de l'application des peines en vue de faire l'objet d'une des mesures d'aménagement de peine fixées à l'article 712-6 du code de procédure pénale (placement à l'extérieur, semi-liberté, fractionnement de peine...), même s'il s'est vu opposer un refus antérieur, et cette saisine suspend la possibilité pour le parquet de mettre la peine à exécution sauf en cas d'urgence (CPP, art. 723-17 nouveau). Il est alors statué sur la demande après débat contradictoire.
Afin de lutter « contre les sorties sèches » de prison et « dans la logique de mise en place d'un sas pour les fins de peine » (J.O.A.N. [C.R.] n° 115 du 28-11-03), la loi prévoit un accompagnement des condamnés en fin de peine. Ce dispositif est entré en vigueur le 10 mars 2004, date de publication de la loi, mais nécessite un décret d'application (CPP, art. 723-28 nouveau) et devrait être complété par une circulaire.
Il repose sur l'initiative du directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) au titre de sa mission d'identification pour chaque détenu des mesures propres à favoriser l'individualisation de sa situation pénale.
Relevons que ce texte renvoie à plusieurs reprises au rôle du président de la chambre de l'application des peines en matière d'appel. Or cette instance n'entrera en vigueur qu'au 1er janvier 2005. Jusque-là, ses attributions sont exercées par le président de la chambre des appels correctionnels. De même, la loi Perben II renvoie parfois aux dispositions des articles 712-4 (compétences du juge de l'application des peines), 712-6 (décisions prises après débat contradictoire) et 712-11 (modalités de l'appel devant la chambre de l'application des peines) du code de procédure pénale qui n'entreront, là encore, en application qu'au 1er janvier 2005. Ces références doivent être comprises comme un renvoi à l'actuel article 722 du code de procédure pénale jusqu'au 31 décembre 2004, explique la loi, sans que cela n'interfère sur le fond (art. 207, III de la loi).
La loi du 9 mars 2004 dispose que bénéficient de ce dispositif les condamnés détenus pour lesquels (CPP, art. 723-20 nouveau) :
il reste 3 mois d'emprisonnement à subir en exécution d'une ou de plusieurs peines d'emprisonnement comprises entre 6 mois inclus et 2 ans exclus ;
il reste 6 mois d'emprisonnement à subir en exécution d'une ou de plusieurs peines d'emprisonnement d'une durée supérieure ou égale à 2 ans mais inférieure à 5 ans.
Ainsi, dans la mesure où ils ne sont pas déjà sous le régime d'un aménagement de peine, toutes les catégories de condamnés sont susceptibles d'en bénéficier, y compris les mineurs.
La loi du 9 mars 2004 prévoit que ces publics bénéficient, « dans la mesure du possible », d'aménagement de peine. Une liste stricte est fixée par la loi. Il s'agit du régime de la semi-liberté, du placement extérieur ou du placement sous surveillance électronique (CPP, art. 723-20 nouveau). Est, par exemple, exclue la libération conditionnelle.
De même, ils peuvent bénéficier, dans ce cadre et à certaines conditions, d'une permission de sortir. La loi Perben II permet, en effet, au directeur du service d'insertion et de probation, pendant les 3 mois précédant la date à laquelle un condamné peut bénéficier d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique, de saisir le juge de l'application des peines d'une proposition de permission de sortir, selon les mêmes modalités que celles prévues en cas de proposition d'aménagement de peine (CPP, art. 723-27 nouveau).
La procédure renforce le rôle des services pénitentiaires d'insertion et de probation, ce qui a suscité leur inquiétude (7). Ces derniers y voient, en effet, un dessaisissement du judiciaire au profit de l'administration.
Tout d'abord, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation doit faire examiner, « en temps utile », par ses services le dossier de chaque condamné susceptible de bénéficier d'un aménagement de peine dans ce cadre, afin de déterminer la mesure la mieux adaptée à sa personnalité (CPP, art. 723-21 nouveau).
En introduisant cette idée de « temps utile », le législateur veut faire en sorte que soit dégagé un temps suffisant pour permettre la mise à exécution de l'aménagement de peine dès le premier jour du reliquat d'emprisonnement ou d'une permission de sortir pendant les 3 mois précédents.
A la suite de cet examen, le directeur saisit par requête le juge de l'application des peines d'une proposition d'aménagement, comportant éventuellement une ou plusieurs des obligations et interdictions susceptibles d'être prononcées en cas de sursis avec mise à l'épreuve (exercer une activité professionnelle, se soumettre à des mesures d'examen médical, ne pas détenir ou porter une arme...- en application de l'article 132-45 du code pénal).
Le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation ne peut renoncer à proposer une telle mesure d'aménagement au juge qu'en cas (CPP, art. 723-21 nouveau) :
de mauvaise conduite du condamné en détention ;
d'absence de projet sérieux de réinsertion ;
d'impossibilité matérielle de mettre en place une mesure d'aménagement ;
de refus par le condamné de bénéficier de la mesure qui lui est proposée. Ainsi le consentement du condamné à la mesure est nécessaire.
S'il ne saisit pas le juge de l'application des peines, il en informe le condamné.
Le juge d'application des peines dispose alors d'un délai de 3 semaines à compter de la réception de la requête pour décider, par ordonnance, d'homologuer ou de refuser d'homologuer la proposition ou encore de la modifier, après avis du procureur de la République. Pour ce faire, la proposition d'aménagement est immédiatement communiquée au procureur de la République, qui doit faire connaître son avis au plus tard le deuxième jour ouvrable suivant. A défaut, le juge de l'application des peines statue en l'absence de cet avis (CPP, art. 723-21 nouveau).
Si le juge de l'application des peines refuse d'homologuer la proposition, il doit rendre une ordonnance motivée.
Elle est susceptible de recours par le condamné et par le procureur de la République devant le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel (de la chambre des appels correctionnels jusqu'au 31 décembre 2004) dans les 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance (CPP, art. 732-22 nouveau).
S'il décide d'homologuer la proposition, son ordonnance peut faire l'objet d'un appel suspensif de la part du procureur de la République devant le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel (de la chambre des appels correctionnels jusqu'au 31 décembre 2004) dans les 24 heures à compter de la notification. Cet appel est considéré comme non avenu si l'affaire n'est pas examinée dans un délai de 3 semaines (CPP, art. 732-23 nouveau).
A noter que, dans ce cas, le condamné ne peut faire appel, ce qui est logique dans la mesure où il doit consentir à la mesure proposée.
La loi du 9 mars 2004 prévoit, par ailleurs, que le juge de l'application des peines peut substituer à la mesure d'aménagement proposée par le directeur du SPIP une autre mesure dans le cadre de celles fixées restrictivement par l'article 723-20 du code de procédure pénale (semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique) (CPP, art.723-25 nouveau). En revanche, il ne pourra en proposer d'autres en dehors de cette liste, telle une mesure de libération conditionnelle.
Il peut de même modifier les obligations et interdictions dont la liste est fixée à l'article 132-45 du code pénal relatif au sursis avec mise à l'épreuve, accompagnant éventuellement la pr