C'est avec un très large consensus que députés et sénateurs ont adopté définitivement, le 12 mai, la loi relative au divorce, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2005. Toutefois, une série de dispositions transitoires est prévue.
Dans ce cadre, le législateur modifie en profondeur les cas de divorce. Il maintient le divorce pour faute mais introduit des changements dans le divorce par consentement mutuel qui recouvre actuellement la procédure gracieuse du divorce « sur demande conjointe des époux » et la procédure contentieuse ( « le divorce demandé par un époux et accepté par l'autre » ). A l'avenir, ce cas de divorce sera scindé en deux distincts : la première hypothèse est maintenue sous cette même appellation de divorce par consentement mutuel, tandis que ce qui relève de la procédure contentieuse prend la dénomination de « divorce en cas d'acceptation du principe de rupture du mariage » ou « divorce accepté ». Enfin, la loi crée le divorce en cas d'altération définitive du lien conjugal qui correspond, en le réformant en profondeur, à l'actuel divorce pour rupture de la vie commune.
S'agissant du divorce par consentement mutuel, son principe n'est pas modifié : les époux doivent faire une demande conjointe et s'entendre tant sur le principe de la rupture que sur ses conséquences. Toutefois, la loi supprime l'interdiction de présenter une telle demande de divorce dans les six premiers mois du mariage. L'idée est de permettre d'orienter les époux qui découvrent rapidement leur mésentente vers ce cas de divorce plutôt que vers un divorce pour faute. En outre, la procédure est profondément rénovée. Si la présence d'un avocat est maintenue, le législateur supprime notamment le mécanisme de double comparution devant le juge.
Tout d'abord, en ce qui concerne le divorce accepté, la loi prévoit, pour pacifier la procédure, que les faits à l'origine de la rupture du mariage n'auront plus à être énoncés. Auparavant, il était nécessaire de faire état d'un ensemble de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune. En outre, l'acceptation du principe de la rupture du mariage ne sera plus susceptible de rétractation même par la voie de l'appel. Cette disposition met fin à une jurisprudence de la Cour de cassation qui permettait à l'époux de conserver la faculté de revenir sur sa décision tant que l'ordonnance n'était pas devenue définitive.
La loi institue, par ailleurs, le divorce pour altération définitive du lien conjugal. Il remplace l'actuel divorce pour rupture de la vie commune qui peut être demandé en cas de séparation de fait depuis six ans ou en cas d'altération des facultés mentales du conjoint durant cette même durée. La loi ouvre ainsi à un époux la possibilité de demander le divorce lorsque le lien conjugal est définitivement altéré, cette altération définitive résultant, explique la loi, « de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce ». Une dérogation est toutefois prévue à cette règle de séparation. Parallèlement, les dispositions spécifiques sur le divorce en raison de l'altération des facultés mentales du conjoint sont abrogées. Il ne constituera plus un cas de divorce autonome.
Par ailleurs, le choix a été fait de maintenir le divorce pour faute, la loi apportant peu de modifications à l'économie de ce cas qui conserve sa dénomination d'origine.
La loi revoit également la procédure applicable aux divorces contentieux, avec à l'esprit, la volonté d'instaurer un tronc commun procédural dans un souci de simplification et de pacification. Dans ce cadre, l'époux qui forme une demande en divorce présentera sa requête au juge « sans indiquer les motifs du divorce », ce qui rompt avec le droit actuel. Par ailleurs, la conciliation - qui portera tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences - devient une étape obligée de tous les divorces contentieux, y compris en cas de divorce accepté. Et ce n'est qu'après l'audience de non-conciliation que les époux auront à préciser le cas de divorce sur lequel ils introduisent l'instance ou fondent leur demande reconventionnelle (1). Par ailleurs, afin d'inciter les époux à entamer le règlement de leurs intérêts pécuniaires et patrimoniaux le plus en amont possible, la loi subordonne la recevabilité de la demande introductive d'instance à la présentation d'une proposition de règlement de ces intérêts.
Par ailleurs, la liste des mesures provisoires susceptibles d'être prononcées par le juge aux affaires familiales pour régler la vie du couple et des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement de divorce est devenu définitif est étendue. Ainsi, dans le souci de favoriser la recherche d'accords, même partiels, entre les époux, le magistrat peut proposer une mesure de médiation familiale et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder. Il pourra également leur enjoindre de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation familiale.
Par ailleurs, la loi modifie la date d'effet du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens et prévoit diverses dispositions sur les conséquences du divorce, essentiellement sous l'angle financier.
Enfin, le texte consacre désormais plusieurs dispositions aux passerelles existant entre les différents cas de divorce.
La loi apporte, par ailleurs, quelques modifications en ce qui concerne la procédure de divorce impliquant un majeur protégé. Elle prévoit, sans changement, que la demande en divorce formée au nom d'un majeur placé sous tutelle doit être présentée par son tuteur avec l'autorisation du conseil de famille et après avis du médecin traitant, et ajoute que cette autorisation peut également être donnée par le juge des tutelles pour couvrir l'hypothèse dans laquelle le conseil de famille n'est pas formé. Par ailleurs, afin d'assurer au maximum le respect de la volonté de l'intéressé, cette demande devra être formée, « dans la mesure du possible », après son audition, selon le cas, par le conseil de famille ou le juge.
Par ailleurs, sans changement, si l'un des époux se trouve placé sous le régime de la sauvegarde de justice, la demande en divorce ne peut être examinée qu'après organisation de la tutelle ou de la curatelle. La loi prévoit désormais que le juge peut toutefois prendre les mesures provisoires et les mesures urgentes, par exemple devant des violences conjugales.
La loi permet au juge aux affaires familiales, lorsque les violences exercées par un époux mettent en danger son conjoint ou un ou plusieurs enfants, de statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. La loi oriente sa décision en précisant que « sauf circonstances particulières », la jouissance du logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. En outre, le juge se prononcera, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Toutefois, les mesures prises seront caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée. Dans le même sens, la loi tend à faciliter l'expulsion des conjoints violents ordonnée par le juge aux affaires familiales en excluant l'application de certaines dispositions de la réglementation en matière d'expulsion. Sera, par exemple, écartée la mesure prévoyant un délai de deux mois suivant le commandement d'expulsion durant lequel cette dernière ne peut avoir lieu.
La loi ouvre de nouveau le chantier de la prestation compensatoire, déjà modifiée en 2000 et 2001 (2). Ainsi, la prestation compensatoire pourra être versée dans tous les cas de divorce, alors qu'elle est aujourd'hui exclue en cas de divorce pour rupture de la vie commune. En outre, conformément à l'objectif de pacification du divorce, l'octroi de cette prestation ne sera plus fonction de la répartition des torts et pourra être versée à un époux alors même que le divorce sera prononcée à ses torts exclusifs, un tempérament à ce principe étant toutefois prévu « si l'équité le commande » (3). Par ailleurs, la loi s'attache à favoriser le versement en capital de la prestation tout en assouplissant certaines règles. Elle prévoit la combinaison de l'allocation d'une rente viagère avec un capital, donnant raison à une jurisprudence très récente de la Cour de cassation (4). Enfin, toujours pour favoriser le versement de la prestation compensatoire en capital, la loi améliore son statut fiscal en prévoyant une réduction d'impôt.
Pour finir, relevons un cavalier législatif. Une disposition vise à assurer un meilleur accès d'un salarié licencié à la Cour de cassation en facilitant l'octroi de l'aide juridictionnelle. L'indemnité de licenciement ne sera pas prise en compte dans le calcul des ressources lorsque le pourvoi en cassation est susceptible d'entraîner l'annulation d'une décision ayant fixé une telle indemnité.
(1) Une demande reconventionnelle est une demande formée par le demandeur qui, non satisfait de présenter des moyens de défense, attaque à son tour et soumet au tribunal un chef de demande.
(2) Voir ASH n ° 2172 du 23-06-00 et n° 2242 du 21-12-01.
(3) Le système est donc inversé par rapport au régime actuel.
(4) Cass. civ. 1re, 16 mars 2004, arrêt n° 01-17-757, P+B.