Alors que les expulsions locatives ont repris depuis le 15 mars, fin de la trêve hivernale, le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, a annoncé le 13 mai le « gel » des procédures engagées pour non-paiement de loyers contre des locataires de bonne foi dans les HLM. Une mesure « d'urgence » arrêtée dans une circulaire (1) qu'il vient d'envoyer aux préfets mais qu'il souhaite intégrer au plan de cohésion sociale, attendu « avant l'été ».
Fruit de négociations entre le gouvernement et l'Union sociale pour l'habitat, la solution proposée par le ministre se veut une « bouée de sauvetage » destinée aux personnes pour qui l'expulsion reviendrait à leur « mettre la tête sous l'eau ». Elle consiste concrètement en la signature, pour chaque dossier, d'un « protocole d'accord » entre le locataire, l'organisme HLM et le préfet. Une convention reposant sur un principe simple : contre reprise immédiate du paiement du loyer, les contentieux sont suspendus et un plan d'apurement de la dette est mis en place, en adéquation avec les capacités financières du débiteur.
L'engagement de l'Etat de maintenir ou de rétablir le versement des aides personnelles au logement constitue la clé du dispositif. Alors que ces aides peuvent représenter jusqu'à 80 % du montant du loyer, elles étaient, jusqu'à présent, systématiquement supprimées après tout jugement pour non-paiement. En contrepartie de ce versement, l'occupant du logement s'engage à reprendre les paiements de son loyer courant. Mais aussi à accepter si nécessaire un accompagnement social et à participer loyalement à l'élaboration et à l'exécution du plan d'apurement de la dette.
Les préfets sont par ailleurs invités à se rapprocher du président du conseil général pour que le Fonds de solidarité logement (FSL) « puisse jouer son rôle pleinement, y compris en ajustant les modalités d'octroi des fonds ». Les contributions du FSL « peuvent aider le locataire au paiement de la charge nette de logement, participer à l'établissement du plan d'apurement et financer l'accompagnement social », explique la circulaire. Pour les ménages surendettés, les services déconcentrés de l'Etat doivent veiller « à ce que la commission de surendettement adapte le “reste à vivre” (2) afin d'intégrer le paiement du loyer résiduel et l'apurement de la dette ».
De son côté, l'organisme HLM s'engage à ne pas entamer de procédure d'expulsion ou à suspendre une procédure déjà lancée. Ce, tant que le débiteur respecte le protocole. Il se doit également de participer à la mise en place du plan d'apurement.
Le dispositif ne s'applique ni aux locataires faisant preuve d'une « mauvaise foi manifeste », ni à ceux qui « perturbent réellement par leur comportement la vie de leurs voisins ». Il ne concerne pas non plus ceux du secteur privé, ce que regrettent les associations (voir ce numéro). Les propriétaires sont toutefois « invités » par Jean-Louis Borloo à suivre cette voie. Des contrats types seront du reste envoyés « à l'Union des propriétaires » et « nous leur proposerons une aide technique », a-t-il promis. Le ministre a encore indiqué qu'il travaillait à la « sécurisation de la créance locative » et qu'une mesure allant en ce sens serait introduite dans le plan de cohésion sociale. L'idée serait de traiter les créances des propriétaires avant celles du fisc dans les cas de surendettement.
Selon Jean-Louis Borloo, « quelque 35 000 familles » seraient actuellement en procès avec leur organisme HLM.
(1) Un texte dans lequel le ministre, évoquant son souhait d'améliorer les dispositifs de prévention et notamment de chercher une « meilleure efficacité de l'enquête sociale », annonce la diffusion, « à l'automne prochain », d'une circulaire « accompagnée d'un outil pédagogique destiné plus particulièrement aux travailleurs sociaux » - Circulaire du 12 mai 2004, à paraître au B.O.
(2) Le « reste à vivre » est une somme minimale laissée à la disposition de la personne surendettée pour lui permettre de faire face aux charges de la vie courante. Il est en principe déterminé par rapport au barème de saisie des rémunérations et ne peut jamais être inférieur au montant du revenu minimum d'insertion pour une personne seule, quel que soit le nombre de personnes à charge (soit 417,88 € depuis le 1er janvier 2004, somme majorée de 50 % pour un ménage, soit 626,82 €).