Moins d'une semaine après la décision de Jean-Louis Borloo de rétablir dans leurs droits les chômeurs privés de leurs allocations depuis le 1er janvier 2004 (1), le Conseil d'Etat a, conformément aux recommandations du commissaire du gouvernement, annulé l'agrément de la convention d'assurance chômage du 1er juillet 2004, mais seulement à compter du 1er juillet 2004. Ce délai doit permettre au gouvernement de prendre un nouvel arrêté d'agrément, rétroactif au 1er janvier 2004, et d'expurger la convention Unedic de son article 10 qui concerne les chômeurs sortis du système d'indemnisation depuis le 1er janvier 2004. En attendant, les chômeurs ayant cotisé sous l'empire des règles fixées par cette convention retrouvent leurs droits à indemnisation. Ceux entrés dans le système d'indemnisation à partir du 1erjanvier 2003 ne sont pas concernés par cette décision. Et continueront par conséquent à percevoir leurs allocations pendant 23 mois au maximum, en vertu des nouvelles règles de la convention Unedic. Pour mémoire, La Haute Juridiction avait été saisie de plusieurs requêtes, présentées par des associations de défense des chômeurs qui contestaient la légalité des arrêtés du 5 février 2003 du ministre du Travail portant agrément, d'une part, d'avenants à la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 et, d'autre part, de la convention du 1er janvier 2004, de son règlement annexé, de ses annexes et accords d'application (2).
Le Conseil d'Etat a donné raison aux associations de défense de chômeurs qui soutenaient que ces arrêtés devaient être annulés parce que entachés de plusieurs illégalités. Il a ainsi constaté que la commission permanente, créée au sein du comité supérieur de l'emploi pour rendre, au nom de celui-ci, les avis sur les questions présentant un caractère d'urgence, n'était pas régulièrement composée lorsqu'elle a été consultée sur ces projets d'arrêté, « plusieurs des personnes [siégeant] lors des deux réunions de [cette] commission n'[ayant] pas été nommées au comité supérieur de l'emploi par le ministre chargé du travail », comme la loi le prévoit . La Haute Juridiction a également estimé que les gestionnaires du régime d'assurance chômage ne pouvaient déléguer à une commission paritaire nationale composée des représentants des seules organisations signataires de la convention d'assurance chômage le pouvoir de définir certaines des modalités d'application du régime d'indemnisation du chômage. Ce, alors que le code du travail impose expressément que celles-ci soient définies par la négociation collective à laquelle peuvent participer « l'ensemble des organisations syndicales les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs » . Enfin, les juges ont relevé que les partenaires conventionnels ont violé la loi en confiant aux Assedic le soin d'octroyer aux chômeurs une aide à la mobilité géographique alors qu'elle ressortit à la seule compétence de l'ANPE.
Opérant un revirement de jurisprudence, les hauts magistrats du Palais-Royal, soucieux d'éviter une « situation de vide juridique » susceptible de paralyser l'Unedic et estimant que la disparition rétroactive des actes agréés « entraînerait des conséquences manifestement excessives, eu égard aux intérêts en présence et aux inconvénients que présenterait une limitation dans le temps des effets de l'annulation [de l'agrément de la convention] » , admettent que l'annulation d'un acte administratif peut n'avoir d'effet que pour l'avenir, alors que - selon une jurisprudence constante - « [cette] annulation [...] implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu » (3). Pour le Conseil d'Etat, il s'agit de laisser au gouvernement le temps nécessaire « pour prendre les mesures propres à garantir la continuité du régime d'assurance chômage » . D'ailleurs, celui-ci n'a pas tardé à réagir. Dans un communiqué du 11 mai, Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher « se félicitent de la possibilité qui leur est donnée de lancer dès aujourd'hui le processus de réagrément de la convention Unedic du 1 er janvier 2004 ». Ils précisent d'ailleurs que « l'avis d'engagement de la procédure d'agrément permettant la convocation des membres du comité supérieur de l'emploi, appelé à se prononcer sur ce nouvel agrément, est envoyé immédiatement au Journal officiel, afin que la procédure aboutisse avant le 1 er juillet et qu'aucun vide juridique préjudiciable aux chômeurs indemnisés et aux cotisants au régime de l'Unedic ne soit créé » (4).
Les associations de chômeurs ont pu célébrer, le même jour que la décision du Conseil d'Etat, « une [autre] belle victoire ». En effet, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a condamné le 11 mai l'Assedic de Paris et l'Unedic à indemniser 23 chômeurs qui avaient perdu leur droit à l'assurance chômage en application de la nouvelle convention Unedic. Les juges ont en effet estimé que « s'il [incombait] aux partenaires sociaux de prendre les mesures appropriées afin de permettre un retour à l'équilibre financier du régime d'assurance chômage, ils ne pouvaient remettre en cause [...] les droits déjà ouverts de chacun des requérants quant à la durée de leur indemnisation [...] sans prévoir pour les intéressés un droit d'option entre le maintien de leurs droits tels qu'ils résultaient de la convention du 1er janvier 2001 et l'application des règles d'indemnisation résultant de la nouvelle convention ». Après le jugement du TGI de Marseille (5), celui de Paris est le deuxième à donner raison aux chômeurs privés d'allocation à la suite de leur basculement dans le nouveau système d'indemnisation, le 1erjanvier 2004.
A noter que si les deux tribunaux parviennent à la même conclusion, ils ne se fondent toutefois pas sur le même argumentaire. Ainsi, alors que le jugement de Marseille a retenu que l'Assedic avait rompu unilatéralement le plan d'aide de retour à l'emploi (PARE), qu'il considère comme un contrat, en cessant de l'exécuter aux conditions initialement conclues, celui de Paris insiste sur l'idée que les chômeurs ont des droits acquis. Précisons d'ailleurs que ce même TGI avait expressément jugé le 2 juillet 2002 que le PARE n'était pas un contrat (6).
(1) Voir ASH n° 2358 du 7-05-04.
(2) Voir ASH n° 2201 du 9-02-01.
(3) Précisons que, depuis un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes de 1976 (Mlle Defrennes c/Sabena), les juges européens modulent l'application dans le temps de leurs décisions quand « d'impérieux motifs de sécurité juridique » le justifient.
(4) Cet avis est paru au J.O. du 12-05-04.
(5) Voir ASH n° 2356 du 23-04-04.
(6) Voir ASH n° 2270 du 5-07-02.