Les journées de l'autisme - les 15 et 16 mai 2004 - seront certainement l'occasion pour les associations de célébrer une petite victoire sur le gouvernement français. Le comité des ministres du Conseil de l'Europe a, en effet, adopté, dans une résolution du 10 mars 2004, une décision du comité européen des droits sociaux de novembre 2003. Ce dernier a considéré que la France ne respectait pas ses obligations éducatives vis-à-vis des personnes autistes au regard de la charte sociale européenne.
Pour mémoire, une procédure de réclamation collective permet à certaines organisations habilitées de saisir le comité européen des droits sociaux de recours alléguant la violation de la charte. Cette instance prononce ensuite une décision sur son bien-fondé et la transmet au comité des ministres du Conseil de l'Europe dans un rapport. Ce dernier peut alors décider de l'adopter dans une résolution.
Tout commence en juillet 2002. Autisme-Europe, qui fédère des associations de parents de personnes autistes d'une dizaine de pays européens, en accord avec les associations françaises (Autisme France, Unapei, Sésame Autisme et Pro Aid Autisme...), demande au comité européen des droits sociaux de déclarer que la France ne remplit pas de manière satisfaisante les obligations qui lui incombent au regard des articles 15§1 et 17§1 de la partie II et de l'article E de la partie V de la charte sociale européenne. En cause, le fait que « les enfants et adultes autistes n'exercent pas et ne peuvent pas exercer de manière effective, adéquate et en nombre suffisant leur droit à être éduqués en milieu ordinaire ou à trouver des formules de placement bénéficiant d'un soutien adéquat dans des institutions spécialisées qui offrent des possibilités éducatives et des services connexes » et le non-respect du principe de non-discrimination. Autrement dit, il ne s'agissait pas de savoir si la France respectait la charte du point de vue des textes juridiques mais de vérifier si la pratique suivie en France lui était conforme.
Le comité européen des droits sociaux répond par la négative. En préalable, il rappelle que, pour l'application de la charte, l'obligation incombant aux Etats parties est de prendre non seulement des initiatives juridiques mais encore des initiatives concrètes propres à permettre le plein exercice des droits reconnus par la charte. En outre, « lorsque la réalisation de l'un des droits en question est exceptionnellement complexe et particulièrement onéreuse, l'Etat partie doit s'efforcer d'atteindre les objectifs de la charte à une échéance raisonnable, au prix de progrès mesurables, en utilisant au mieux les ressources qu'il peut mobiliser », souligne le comité. Enfin, les Etats parties doivent être particulièrement attentifs à l'impact des choix opérés sur les groupes dont la vulnérabilité est la plus grande et sur leurs familles.
Or, à la lumière de ces principes, le comité européen observe que, s'agissant des enfants et adultes autistes, la France n'a pas, « en dépit d'un débat national vieux de plus de 20 ans sur l'importance du groupe concerné et les stratégies pertinentes de prise en charge, marqué des avancées suffisantes, même après la promulgation de la loi du 30 juin 1975 d'orientation des personnes handicapées, dans la prise en charge de l'éducation des personnes autistes ». Il juge également que la définition de l'autisme retenue par la plupart des documents officiels français est toujours restrictive par rapport à celle de l'Organisation mondiale de la santé, et que nombre de statistiques nécessaires à l'évaluation rationnelle des progrès réalisés au fil du temps fait toujours défaut. Enfin, il considère comme établi que la proportion d'enfants autistes scolarisée dans les établissements de droit commun ou spécialisés demeure « extrêmement faible et significativement inférieure à la proportion constatée pour les autres enfants, handicapés ou non » et qu'il existe « une insuffisance chronique de structures d'accueil ou d'appui pour autistes adultes ».
C'est cette décision qui est avalisée par le comité des ministres, celui-ci ayant néanmoins pris « note de la déclaration du gouvernement » indiquant qu'il s'engageait « à mettre la situation en conformité avec la charte révisée » et à prendre des mesures en ce sens. Il demande également « que la France fasse état, lors de la présentation du prochain rapport relatif aux dispositions pertinentes de la charte sociale européenne révisée, d'une amélioration de la situation ».