Chaque année, 1 100 000 adultes et 432 000 enfants et adolescents sont soignés en psychiatrie. Les troubles psychiatriques comptent, avec les cancers et les maladies cardio-vasculaires, parmi les préoccupations essentielles de la santé publique. Mais l'opinion en est beaucoup moins informée. Pourtant, la prévention, la détection précoce et la prise en charge rapide y sont aussi importantes que dans les autres pathologies. Autant de constats qui amènent à souhaiter une campagne de sensibilisation du grand public, avec une mention particulière pour les risques qu'entraîne la consommation abusive d'alcool, thème « peu représenté » dans les campagnes de santé publique. C'est en tout cas l'une des propositions formulées, le 11 mai, « pour une meilleure prise en charge des patients en psychiatrie » par la Fédération hospitalière de France (FHF), l'Association des établissements gérant des secteurs de santé mentale (ADESM) et la Conférence des présidents de commission médicale des centres hospitaliers spécialisés (1).
Dans le cadre d'une « politique de santé mentale qui a fait ses preuves », ces trois organisations représentatives du secteur public revendiquent aussi des améliorations du dispositif de soins. A côté des réponses hospitalières et ambulatoires, il faut « développer le maillon manquant » d'une offre de moyen séjour et de soins de suite et de réadaptation, indique Yvan Halimi, président de la Conférence des présidents de commission médicale. Il faut également renforcer les services de pédopsychiatrie, où l'on donne parfois des rendez-vous dans un délai de deux mois pour des cas qui devraient être traités comme des urgences. Sur ce plan, les trois organisations pointent plus particulièrement le déficit en structures médico-sociales capables d'accueillir les adolescents « les plus démunis et les plus handicapés psychiquement » comme les autistes ou les psychotiques, trop souvent « laissés à leur famille ». Elles évoquent aussi les dysfonctionnement des commissions départementales de l'éducation spéciale « qui ne se préoccupent pas suffisamment de proposer des réponses adaptées » aux enfants pris en charge en psychiatrie.
En matière de coordination des structures, les trois organisations s'opposent à la « fausse bonne idée » de créer un centre médico-psychologique ressources territorial, avancée par le récent rapport Cléry-Melin (2). Cette « nouvelle strate institutionnelle [...], trop pyramidale et bureaucratique », serait source de confusion. Pour elles, le secteur « doit rester l'échelon opérationnel de réponse » aux besoins des usagers.
L'articulation avec les interventions médico-sociales- notamment pour la prise en charge des 600 000 personnes souffrant d'un handicap psychique - les inquiète beaucoup. Le « véritable délestage qualitatif et financier » de la prise en charge du handicap, de l'Etat vers les départements, préconisé par le récent rapport Briet-Jamet (3), avec un transfert d'enveloppes « figées » à leur niveau actuel, conduit à « conditionner l'amélioration des équipements aux possibilités financières de chaque conseil général », estiment-elles. Avec tous les risques d'aggravation des inégalités territoriales qui peuvent en découler. La fixation de l'objectif des dépenses médico-sociales doit rester du ressort de la loi de financement de la sécurité sociale, préconise Bernard Raynal, président de l'ADESM. Quant à la politique départementale du handicap, elle doit relever d'un groupement d'intérêt public rassemblant toutes les parties concernées : outre le conseil général « chef de file », l'Etat, l'assurance maladie, les organisations d'usagers et les fédérations professionnelles, « à l'instar du schéma retenu pour les agences régionales de l'hospitalisation ».
Deux questions relèvent d'un traitement urgent :celle du régime des soins sous contrainte, aujourd'hui « en crise ». Son « insécurité juridique » risque de mettre en cause la responsabilité pénale des directeurs d'établissements, alerte Bernard Raynal. Quant à la communication du dossier médical aux patients, instituée par la loi du 4 mars 2002 (4), elle réclame des adaptations propres à la psychiatrie, qui devraient être le fruit d'une élaboration commune aux pouvoirs publics, aux professionnels et aux représentants des usagers.
Reste le problème des moyens. Les trois organisations soutiennent l'idée d'un numerus clausus à l'installation des psychiatres en ville comme à leur affectation en établissement. Au plan financier, elles proposent un système mixte de tarification combinant enveloppe globale pour le service de proximité, enveloppe régionale selon la population desservie et barème à l'activité. Dans l'immédiat, il faut faire la lumière sur les financements consacrés à la discipline (évalués à 114 € par habitant en 1999), insiste Gérard Vincent, délégué général de la FHF. Une fois isolés, ils devraient être « sanctuarisés » pour « éviter un détournement vers d'autres secteurs plus visibles médiatiquement », les troubles psychiques n'étant « jamais prioritaires ». Malgré l'importance de leur traitement en termes de service public de santé et de « cohésion sociale ».
(1) Contact : FHF : 33, avenue d'Italie - 75013 Paris - Tél. 01 44 06 84 44.
(2) Voir ASH n° 2328 du 10-10-03.
(3) Voir ASH n° 2356 du 23-04-04.
(4) Voir ASH n° 2262-2263 du 17-05-02.