La délinquance des mineurs, l'immigration clandestine et les drogues sont les trois « grands problèmes » auxquels le nouveau ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, entend s'attaquer en priorité. C'est en tout cas ce qu'il a affirmé le 22 avril devant les préfets, qu'il réunissait pour la première fois depuis sa prise de fonction. Il a également évoqué l'action qu'il désire conduire dans les 23 quartiers désignés par son prédécesseur comme étant les plus « criminogènes » (1).
Le ministre de l'Intérieur souhaite « rompre l'escalade de la délinquance des mineurs ». Et compte, pour ce faire, coopérer avec l'ensemble des acteurs concernés et, en particulier, avec ses collègues du gouvernement. Un projet de protocole entre la Place Beauvau et le ministère de l'Education nationale est ainsi en cours de préparation « afin d'améliorer la sécurité à l'intérieur et aux abords des établissements scolaires » (2). A cet égard, « les recteurs ont été invités à désigner une cinquantaine d'établissements jugés prioritaires pour que soit menée, en concertation avec les chefs d'établissements, une action des forces de police et de gendarmerie contre le racket ». Désireux également de travailler avec le garde des Sceaux, le ministre de l'Intérieur a posé un objectif commun- « élargir la palette des solutions pour les magistrats en charge de la jeunesse » - et un principe : « toute dégradation doit pouvoir faire l'objet d'une réparation ». Il veut, dans cet esprit, « réfléchir aux moyens de faire davantage appel, y compris pour les mineurs, aux travaux d'intérêt général » (3).
Evoquant brièvement la loi sur la prévention de la délinquance, qu'il « prépare en liaison avec d'autres ministères » et souhaite « mener à bien dans des délais rapides », Dominique de Villepin a, par ailleurs, invité les préfets à formuler, sans attendre, des propositions. « Vous avez un devoir d'imagination pour lever les blocages et ouvrir de nouvelles pistes », a-t-il déclaré, donnant comme exemple « l'installation, avec l'aide des collectivités locales, de travailleurs sociaux dans les services de police et de gendarmerie, pour assister les victimes ». Il a aussi demandé à ce que les sous-préfets chargés de la politique de la ville ou les personnes responsables des questions de prévention au sein des préfectures « s'efforcent d'évaluer plus précisément les outils existants afin de ne reconduire le financement que pour les actions ayant obtenu des résultats dans le domaine de l'intégration et de la lutte contre la délinquance ».
Résolu à ne pas marcher sur les pas de son prédécesseur quant à la question de la sanction des récidivistes, le ministre a encore précisé qu'il travaillait, avec Dominique Perben, avec l'idée d'aboutir à un « dispositif gradué » des peines excluant toute forme d'automaticité de la sanction (4).
A l'inverse, s'il est un domaine où Dominique de Villepin compte s'inscrire dans la continuité de la politique menée par Nicolas Sarkozy, c'est bien la lutte contre l'immigration clandestine. Espérant une sortie rapide des décrets et circulaires d'application de la loi du 26 novembre 2003 (5), il a ainsi rappelé l'objectif de doublement du nombre de mesures d'éloignement en 2004 par rapport à l'année précédente. L'ancien diplomate n'a pas oublié d'avoir un mot à l'égard des associations, invitant les préfets à poursuivre avec celles qui interviennent dans ce domaine « un dialogue constant et ouvert ». Et ce notamment « en ce qui concerne le fonctionnement des centres de rétention et les demandes de régularisation présentées pour des motifs humanitaires et sérieux ». « Notre politique doit être équilibrée et nous devons apporter des solutions aux cas les plus difficiles humainement », a-t-il ajouté.
Autre chantier prioritaire : la lutte contre la drogue. Le ministre compte notamment ouvrir une concertation étroite avec l'ensemble des partenaires concernés - la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, les parlementaires, les élus et les associations de terrain - afin, dit-il, « d'aboutir à la définition de règles claires disant ce qui est permis et ce qui ne l'est pas ». Rappelons que le nouveau pensionnaire de la Place Beauvau avait, dès son arrivée, indiqué que son ministère prendrait « toute sa part dans la définition d'une nouvelle politique de lutte contre la toxicomanie » (6) et serait donc au premier rang pour conduire la réforme annoncée de la loi du 31 décembre 1970.
Dominique de Villepin souhaite la création d'une cartographie des 23 quartiers désignés en janvier dernier comme étant les plus « criminogènes », présentant la diversité des actions conduites sur ces sites. L'idée étant d'aboutir à une sorte de « guide des bonnes pratiques » . A partir des résultats enregistrés dans ces « zones test », une liste plus large de quartiers sensibles sera établie « pour étendre cette expérience en 2005 », a ajouté le ministre. Rappelant les principes de la politique conduite dans ces 23 secteurs, il a réaffirmé que « l'objectif n'est pas de stigmatiser les collectivités locales ni les habitants mais de permettre le retour de l'autorité de l'Etat et l'application de la loi en s'attaquant, de manière systématique et durable, aux points d'ancrage de la délinquance : violences urbaines, trafics de drogue[...], filières d'immigration clandestine ». Il a également insisté sur la nécessité d'y renforcer l'action préventive et souligné qu'il y travaillera en partenariat avec son homologue de la Cohésion sociale. « Je me rendrai dans quelques semaines, avec Jean-Louis Borloo, dans un de ces quartiers afin de pouvoir définir sur le terrain les priorités et les objectifs de notre action commune », a-t-il annoncé.
(1) Quartiers faisant l'objet d'une action ciblée depuis janvier dernier - Voir ASH n° 2344 du 30-01-04.
(2) Voir ASH n° 2352 du 26-03-04.
(3) Rappelons que la loi Perben II contient déjà des dispositions destinées à « relancer » le travail d'intérêt général - Voir ASH n° 2347 du 20-02-04.
(4) Revenant ainsi sur l'une des idées phares de Nicolas Sarkozy, très critiquée par les professionnels de la justice ainsi que par le garde des Sceaux lui-même - Voir ASH n° 2342 du 16-01-04.
(5) Voir ASH n° 2336 du 5-12-03 et n° 2338 du 19-12-03.
(6) Voir ASH n° 2354 du 9-04-04.