« Les propos de Jean-Marie Petitclerc me paraissent malheureusement donner corps à un certain nombre de conceptions que je trouve dommageables du point de vue de la relation éducative avec les enfants et les familles de milieu populaire.
« Certes, Jean-Marie Petitclerc entend défendre l'importance du travail éducatif et de la présence des adultes et de leur responsabilité, mais au passage, il partage, malheureusement selon moi, les “constats” et les thèses habituelles concernant les problèmes psychosociaux des jeunes d'aujourd'hui :la perte de l'autorité, des repères... Et pourtant, il n'y a qu'à se reporter par exemple au travail d'analyse et de compréhension fine des phénomènes sociaux du groupe Claris (4) pour comprendre ce que la montée des incivilités doit à la violence économique et sociale et à la pénalisation de la jeunesse et des pauvres en général.
« Mais ce qui me paraît plus inquiétant encore, c'est cette constance à affirmer que les jeunes des quartiers échapperaient finalement trop longtemps aux sanctions et à la répression ordinaire.
« Or il me semble que nous sommes là en plein contresens. Pour tous ceux qui connaissent les modes de fonctionnement ordinaires des écoles, des centres de loisirs, et de tous les lieux sportifs ou culturels non innovants qui “accueillent” ordinairement les enfants issus des milieux les plus fragiles, la tendance à la pénalisation est patente ! Une énergie énorme est utilisée, voire gaspillée, à vouloir constamment définir, redéfinir encore et toujours des règles, des mises à l'écart, des permis à points et que sais-je encore ?
« Sous couvert de responsabilisation et d'autonomisation (ces deux mots ont bon dos), on légitime des parcours insupportables de mise à l'index, de rappel à l'ordre perpétuel pour de nombreux enfants. A qui fera-t-on encore croire que plus de stigmatisation, de dénonciation, de sanction répondront aux vrais problèmes ?
« Ce qui est juste, en revanche - et je rejoins ici les idées de Jean-Marie Petitclerc -, c'est l'urgence de construire, avec les acteurs, les enfants, les parents, un véritable milieu éducatif et de permettre, notamment, un réel suivi des enfants dans la durée, avec nombre d'adultes référents. C'est en effet là que réside le cœur du problème :avant toute répression, c'est le lien qu'il faut construire ; or, aujourd'hui, des parents de plus en plus seuls, de plus en plus privés de liens pour eux-mêmes, sont dans l'impossibilité d'y parvenir seuls.
« Mais comment peut-on croire que ces “référents éducatifs” pluriels (il devrait s'agir a minima de parents et de professionnels travaillant ensemble) pourraient, en plus de cette mission, être “juges” et “policiers” ?Comment croire qu'ils auraient quelque chose à gagner en revendiquant le pouvoir de punir ?
« C'est oublier que la véritable autorité ne découle pas de la peur de la sanction, mais de la capacité à donner des éducateurs. C'est oublier que la véritable autorité consiste d'abord à reconnaître l'autorité des enfants et des adultes sur leur propre vie et sur leur environnement. Pour cela, il faut renoncer au fantasme du pouvoir et de la punition. »
(1) Voir ASH n° 2353 du 2-04-04.
(2) Intermèdes : Logement 117 - Bât. C2 - La Villa Saint- Martin - 28, rue des Marguerites - 91160 Longjumeau - Tél. 06 03 01 15 43 - http://fondation. intermedes. free. fr.
(3) Editions érès, 2004 - Voir ASH n° 2348 du 27-02-04.
(4) Groupe notamment composé de chercheurs, principalement de sociologues, qui se propose de « clarifier le débat public sur la sécurité ». Laurent Ott en fait partie - Site :