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« Les outils existent pour améliorer la prévention des expulsions »

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Pour Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé- Pierre (1), les arrêtés anti-expulsions que viennent de prendre une dizaine de maires (2), deux ayant déjà été invalidés par la justice, ne sont pas les meilleurs moyens de lutter contre le fléau.
Pourquoi cette réserve sur les arrêtés anti-expulsions ?

Je trouve tout d'abord extrêmement positif que les maires se manifestent pour dire que l'on a atteint le seuil de l'intolérable. Mais les modalités de leur action conduisent à faire croire à des familles fragiles qu'elles pourront échapper à une décision de justice. Or eux-mêmes savent qu'ils n'ont aucun pouvoir en la matière. Les dernières statistiques de l'INSEE font état de 285 000 familles en retard de deux mois de loyer et d'un million et demi qui ont du mal à payer. Leur donner l'illusion qu'on peut leur enlever le poids du risque et de vivre artificiellement en cumulant les dettes est dangereux. Elles ont, au contraire, besoin d'être soutenues et cadrées pour éviter de basculer dans la spirale de l'endettement. Par ailleurs, il existe une part d'hypocrisie : certains de ces maires président des offices HLM qui demandent eux-mêmes l'expulsion de leurs locataires. Ces arrêtés constituent une sorte d'appel officiel des communes pour dire qu'elles prennent le problème en charge, alors qu'elles ont d'autres moyens efficaces de le faire.

Lesquels ?

Les maires ont un rôle à jouer dans le logement social de leur ville. Ils peuvent également contribuer au Fonds de solidarité pour le logement, financièrement, socialement ou en mettant du personnel à disposition dans les centres communaux d'action sociale. La plupart sont conseillers généraux ou en sont proches. Ils peuvent donc intervenir dans les plans départementaux pour le logement des personnes défavorisées, dans les chartes de prévention des expulsions, dans l'application de la loi contre les exclusions et de la circulaire de février 1999 sur la prévention des expulsions. Les outils existent pour améliorer de façon notable la prévention, certains départements le prouvent. Si les trois quarts ont rédigé une charte, une dizaine seulement est réellement dynamique. La prévention des expulsions est un domaine partagé entre l'Etat, la Justice, les conseils généraux et les communes. Elle peut progresser, tout en garantissant la sécurité financière des propriétaires, à condition que l'ensemble de ces acteurs s'engage.

Les travailleurs sociaux sont-ils suffisamment sollicités ?

Le problème est lié à la fragilisation des ressources et des statuts salariaux. Il faut proposer aux familles, le plus tôt possible,  un accompagnement pour les aider sans les leurrer, une protection dynamique à laquelle ils participent. En outre, une enquête sociale a été réalisée dans moins de la moitié des cas au moment de la résiliation du bail. C'est encore un autre sujet sur lequel les maires peuvent intervenir. On sait aussi que les juges actent de la bonne foi des personnes si elles se déplacent au tribunal. Or seulement la moitié le fait, à cause d'un sentiment de culpabilité et d'impuissance. Sachant que les assignations sont de plus en plus déposées dans les mairies, et non plus au domicile des personnes, on pourrait imaginer que les municipalités organisent un travail d'explication et d'accompagnement autour de cette convocation.

Comment analysez-vous l'augmentation du nombre des expulsions ?

Les chiffres de 2002 sont en hausse (83 000 décisions, soit + 4 %), particulièrement pour les expulsions avec le concours de la force publique, qui ont augmenté de 20 %. En effet, l'Etat, qui doit dédommager les propriétaires qui n'ont pas obtenu l'expulsion, a déboursé plus de 58 millions d'euros ces dernières années et a donné des consignes claires aux préfets pour limiter, voire réduire, ces dépenses. La hausse des expulsions est due à la fragilisation des ressources, mais aussi à la hausse du prix des loyers et à la crise du logement. On constate ainsi que la montée des expulsions correspond aux zones de tension du marché locatif. Quand un propriétaire expulse, il peut remettre son logement sur le marché à un prix plus élevé, et trouver un locataire plus solvable. Propos recueillis par Maryannick Le Bris

Notes

(1)  Fondation Abbé-Pierre : 3/5, rue de Romainville - 75019 Paris - Tél. 01 55 56 37 00 .

(2)  Voir ASH n° 2351 du 19-03-04.

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