En tête des juridictions amenées à se prononcer sur la question des chômeurs sortis du système d'indemnisation de l'assurance chômage au 1er janvier 2004 (1), le tribunal de grande instance (TGI) de Marseille, saisi par 37 d'entre eux, a condamné l'Assedic Alpes-Provence et l'Unedic à maintenir le paiement de leur indemnisation telle que fixée à la date à laquelle ils ont signé le plan d'aide au retour à l'emploi (PARE), avec rappel de l'arriéré depuis le 1er janvier 2004, le tout sous astreinte de 500 € par jour de retard. Pour mémoire, la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004 a revu à la baisse les durées d'indemnisation des allocataires dont la fin du contrat de travail était antérieure au 1re janvier 2003, provoquant dès janvier dernier la sortie anticipée du système de près de 265 000 demandeurs d'emploi (2).
Pour ces chômeurs prématurément privés de leurs droits, le « PARE est un contrat synallagmatique [qui comporte obligation réciproque entre les parties] de droit privé ». Et partant, il doit être exécuté, comme tout contrat, aux conditions initialement conclues. Argumentation retenue par le TGI de Marseille, qui a considéré que ce document « s'inscrit dans une logique d'individualisation des rapports entre l'Assedic et les chômeurs ». Et a estimé qu'il comporte, « outre un simple rappel d'obligations légales et réglementaires, un double engagement réciproque : celui pour le demandeur d'emploi de respecter les engagements pris dans le cadre du projet d'action personnalisé signé avec l'ANPE, qui spécifie pour chacun les mesures d'accompagnement individualisé en termes de formation, obligation dont le non-respect est sanctionné par un retrait de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. En contrepartie du respect de cet engagement, se trouve l'obligation pour l'Assedic de verser cette indemnité. » Pour les juges, « l'interdépendance de ces deux obligations réciproques souscrites par deux personnes de droit privé caractérise la formation d'un contrat synallagmatique, chacun des engagements étant la cause de l'autre ». Ainsi, conclut le tribunal, « la notification par l'Assedic à chacun des allocataires de l'assurance chômage du montant et de la durée de ses droits précise l'étendue de son obligation, et celle-ci se trouve donc tenue de payer les indemnités ainsi définies, dans la mesure où l'allocataire a respecté ses obligations ». L'Unedic et l'Assedic ont fait appel de ce jugement qui, s'il n'est pas définitif, est d'exécution immédiate.
Salué comme une « énorme victoire » par les associations de chômeurs (voir ce numéro), ce jugement, s'il était confirmé, aggraverait encore le déficit de l'Unedic, évalué à 7 milliards d'euros. Une réunion exceptionnelle du bureau de l'Unedic devrait d'ailleurs se tenir en début de semaine prochaine pour examiner les retombées de ce premier jugement et les mesures à prendre. Certains syndicats estiment d'ores et déjà inévitable de renégocier la convention d'assurance chômage. Mais la voie n'est pas aisée : il sera en effet difficile de concilier les contraintes budgétaires, l'intérêt des chômeurs et le refus du Medef d'augmenter les cotisations. Les gestionnaires du régime d'assurance chômage attendent encore, pour les prochaines semaines, les décisions sur le fond de nombreux autres tribunaux, à commencer par celle du TGI de Paris (3) le 11 mai.
D'ici là, la décision du Conseil d'Etat, saisi en 2003 par les associations de chômeurs (4), pourrait être connue (5). La Haute Juridiction administrative doit se prononcer sur la validité de l'agrément de la convention d'assurance, qui serait entaché d'un vice de procédure. Si jamais elle annule l'agrément, le régime d'assurance chômage se retrouverait sans base juridique. Deux solutions sont alors possibles. Soit le ministère de l'Emploi agrée de nouveau la convention Unedic en prenant soin de pallier préalablement le vice de forme, ce qui semble peu probable. Soit les partenaires sociaux négocient une nouvelle convention. Mais même dans ce second cas, l'intervention éventuelle du gouvernement n'est pas totalement écartée : dans l'attente du résultat des négociations, qui s'annoncent laborieuses, il pourrait être obligé de fixer par décret un règlement minimal d'assurance chômage (niveau de cotisations, niveau des prestations...).
(1) Voir ASH n° 2347 du 20-02-04.
(2) Voir ASH n° 2350 du 12-03-04.
(3) Lequel, dans un jugement du 2 juillet 2002, avait estimé que le PARE ne pouvait être considéré comme « une contractualisation des rapports entre l'allocataire et l'Assedic et l'ANPE » - Voir ASH n° 2270 du 15-07-02.
(4) Voir ASH n° 2331 du 30-10-03.
(5) La date du 7 mai est avancée.