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Se former au management dans le cadre d'une mission de service public

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A Marseille, le mastère spécialisé en management de structures d'action sociale cherche à marier la culture de l'intervention sociale et celle du management. Objectif : former les dirigeants des établissements et services publics et associatifs à gérer la complexité.

Alors que le contexte de l'intervention sociale témoigne d'une complexité croissante, quelle stratégie, quelles références, quels outils mettre en œuvre pour les dirigeants du secteur social et médico-social ? Depuis 1993, le mastère spécialisé en management de structures d'action sociale (MSAS) tente d'apporter une réponse. Il s'est ainsi fixé comme objectif d'accompagner les cadres dirigeants du secteur social et médico-social dans l'élaboration, le pilotage, l'évaluation de projets, qui doivent prendre en compte des financements multiples et un environnement partenarial élargi. « L'ensemble du parcours de formation a été pensé de telle sorte que les méthodologies manageriales issues du secteur lucratif puissent se métisser à la culture et aux exigences du secteur public et associatif sans but lucratif », explique François Sentis, directeur général de l'Institut régional du travail social  (IRTS) Provence-Alpes-Côte- d'Azur et Corse. De quoi bousculer les pratiques dans un secteur où la culture du management est encore peu présente. La formation est d'ailleurs le fruit d'un partenariat audacieux entre l'IRTS, l'Ecole nationale de la santé publique (ENSP) et... Euromed Marseille Ecole de management (ex-Ecole supérieure de commerce Marseille-Provence)   (1).

Le métissage n'était pas gagné d'avance : d'abord conçu comme une boîte à outils très sophistiquée, le mastère spécialisé en management de structures d'action sociale s'est progressivement détaché de la technique pour s'ouvrir à une approche plus globale prenant en compte l'ouverture du management à la complexité et à l'éthique. « Il n'y a pas d'outils de management réservés aux entreprises et d'autres aux associations. En revanche, il existe un état d'esprit et une façon d'utiliser ces outils », remarque Corinne Grenier, coordinatrice scientifique du pôle Santé/Social à Euromed Marseille.

Pour les stagiaires qui suivent cette formation continue (une semaine par mois pendant deux ans), l'alliance est salutaire. Elle permet d'apprendre au quotidien à conjuguer l'hétérogénéité, à gérer les tensions entre l'utopie politique des conseils d'administration et la réalité pratique des politiques publiques et des ressources humaines. « Il ne s'agit pas de les former à adopter un consensus mou mais de les aider à prendre en compte les enjeux et les contradictions qu'ils rencontrent, rappelle Michèle Dorival, responsable du centre d'activité encadrement de l'IRTS. Le mastère leur permet de devenir de véritables entrepreneurs du social ayant une gestion rigoureuse, mais au service d'une éthique et d'une mission de service public. » Une approche décloisonnée dont témoigne la thèse professionnelle qui conclut la formation.

A l'instar de celle de Marc Vigouroux. Ce directeur d'une association de parents de personnes handicapées, Chrysalide Marseille, qui gère 28 structures, s'est appuyé sur le mastère pour mettre en place une démarche qualité, d'abord dans des lieux d'hébergement (maison d'accueil spécialisée et foyer de vie), puis dans des centres d'aide par le travail avec un objectif de certification. Il a également réfléchi, dans le cadre de sa politique des ressources humaines, à une formation consacrée à l'entretien annuel d'évaluation pour les évalués et les évaluateurs. « Nous nous situons du côté de la complexité, note François Sentis. Ce qui nous permet d'être dans la créativité plutôt que dans la reproduction. »

De l'imagination, il en faut justement quand on sait qu'une grande partie des directeurs d'établissements va partir à la retraite d'ici à une dizaine d'années. Pour anticiper la pénurie qui se profile, les responsables du mastère comptent bien augmenter le nombre de stagiaires par promotion - actuellement une quinzaine - en communiquant davantage. Reconnu par la Conférence des grandes écoles depuis ses débuts, et largement soutenu par l'Ecole nationale de la santé publique  (la formation figure sur le document de présentation des formations de directeurs comme approfondissement post-Cafdes), le mastère commence à être connu et reconnu- même si certaines institutions hésitent encore à le financer. Il peut se prévaloir d'un taux de placement proche de 100 % pour ceux qui recherchent un emploi. Et, signe qui ne trompe pas, les nouveaux diplômés commencent à être sollicités par les cabinets de recrutement spécialisés. Un bémol pourtant : le type de postes visé par le MSAS correspond surtout à des missions de direction générale au sein d'entités « siège » qui ne se multiplient guère.

Cette perspective explique néanmoins l'accent mis sur la prospective et la stratégie plutôt que sur la gestion technique. « Ce qui nous intéresse, c'est la façon dont un directeur général va conduire sa politique institutionnelle ; c'est sa capacité à négocier, à capitaliser l'expérience, et l'intelligence à tenir jusqu'au bout les missions sur lesquelles il est mandaté, souligne François Sentis. Il ne s'agit pas de mettre en place de la communication et une démarche qualité de surface, mais d'aller vers une véritable plus-value en termes de bien-être et d'accompagnement social. »

Redonner du sens au métier

De fait, alors même que l'élargissement de la responsabilité civile et pénale des directeurs d'établissements inquiète les acteurs du secteur social et médico- social, ce ne sont ni la gestion des risques, ni la sécurité qui sont au cœur des attentes des stagiaires. En effet, la plupart ont une longue expérience de la gestion d'équipement derrière eux et se sont déjà formés à ces questions dans des modules courts de formation. S'ils aspirent, grâce au mastère, à mieux s'approprier les nouvelles lois - telle la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale -, ils souhaitent avant tout redonner du sens à leur métier.

Autrement dit, « rattacher les acquisitions de connaissances à une vision globale du secteur », comme l'explique Didier Debrand, 44 ans, directeur d'une maison de retraite depuis 15 ans. Titulaire d'une maîtrise de droit social, ce stagiaire de la promotion 2003-2005 a opté pour le MSAS plutôt que pour un Cafdes ou un DESS : « Dans ma vie professionnelle, je constate un certain nombre de lacunes en matière de gestion. Aujourd'hui, pour diriger une structure, la technique ne suffit pas : il faut aussi les idées claires. » « Le droit du travail n'est plus une réponse suffisante aux questions que je me pose », explique pour sa part Catherine Audias, 35 ans, dans la même promotion. Comme les autres stagiaires, cette conseillère en droit social a une conscience aiguë de l'évolution du contexte d'intervention sociale. « Les stagiaires ressentent la nécessité de repositionner leur pratique de direction et de redéfinir les stratégies associatives et les projets politiques et institutionnels de leur structure, explique Michèle Dorival. Cette formation leur permet de se remettre en mouvement en les plaçant dans une dynamique d'évaluation et de changement. »

Les attentes sont néanmoins diverses : certains visent un poste de direction pendant que d'autres cherchent un espace de ressourcement, de questionnement, de débat, par rapport à un quotidien professionnel parfois usant. Quelques-uns souhaitent infléchir leur carrière vers des postes de consultant, voire de responsable de centre de formation. Enfin, des stagiaires vont simplement profiter du MSAS pour évoluer dans leurs responsabilités professionnelles sans changer de statut. En instaurant de nouveaux services par exemple. C'est le cas de Pascal Peyrard qui a utilisé le mastère comme un levier pour créer un lieu ressources à destination d'adultes handicapés vivant au domicile de leurs parents. Ouvert depuis juillet 2003, sur un territoire correspondant au tiers du département de la Haute- Loire, ce nouveau service va toucher, à terme, près de 130 personnes. « C'est un exemple de démarche prospective, consistant à s'engager dans une nouvelle voie de complémentarité et de reconnaissance mutuelle des acteurs d'un territoire. Elle s'appuie largement sur la formation du mastère », raconte ce directeur de foyer pour personnes handicapées. Quant à Bernard Prat, ex-directeur d'un foyer de l'enfance à Monaco, il s'est appuyé sur le mastère pour répondre à la mission que lui avait confiée le gouvernement monégasque : procéder à une analyse des services sociaux existants et en proposer une réorganisation. « Les différents contenus de formation m'ont apporté une plus-value indéniable, explique celui qui est aujourd'hui directeur des services sociaux de Monaco. Le management stratégique n'est pas qu'une liste de recettes : il permet d'élaborer du sens, avec méthodologie et rigueur, ce qui manque souvent dans la culture de l'intervention sociale qui privilégie encore la culture orale. »

« Le métissage ne se décrète pas »

Si évoquer un « business plan » dans le secteur social en fait encore fuir plus d'un, d'autres -les banques et les pouvoirs publics notamment - sont plutôt rassurés. « Cela permet même de négocier un projet à vocation sociale dans de meilleures conditions », assure Michèle Dorival qui reconnaît néanmoins que « le métissage, ça ne se décrète pas ». D'où la satisfaction de François Sentis à constater qu' « après un ajustement nécessaire, le partenariat ENSP-Euromed Marseille-IRTS est, aujourd'hui, en capacité de conjuguer l'hétérogénéité des identités et des référentiels propres à chaque institution. »

UNE FORMATION SUPÉRIEURE À FINALITÉ PROFESSIONNELLE

Le mastère spécialisé en management des structures d'action sociale est préparé sur deux années consécutives à raison d'une semaine par mois à temps plein. Compatible avec une activité professionnelle, il s'articule autour de trois axes : le management des organisations ; la mise en œuvre des politiques d'action sociale ; l'amélioration des performances. Il s'adresse aux personnes détenant une expérience professionnelle au minimum de trois ans dans un poste à responsabilités, associée à un diplôme d'enseignement supérieur de second cycle ou un diplôme délivré par une grande école scientifique, économique, de gestion ; aux dirigeants et cadres non titulaires d'un diplôme, mais justifiant au moins de six années d'expérience professionnelle et aux titulaires du certificat d'aptitude à la fonction de directeur d'établissement social (Cafdes).

Une évolution d'autant plus positive que la formation est co-construite avec les stagiaires qui contribuent, par leurs critiques, à améliorer le dispositif. En outre, depuis novembre 2003, un comité d'orientation et de pilotage du MSAS, regroupant différents professionnels (2), a vu le jour. Son objectif : réfléchir au devenir de l'intervention sociale, aux contenus de la formation et à l'employabilité des stagiaires au regard des enjeux du secteur et des attentes des partenaires. Pour l'heure, « la diversité et la motivation des stagiaires laissent penser que nous touchons là de vraies préoccupations », affirment les responsables de la formation.

Caroline Dinet

Notes

(1)  IRTS Provence-Alpes-Côte-d'Azur-Corse : BP 133 - 13267 Marseille cedex 08 - Tél. 04 91 76 92 00 ; Euromed Marseille - Ecole de Management : Domaine de Luminy - BP 921 - 13288 Marseille cedex 09 - Tél. 04 91 82 78 00 ; ENSP : Avenue du Professeur - Léon-Bernard - CS 74312 - 35043 Rennes cedex - Tél. 02 99 02 27 28.

(2)  Des représentants d'Euromed Marseille, de l'IRTS, de l'ENSP, de l'Association des conseils régionaux, du GNDA, du Snapei, du Snasea, des stagiaires.

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