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Les transferts sociaux diminuent la pauvreté de moitié

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Si l'on situe le seuil de pauvreté monétaire à 50 % du niveau de vie médian - indicateur traditionnellement retenu en France -, le nombre des personnes pauvres approche des 3,6 millions et le taux de pauvreté atteint 6,1 % (1). Si l'on retient le seuil de 60 % -comme le font les statistiques européennes - les pauvres sont alors 7,2 millions en France et leur taux atteint 12,4 %. Telles sont les données livrées par l'INSEE à partir de l'enquête sur les revenus fiscaux de 2001, après intégration des prestations sociales (2).

L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale reprend ces chiffres dans son troisième rapport, rendu public le 8 avril (3), en faisant ressortir leur évolution dans le temps. Plus de 15 % des ménages étaient pauvres en 1970, ils étaient 7,4 % en 1984, 7, 2 % en 1996, 6, 1 %en 2001. « Sur le long terme, le taux de pauvreté a fortement diminué, de 60 % en 32 ans », constate son président, Bertrand Fragonard. Mais cette diminution n'a pas été régulière - forte baisse jusqu'en 1984, quasi-stagnation jusqu'en 1996, puis de nouveau diminution, mais plus faible, de 1996 à 2001 - et elle a été très inégale selon les catégories. Les retraités sont les principaux bénéficiaires du mouvement. En 1970, près de 30 % d'entre eux vivaient sous le seuil de pauvreté, contre moins de 4 % en 2001.

Un million de travailleurs pauvres

A l'inverse, le taux de pauvreté des personnes d'âge actif a augmenté. L'observatoire situe à environ un million le nombre de « travailleurs pauvres ». Cette nouvelle catégorie (dénombrée depuis 1996) recouvre des réalités très diverses : des personnes ayant alterné périodes de chômage et d'emploi, des temps partiels contraints rémunérés au SMIC horaire et même des salariés à temps plein payés au SMIC avec de lourdes charges de famille. Au total, 60 % des « travailleurs pauvres » ont travaillé toute l'année...

40 % des personnes pauvres ne le sont plus l'année suivante. « Ce turn over montre que la pauvreté n'est pas forcément un statut définitif », note Bertrand Fragonard qui ajoute que « le visage de la pauvreté a changé. Avant, elle affectait des personnes stables mais souvent intégrées dans la société. Aujourd'hui, les personnes touchées sont plus mobiles, mais aussi plus menacées d'exclusion. »

La pauvreté est-elle sensible à la conjoncture économique ? Oui, même si « certaines formes de pauvreté “résistent” à plusieurs années de reprise de l'emploi », le lien entre croissance et diminution de la pauvreté « est réel » quoique « partiel », juge l'observatoire. Ce qui lui fait craindre que le ralentissement de la croissance économique intervenu depuis la mi-2001, avec l'augmentation du nombre de chômeurs et d'allocataires du revenu minimum d'insertion qui a suivi (4), ne se traduise par une remontée de la pauvreté monétaire en 2002.

Pour autant, la pauvreté n'est pas une résultante automatique des évolutions économiques ou démographiques, rappelle Bertrand Fragonard. Si elles sont bien ajustées, les politiques publiques de transferts sociaux et d'accompagnement vers l'emploi peuvent avoir un effet correcteur majeur. Déjà, les prestations représentent plus de la moitié des revenus des 10 % les plus modestes de la population. «  Sans transferts sociaux, la France compterait 13 % de pauvres, calcule l'observatoire. Leur intervention fait donc diminuer la pauvreté de plus de moitié. » Grâce à eux, le taux de pauvreté des familles monoparentales baisse de 50 %, celui des familles nombreuses de 60 % et celui des familles avec deux enfants de 17 %. Il reste que, pour l'observatoire, les prestations familiales ne sont pas toujours assez ciblées et qu'il subsiste des incohérences dans les critères d'attribution, de cumul et d'évolution des minima sociaux dont le niveau lui-même « n'a pas fait l'objet d'une réelle réflexion ».

Les difficultés d'accès au logement

L'observatoire pointe notamment la faible actualisation des aides au logement alors que, entre 1988 et 2002, les loyers des ménages pauvres ont augmenté de 80 % et leurs revenus de 30 %. Leur taux d'effort net est passé de 13 à 16 %, la différence étant surtout marquée dans le secteur privé. Cette tendance, ajoutée à l'insuffisance de l'offre, induit des « trajectoires d'accès au logement et de mobilité des ménages pauvres de plus en plus contraintes ».

Le ton est plus favorable en matière d'emploi :plusieurs réformes ont accru les incitations financières à la reprise d'un travail et, sur longue période, les écarts de ressources entre minima sociaux et bas salaires ont eu tendance à s'accroître en faveur des seconds, souligne l'observatoire. « Les politiques d'accès préférentiel à l'emploi des plus faibles ont des effets profitables (bien au-delà du seul aspect financier) et doivent rester un axe de réflexion », insiste Bertrand Fragonard qui rappelle aussi qu'il y a encore beaucoup à faire pour la qualité de leur accompagnement.

Ce rapport « rassemble et analyse des données essentielles » et devrait constituer l'une des bases de travail de la prochaine conférence nationale de lutte contre l'exclusion , indique le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Cohésion sociale. L'accès aux droits est l'un des thèmes retenus pour les débats, dont le maintien en juin n'est pas encore acquis. La nouvelle ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion, Nelly Olin, veut aussi que l'accent soit mis « sur les populations les plus touchées par les phénomènes de pauvreté : les familles nombreuses et monoparentales ».

M.-J. M.

Notes

(1)  Cet indicateur est donc relatif et augmente en même temps que le niveau de vie de la population. Le seuil de 50 % correspondait en 2001 à 602  € mensuels pour une personne seule, à 903  € pour un couple et à 783  € pour un adulte avec un enfant de moins de 14 ans.

(2)  Voir ASH n° 2349 du 5-03-04.

(3)  Le rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale 2003-2004 - Disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr ou à La Documentation française : 29, quai Voltaire - 75344 Paris cedex 07 - Tél. 01 40 15 70 00 - 11  €.

(4)  Voir ASH n° 2353 du 2-04-04.

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