Recevoir la newsletter

Le secteur de la psychiatrie des adolescents n'est pas en crise mais souffre d'un manque de collaboration, selon l'IGAS

Article réservé aux abonnés

L'inspection générale des affaires sociales a-t-elle voulu contribuer au débat à l'approche de la conférence de la famille (1) dont le thème, cette année, est l'adolescence ? En tout cas, après le rapport du pédopsychiatre, Marcel Rufo, sur la santé des jeunes préparé en vue de cette réunion (2), elle a mené, de son propre chef, de septembre 2003 à février 2004, une enquête sur la prévention et la prise en charge des adolescents et jeunes adultes souffrant de troubles psychiatriques   (3). Plus exactement sur les troubles anxieux, ceux du comportement alimentaire, de l'humeur et sur la schizophrénie se manifestant entre 15 et 25 ans, à l'exclusion des psychoses infantiles dont l'autisme.

Tirant les enseignements de leurs déplacements dans trois régions et en milieu carcéral (4), les auteurs de ce rapport, Danièle Jourdain-Menninger et Hélène Strohl-Maffesoli, dressent un tableau de ces troubles : un enfant ou adolescent sur huit en souffre ou en souffrira, rappellent-elles d'abord tout en relevant la gravité de ces pathologies lorsque des adolescents sont en cause. « Qu'ils s'agissent de symptômes de souffrance individuelle (perte de sommeil, angoisses, troubles de l'alimentation, retrait social et dysfonctionnements scolaires de divers ordres, notamment absentéisme scolaire) ou de symptômes positifs, de troubles de la conduite, tels qu'une production délirante, des agressions, des tentatives de suicide, des violences, ils sont graves, soudain, très intenses. » En revanche, poursuit le rapport, cette gravité n'augure pas de la chronicité des troubles. Au contraire, « nombre de [troubles] majeurs, y compris des symptômes de délires, de violence, de mise en danger extrême, sont susceptibles d'une nette amélioration, voire dans un nombre important de cas, d'un retour complet à la normale ». A ce propos, la mission attire, dès lors, l'attention sur les risques consistant à étendre aux adolescents le projet de création de la catégorie de handicapés psychiques prévu par la loi réformant la loi d'orientation pour les personnes handicapées de 1975. Ce, en raison même du caractère réversible de ces pathologies.

La difficulté de la continuité de la prise en charge

Ce constat posé, le document se penche sur la question de la prise en charge de ces adolescents. Elle note qu'un certain nombre de jeunes connaissent une «  fréquentation erratique des institutions psychiatriques, errance renforcée par la difficulté des institutions sociales, judiciaires et médico-sociales à accompagner le jeune vers le soin  ». En cause notamment : certaines pratiques de sectorisation selon lesquelles seule la domiciliation ouvre droit aux soins du secteur. «  C'est ainsi que certains jeunes ne sont pas reçus par les équipes de secteurs, parce qu'ils sont logés dans des foyers (qui ne donnent pas une domiciliation au sens de la loi)  ». Toutefois, ce n'est pas tant l'accès initial aux soins qui pose vraiment problème mais bien leur continuité. C'est pourquoi, la mission propose d'attribuer à chaque patient, après une première prise en charge, une carte d'accès au service originel, du type de la « Mental Health Card » anglaise.

C'est toujours cette difficulté dans la continuité des soins qui, selon le rapport, entache la psychiatrie d'une image de secteur en crise. Or les auteurs récusent ce «  mythe d'une psychiatrie sinistrée  ». S'il est vrai que «  certaines équipes ont un comportement inadmissible face aux usagers et aux exigences du service public, ce qui stigmatise l'ensemble d'un secteur », celui-ci « reste pourtant très innovant et très impliqué  », jugent-elles au contraire.

Au-delà de cette question, la mission insiste sur la nécessité d'élaborer une palette de réponses à la crise. Car, selon elle, « trop d'intervenants du secteur social et judiciaire comme de l'Education nationale recourent à la psychiatrie pour qu'elle hospitalise le jeune, même si cliniquement cette intervention n'est pas fondée. » Pourtant, estime-t-elle, « si l'hospitalisation reste un moyen de soin adéquat dans certaines situations, elle n'est pas adaptée à la majeure partie des cas et, en tout cas, elle ne devrait intervenir qu'après une préparation en amont et se poursuivre par un suivi en aval des soins ».

ASE et PJJ en plein désarroi

Toutefois, pour mettre en place tous ces types d'intervention, il ne semble pas nécessaire à la mission de développer un nouveau « secteur » adolescent à côté de la pédopsychiatrie et de la psychiatrie adulte. En revanche, elle plaide pour une collaboration entre secteurs (psychiatrie, médico-social, judiciaire, éducatif), à l'opposé de ce qui se pratique parfois sur le terrain. «  Chacun dit vouloir que l'autre travaille avec lui, mais personne ne veut entrer dans un processus de collaboration. Ou, plus justement, des collaborations se nouent de personne à personne, selon les occurrences et les appétences organisées.  » Les plus rétifs à cette collaboration sont les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), relève ainsi le document. « Il faut noter un désarroi total de ces équipes, de l'ASE comme de la PJJ », devant des « jeunes psychopathes, considérés comme des délinquants plus que comme des malades psychiatriques ». Toutefois la mission a néanmoins constaté des initiatives intéressantes. C'est tel institut de rééducation, qui acceptera, sans délai trop long, de prendre en charge un adolescent, après un séjour hospitalier en psychiatrie, ou telle équipe mobile qui intervient dans un foyer, évitant ainsi une hospitalisation. Bien sûr, de telles réalisations se heurtent à des difficultés : par exemple, l'organisation du travail médico-social n'offre pas toujours l'amplitude du service requis par le besoin de prise en charge de ces jeunes (le week-end notamment).

Pour favoriser cette collaboration, le rapport préconise dès lors le modèle du réseau, c'est à dire de la collaboration formalisée entre les professionnels de la psychiatrie et les autres professionnels de terrain, « organisée autour d'objectifs très circonscrits et concrets, définis à partir des besoins des malades ». Mais une telle logique ne doit pas être cassée par une organisation comptable et gestionnaire trop rigide, juge le document. La mission craint les effets de la tarification à l'activité, applicable aux activités de médecine chirurgie et obstétrique dès 2004 et à la psychiatrie un peu plus tard. Cette tarification à l'activité, telle qu'elle est prévue, réintroduirait une dichotomie entre l'activité psychiatrique exercée en hôpital (tarification à l'acte) et celle exercée « en liaison » en somatique, mais aussi dans le secteur social, médico-social, etc. (tarification forfaitaire).

S. A.

Notes

(1)  Initialement prévue pour se tenir en mai-juin prochain, elle pourrait être retardée pour laisser le temps à la nouvelle ministre de la Famille et de l'Enfance de se familiariser avec les dossiers.

(2)  Voir ASH n° 2351 du 19-03-04.

(3)  Disponible sur le site www.ladocfrancaise.gouv.fr.

(4)  Ile-de-France (Paris, Val-de-Marne, Yvelines), Alsace (Bas-Rhin) et Aquitaine (Gironde) et centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis et le service médico-psychologique régional de Fresnes.

LE SOCIAL EN TEXTES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur