Le Parlement a définitivement voté, le 7 avril, la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Ce texte, qui est finalement assez proche du projet de loi initial du gouvernement (1), transpose dans le code du travail l'accord interprofessionnel du 20 septembre 2003 rénovant la formation professionnelle (2), facilite le recours à l'apprentissage et réforme profondément la négociation collective. L'opposition, fortement hostile à ce dernier volet, a saisi, le 13 avril, le Conseil constitutionnel, ce qui va retarder d'autant la promulgation de la loi.
La loi consacre d'abord le principe de la « formation professionnelle tout au long de la vie », notion qui remplace, dans le code du travail, celle de « formation professionnelle permanente ». Et prévoit que l'apprentissage de la langue française, au même titre, déjà, que la lutte contre l'illettrisme, en fait partie.
Elle précise ensuite que les bénéficiaires de l'obligation d'emploi, notamment les personnes handicapées, ont accès aux dispositifs de formation professionnelle dans les conditions de droit commun. Et relèvent également, le cas échéant, d'actions spécifiques de formation.
Par ailleurs, le texte entérine le principe d'une contribution de l'Etat et des régions à l'exercice d'un droit à la qualification, notamment pour les personnes n'ayant pas acquis de qualification reconnue dans le cadre de la formation initiale.
En outre, il reprend la distinction opérée par l'accord du 20 septembre, au sein du plan de formation, entre les actions de formation liées à l'adaptation au poste de travail, les actions liées à l'évolution des emplois ou au maintien dans l'emploi et celles ayant pour objet le développement des compétences des salariés.
Une base légale est également conférée à la mesure phare de cet accord : le droit individuel à la formation (DIF), qui, pour mémoire, permet aux salariés en contrat à durée indéterminée et ayant au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise de bénéficier de 20 heures de formation par an cumulables sur six ans, dans la limite de 120 heures. Et précise que les heures de formation se déroulent en dehors du temps de travail, sauf si un accord de branche ou d'entreprise prévoit qu'elles s'exercent « en partie pendant le temps de travail ». Ce dispositif est également ouvert, à certaines conditions, aux salariés en contrat à durée déterminée.
Au chapitre de la formation en alternance, la loi confirme le remplacement des contrats d'insertion en alternance existants (contrat de qualification, d'adaptation et d'orientation) par le nouveau contrat dit de professionnalisation, qui est ouvert aux jeunes entre 16 et 25 ans révolus et aux demandeurs d'emploi souhaitant compléter leur formation initiale. Mais, alors que le projet de loi initial prévoyait qu'ils entreraient en vigueur à compter du 1er juillet 2004, le législateur a finalement retenu la date du 1er octobre 2004. Précisés également , les modalités de calcul de la rémunération perçue par le salarié pendant la durée du contrat et le régime de l'exonération de cotisations sociales à laquelle ouvre droit la conclusion du contrat pour les employeurs.
Autre nouveauté : les périodes de professionnalisation, qui permettent aux salariés en contrat de travail à durée indéterminée d'acquérir, au cours d'une formation théorique et pratique, une qualification professionnelle reconnue en vue de favoriser leur maintien dans l'emploi. Sont notamment visés les salariés dont la qualification est insuffisante au regard de l'évolution des technologies et de l'organisation du travail, les femmes qui reprennent leur activité professionnelle après un congé de maternité ou un congé parental et les travailleurs handicapés.
La loi relève, enfin, la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue. Ainsi, à compter du 1er janvier 2004, les employeurs occupant au moins dix salariés doivent consacrer au financement de la formation une part minimale de 1,60 % (au lieu de 1,50 %) du montant des rémunérations versées pendant l'année en cours. Pour les employeurs de moins de dix salariés, ce taux global est porté à 0,40 % des rémunérations pour 2004 (au lieu de 0,15 %ou 0,25 % pour ceux assujettis à la taxe d'apprentissage), puis à 0,55 % à compter du 1er janvier 2005, pour tous les employeurs, qu'ils soient ou non assujettis à la taxe d'apprentissage. Par ailleurs, le texte étend le champ d'application de la participation financière aux employeurs d'assistantes maternelles, qui seront assujettis à un taux spécifique de 0,15 %.
Sans attendre la prochaine loi de mobilisation pour l'emploi, qui sera finalement incluse dans le vaste « plan national de la cohésion sociale », annoncé par Jean-Louis Borloo le 6 avril (3), la loi sur la formation professionnelle reprend déjà certaines des propositions de Renaud Dutreil, alors secrétaire d'Etat aux PME, pour moderniser l'apprentissage (4). Parmi elles, la possibilité de conclure un contrat d'apprentissage avec des jeunes de plus de 25 ans, de porter la durée maximale de travail des apprentis à huit heures par jour (au lieu de sept actuellement) ou d'allonger la période de conclusion d'un contrat d'apprentissage. Sur ce dernier point, le texte prévoit que celle-ci ira de trois mois avant le début du cycle en centre de formation des apprentis à trois mois après (au lieu de deux mois actuellement).
Présenté par la majorité comme « une consolidation du pacte social », mais fustigé par les partis d'opposition qui voit en lui une « atomisation du droit du travail », le volet sur le dialogue social de la loi, contrairement à celui sur la formation professionnelle tout au long de la vie, est loin de recueillir le consensus. Seul point d'accord : le texte finalement adopté revisite assez largement la négociation collective.
Tout d'abord, il modifie les règles actuelles de conclusion des accords collectifs. Ce, en inscrivant le principe majoritaire comme condition de validité de l'accord (5). Ainsi, l'entrée en vigueur d'un accord interprofessionnel sera subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales représentatives. Alors que les accords de branche n'entreront en vigueur qu'à la condition d'avoir été signés par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés de la branche, appréciée en retenant soit les résultats des consultations, soit les résultats aux dernières élections professionnelles. Enfin, l'entrée en vigueur des accords d'entreprise ou d'établissement sera subordonnée à la signature ou à la non-opposition d'une ou des organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
En outre, la possibilité de conclure des accords d'entreprise dérogatoires aux accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large est ouverte par la loi, sauf si ces accords en disposent autrement. A noter, toutefois, que l'accord de branche demeure la règle en matière de salaires minima, de classifications, de prévoyance collective et de mutualisation des fonds de la formation. Signalons, enfin, que la loi ne modifie pas l'articulation entre les accords collectifs et la loi.
Enfin, pour stimuler la négociation collective, la loi admet qu'un accord de branche étendu peut prévoir que les représentants élus du personnel au comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, pourront signer des accords d'entreprise ou d'établissement, qui, pour avoir valeur d'accord collectif de travail, devront ensuite être approuvés par une commission paritaire nationale de branche. Egalement prévue par le législateur, la possibilité, en l'absence de représentants élus, de conclure des accords d'entreprise ou d'établissement avec un ou des salariés expressément mandatés par un syndicat pour une négociation déterminée. Ces accords devront ensuite être approuvés par la majorité des salariés.
(1) Voir ASH n° 2334 du 21-11-03.
(2) Voir ASH n° 2326 du 26-09-03.
(3) Voir ASH n° 2354 du 9-04-04.
(4) Voir ASH n° 2348 du 27-02-04.
(5) Jusqu'à présent, il suffisait du paraphe d'une seule organisation syndicale représentative, aussi minoritaire soit-elle, pour valider un accord.