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Les enfants pauvres deviendront-ils des adultes défavorisés ?

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A partir des constats sur la pauvreté des enfants, établis en 2003 (1), base du rapport qu'il a publié en février dernier (2), le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) avait lancé un programme de recherches visant à explorer « le devenir des enfants défavorisés en France ». Il a, le 1er avril, donné l'occasion à de nombreux spécialistes de présenter des travaux susceptibles d'éclairer cette question (3).

L'intérêt de la prévention précoce

Les chercheurs se sont demandé si le fait de subir la pauvreté dans son enfance accroît sensiblement les risques de la connaître dans le futur. Oui, répondent-ils dans leur ensemble, mais ils insistent, également, sur les possibilités d'agir pour instaurer une meilleure égalité des chances. A condition d'intervenir précocement et de ne pas se polariser, exclusivement, sur l'aspect financier des inégalités. Autrement dit : améliorer le revenu des familles pauvres est une condition nécessaire mais non suffisante, comme le note Chantal Zaouche- Gaudron, professeur de psychologie à l'université de Toulouse-II.

Mettant en relief l'impact négatif de conditions de vie défavorisées sur le développement socio-affectif et cognitif des jeunes enfants, la chercheuse souligne qu'un accompagnement approprié des tout-petits, et notamment leur insertion dans un milieu stimulant (crèches, scolarisation précoce), est à même de favoriser leur épanouissement. A l'école aussi, c'est très tôt que se marquent les difficultés des élèves ne bénéficiant pas d'un environnement matériel et culturel propice à leur réussite.

Or celles-ci se révèlent déterminantes pour la suite du parcours des écoliers, établissent Alice Davaillon et Emmanuelle Nauze-Fichet, de la direction de l'évaluation et de la prospective (ministère de l'Education nationale). Elles ont suivi, pendant six ans, un panel de 15 146 jeunes entrés en sixième en 1995, et mis en rapport leur trajectoire avec leur risque d'être exposés à la pauvreté. Ce travail fait ressortir le poids prépondérant du primaire dans les disparités ultérieures des itinéraires scolaires : « 80 % des différences de parcours seraient jouées avant l'entrée en sixième », déclarent-elles. Cela ne peut qu'inciter à porter une attention accrue au soutien d'écoliers dont les mauvaises performances au collège, ainsi qu'au second cycle, sont prévisibles dès le CE 2, renchérit Sylvain Broccolichi (Cresas, Institut national de la recherche pédagogique). D'autant que, sans surprise, l'insertion professionnelle est largement tributaire de la scolarité.

Alberto Lopez et Gwenaëlle Thomas (CEREQ) montrent, ainsi, que la probabilité de débuter dans la vie active en passant par la case « non emploi » varie de 25 % à 2 % suivant qu'un jeune sort du système éducatif sans qualification ou avec un diplôme de l'enseignement supérieur. Par ailleurs, à niveau de diplôme équivalent, les débutants issus de l'immigration maghrébine se trouvent encore plus mal lotis que les enfants d'ouvriers français ou d'origine européenne. De plus, les jeunes dont le père ouvrier est originaire du Maghreb sont nombreux à ne pas atteindre le même niveau de formation initiale que leurs contemporains, font observer Mahrez Okba et Frédéric Lainé (DARES). 42 % des garçons et 37 % des filles quittent le système scolaire sans aucun diplôme, soit respectivement deux fois plus et trois fois plus que leurs homologues dont le père est français ou originaire d'Europe du Sud.

De père en fils

Faut-il s'en étonner ? Au regard de la mobilité intergénérationnelle, la comparaison internationale à laquelle s'est livré Miles Corak (Unicef) n'est pas très flatteuse pour la France. Il estime que, dans notre pays, environ 40 % des enfants de parents riches deviennent des adultes à hauts revenus -soit, proportionnellement, un peu moins qu'aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni (50 %) et beaucoup plus que dans les pays d'Europe du Nord et au Canada (entre 15 et 20 %). Pour remédier à cet état de fait qu'il impute, lui aussi, à des facteurs d'ordre plus culturel que financier, le chercheur britannique en appelle, comme ses collègues, à mieux cibler les politiques publiques. Pour atténuer l'influence déterminante des familles et du marché sur le devenir des enfants, il conviendrait de faire porter davantage l'effort sur la petite enfance et l'enseignement pré-élémentaire que sur l'élargissement de l'accès à l'enseignement supérieur.

C. H.

Notes

(1)  Objet d'un colloque co-organisé avec le commissariat général du Plan, la CNAF et la DREES - Voir ASH n° 2306 du 11-04-03.

(2)  Voir ASH n° 2347 du 20-02-04.

(3)  Lors d'une rencontre qui s'est tenue à Paris à l'initiative du CERC, de la CNAF, de la DREES et de la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l' Education nationale. Les contributions sont disponibles sur www.cerc.gouv.fr (rubrique « Rencontres » ).

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