« [...] Pour avoir directement travaillé dans ces établissements publics qui font appel au “secteur privé”, je témoigne que les assistants sociaux, quel que soit leur statut, peuvent travailler ensemble, sur des bases communes et remplir les mêmes missions. L'enjeu, c'est le salarié et la nécessité, plus que jamais, qu'il puisse trouver dans son entreprise une assistante sociale disponible pour l'écouter et l'aider, quel que soit le problème qu'il rencontre. Pour un salarié, accéder à une assistante sociale hors de l'entreprise relève, le plus souvent, du parcours du combattant.[...]
Comment peut-on dire que les assistantes sociales en entreprise, selon leur statut, n'ont pas la même capacité à analyser les fonctionnements et dysfonctionnement de l'entreprise où elles interviennent ? N'avons-nous pas le même diplôme d'Etat ? Avoir du temps n'est pas un facteur déterminant pour comprendre les situations habituelles dans nos entreprises - délocalisations, privatisations, fermetures... - et les mesures qui les accompagnent - plans sociaux, licenciements, départ en retraite, mutations... Pensez-vous vraiment qu'il faille des compétences particulières et du temps pour analyser ces situations ? Pensez-vous vraiment que l'assistante sociale puisse faire changer une décision de ce type ? Cela ne l'empêche pas d'alerter des dangers que cela représente pour les personnes confrontées à ces décisions, et ne pas être salariée de l'entreprise, ne pas être concernée directement par ces mesures, ne pas avoir de lien de subordination avec l'entreprise permet une plus grande liberté de parole. Chacun sait qu'un contrat externe avec une entreprise est toujours un contrat précaire. Même s'il dure plusieurs années, il reste précaire. Alors on ne risque pas grand-chose à alerter... Pensez-vous vraiment que la poignée d'assistantes sociales indépendantes soient de dangereuses capitalistes qui mettent en péril le service public ? Soyons sérieux, l'heure est grave... L'immobilisme, la défense de ses intérêts personnels, le manque d'investissement dans une action collective sont les vrais ennemis de notre profession, particulièrement en entreprise.
Sincèrement, vous vous trompez de lutte. S'il faut lutter, luttons ensemble pour que les salariés continuent à trouver des assistantes sociales dans les entreprises et que les entreprises continuent à les financer. Qu'importe la forme. Luttons plutôt contre le projet de modification du code de l'action sociale et des familles (2) qui met en danger de mort notre profession. Vous vous voyez en entretien avec un salarié lui expliquer que nous sommes tenues au secret professionnel mais que nous devons donner le nom des personnes que nous rencontrons au maire de leurs communes d'habitation, sous peine de poursuites ? Moi pas, je rentre en résistance. Et, je l'espère, pas seule. »
Catherine Banlin Assistante sociale indépendante : 5, chemin Henri-Patin - 89130 Leugny Tél. 06 07 67 56 82 E-mail :
(1) Voir ASH n° 2350 du 12-03-04.
(2) Voir ASH n° 2351 du 19-03-04 et n° 2352 du 26-03-04.