Comment fonctionne le « cercle social » qui indissociablement lie la prison à la délinquance et la délinquance à la prison ? A travers les récits de détenus (ou anciens détenus) incarcérés en maison d'arrêt, le sociologue Gilles Chantraine analyse la façon dont les intéressés vivent leur expérience carcérale et dont celle-ci prend sens à l'intérieur des trajectoires dans lesquelles elle s'insère. Entre le dehors et le dedans, le temps de l'emprisonnement et les séquences de vie qui le précèdent et lui succèdent, le sociologue met en évidence une continuité des parcours. A la fois parce que l'incarcération doit être lue à la lumière des caractéristiques, notamment socio-économiques, qui constituent des facteurs favorisant le passage d'un maillon à l'autre de la chaîne pénale, aboutissant, finalement, à une mise sous écrou. Mais aussi parce que la prison n'est pas un monde étanche, déconnecté de l'extérieur, où s'exprimeraient d'autres types de rapports sociaux. Enfin parce que la réinsertion, censée représenter le but ultime de l'enfermement, s'avère être une mission que la prison est bien en peine de remplir : plus que fraîchement accueilli à sa sortie, l'ancien détenu est sommé de se responsabiliser et de construire un projet, tout en s'en voyant, concrètement, dénier les moyens.
Aussi, commente l'auteur, « les travailleurs sociaux intra et extra-muros , guidés par un principe de réalité, considèrent, globalement, que l'arrêt de la trajectoire carcérale se définit essentiellement par une installation durable dans la précarité. C'est d'ailleurs là toute la difficulté de leur travail : réussir à convaincre leur clientèle que cette vie-là est meilleure que la précédente, et mérite donc de réaliser des efforts pour s'en sortir. »
Par-delà les murs. Expériences et trajectoires en maison d'arrêt - Gilles Chantraine -PUF/Le Monde (prix Le Monde de la recherche universitaire) - 25 € .