Le Conseil d'Etat a rendu public, le 19 mars, son traditionnel rapport annuel (1), dans lequel il dresse le bilan de l'ensemble de son activité en 2003.
Activité consultative tout d'abord, « très intense » selon son vice-président Renaud Denoix de Saint Marc. La juridiction aura ainsi été sollicitée sur 1 142 projets de textes et avis et 131 lois ou ordonnances (contre respectivement 1 268 et 111 en 2002). Au-delà de ces chiffres, ce sont surtout les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a été appelé à se prononcer qu'il faut retenir. Son vice-président déplore ainsi des délais « très brefs », « de nombreuses saisines rectificatives de dernière minute » ou encore une « méconnaissance encore trop fréquente des obligations de consultation prévues par les textes de droit interne et de droit communautaire » conduisant notamment à des reports d'examen. L'empiétement des projets de loi sur le domaine réglementaire a été, en outre, « couramment constaté ».
S'agissant de son activité juridictionnelle, le conseil aura connu une stabilité de l'ensemble des nouvelles affaires enregistrées. De 35 à 40 % d'entre elles ont concerné le contentieux des étrangers c'est-à-dire les requêtes dirigées contre les refus de visa, les appels contre les jugements des tribunaux statuant en matière de reconduite à la frontière et les pourvois en cassation contre les décisions de la commission des recours des réfugiés. Dans le cas particulier des reconduites à la frontière, le nombre des appels enregistrés devant le Conseil d'Etat a dépassé, pour la cinquième année consécutive, le seuil des 2 000 et se situe même en 2003 « au plus haut niveau jamais atteint ». Quant au nombre de pourvois en cassation dirigés contre les décisions de la commission des recours des réfugiés, en baisse en 2003, le rapport signale qu'il devrait connaître une forte augmentation à mesure que se répercuteront sur la commission les effets de la réforme du droit d'asile du 1er janvier 2004 (2). Les affaires traitées devant cette juridiction spécialisée- 35 328 en instance au 31 décembre 2003 -devraient d'ailleurs, pour les mêmes raisons, s'accroître dans les mois à venir. Cela alors même que, en 2003, elle aura déjà enregistré une hausse de 40 % des recours contre un refus d'asile (44 201 contre 31 502 en 2002) et rendu 29 502 décisions, contre 23 916 l'année précédente.
Comme chaque année, le Conseil d'Etat a par ailleurs consacré une partie de son rapport à un thème de réflexion. Et a choisi, à l'approche du centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat de 1905 et à la veille de l'application de la loi interdisant les signes religieux ostensibles à l'école (3), celui de la laïcité. La Haute Juridiction ne fait pas de propositions précises mais rappelle simplement le cadre dans lequel doivent s'insérer les mesures tendant à conforter ce principe. Et notamment que « la liberté religieuse n'exclut pas que la manifestation des convictions religieuses fasse l'objet de limitations, dès lors que le respect de l'ordre public ou la neutralité du service public l'exigeraient ». A l'heure où « l'évolution du paysage religieux français et de notre société suscite de nouvelles questions, souvent liées à la place de l'islam, mais aussi à un retour au religieux », le rapport se veut globalement optimiste. « La souplesse d'adaptation observée depuis 1905 » permettra de trouver des « solutions aux problèmes nouveaux », estime-t-on au Palais Royal. Mais « au-delà du cadre juridique, le dialogue et la pédagogie sont essentiels pour lutter contre les tensions et incompréhensions actuelles ».
(1) « Rapport public 2004 - Jurisprudence et avis de 2003 - Un siècle de laïcité » - Conseil d'Etat - Etudes et documents n° 55 - Disponible aux adresses
(2) Voir ASH n° 2340 du 2-01-04.
(3) Voir ASH n° 2350 du 12-03-04.