Les dispositions concernant la justice pénale des mineurs (Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 et décision du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, J.O. du 10-03-04)
Elle aura fait couler beaucoup d'encre et suscité l'ire des magistrats et des avocats. Et pourtant, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a été avalisée dans sa presque totalité par une décision du Conseil constitutionnel du 2 mars, à l'exception de deux dispositions (1).
Présentée seulement 18 mois après la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (2), cette seconde loi, également placée sous l'égide du ministre de la Justice, Dominique Perben, avait pour objectif initial de lutter contre la grande criminalité et les réseaux internationaux. Mais elle s'est étoffée au cours des navettes parlementaires de dispositions en tous genres pour, au final, devenir un mastodonte de 224 articles. Si bien que son titre ne reflète plus vraiment son contenu. Au détour de quelques articles apparaissent ainsi des dispositions concernant la justice pénale des mineurs qui modifient, pour l'essentiel, le texte de référence en la matière : l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
Pour la plupart, ces mesures ne sont pas applicables immédiatement. Il en est ainsi de celle qui, dans le souci de mieux assurer le suivi des délinquants mineurs, fait du juge des enfants le juge de l'application des peines. Elle entrera en effet en vigueur à compter du 1erjanvier 2005.
Par ailleurs, cette loi dite « Perben II » apporte quelques nouvelles réponses à la délinquance des mineurs qui seront effectives, selon le cas, immédiatement, au 1er octobre 2004 ou au 1er janvier 2005. Elle prévoit, par exemple, la possibilité de placer les mineurs délinquants en centre éducatif fermé dans le cadre d'une libération conditionnelle. Elle crée également une nouvelle peine, le stage de citoyenneté, et ouvre la possibilité de combiner un sursis assorti d'un travail d'intérêt général avec d'autres mesures éducatives.
Enfin, de nouvelles modalités de retrait des condamnations des mineurs du casier judiciaire sont prévues, se rapprochant de celles valables pour les majeurs. Celles-ci sont applicables depuis l'entrée en vigueur de la loi, soit le 12 mars.
La loi Perben II apporte quelques nouvelles réponses à la délinquance des mineurs. A cet effet, elle étend, par exemple, les possibilités de placement en centre éducatif fermé, structure créée par la précédente loi Perben du 9 septembre 2002 (3). Ou instaure une nouvelle peine : le stage de citoyenneté.
Rappelons que le mineur délinquant encourt plusieurs types de mesures : des mesures à caractère éducatif qui peuvent être prises tant au moment de l'instruction de l'affaire qu'au stade du jugement après déclaration de culpabilité, des sanctions éducatives et des peines, ces deux dernières catégories ne pouvant être prononcées qu'au stade du jugement.
A noter : différentes dates d'entrée en vigueur de ces dispositions sont prévues.
Créés par la loi Perben I du 9 septembre 2002, les centres éducatifs fermés pourront désormais être utilisés pour le placement d'un mineur délinquant de 13 à 18 ans bénéficiant d'une mesure de libération conditionnelle (ord. 2 février 1945, art. 33 modifié). Ces structures étaient jusque-là réservées à ces mineurs lorsqu'ils faisaient l'objet d'un placement à la suite d'une décision de mise sous contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve.
Pour mémoire, ces centres, au sein desquels les mineurs font l'objet de mesures de surveillance et de contrôle permettant d'assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité, sont définis comme des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret (4).
Cette extension, d'application immédiate, vise à éviter, pour certains mineurs, un passage trop brusque de la détention à la liberté totale. « Elle pourrait contribuer à augmenter le nombre de mesures de libération conditionnelle accordées aux mineurs », explique le rapporteur au Sénat, François Zocchetto (Rap. Sén. n° 441, septembre 2003, tome 1).
Reprenant une proposition qui figurait dans l'avant-projet de loi pénitentiaire élaboré par le précédent gouvernement et jamais déposé au Parlement, la loi Perben II créé une nouvelle sanction pénale - le stage de citoyenneté - applicable aux majeurs et aux mineurs de 13 à 18 ans. Elle n'entrera toutefois en vigueur que le 1er octobre 2004 (art. 207, I de la loi). A cet effet, un nouvel article 20-4-1 est inséré dans l'ordonnance du 2 février 1945. Il renvoie lui-même à une disposition introduite dans le code pénal (art. 131-5-1 nouveau).
Ainsi, lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction pourra, à la place de celle-ci, prescrire l'accomplissement par le condamné d'un stage de citoyenneté, dont les modalités, la durée et le contenu seront fixés par décret. Il aura pour objet « de lui rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société » (code pénal [CP], art. 131-5-1 nouveau). Le stage de citoyenneté pourra donc être prononcé en tant que peine principale. Il ne pourra toutefois l'être contre le prévenu qui la refuse ou n'est pas présent à l'audience.
Néanmoins, l'article 20-4-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 ajoute que le contenu de ce stage devra être adapté à l'âge du condamné mineur. En outre, à l'inverse des majeurs, la juridiction ne pourra pas ordonner qu'il soit effectué aux frais du mineurs (5).
Par ailleurs, ces stages pourront également être proposés parmi les obligations pouvant être imposées à un condamné mineur dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve (CP, art. 132-45 modifié) ou en tant que peine complémentaire pour certaines infractions (discriminations, vols, destructions, dégradations et détériorations de biens...).
Selon les rapports parlementaires, des stages de ce type seraient d'ailleurs d'ores et déjà organisés dans certaines juridictions en l'absence de tout texte. Pour Dominique Perben, cette disposition se justifie notamment par la volonté de lutter contre les actes à caractère raciste ou antisémite.
Relevons toutefois que l'articulation de ce dispositif avec le stage de formation civique introduit par la loi Perben I du 9 septembre 2002, qui constitue une sanction éducative - catégorie intermédiaire entre les mesures éducatives et les peines - susceptible d'être prononcée à l'égard des mineurs de 10 à 18 ans semble malaisée. Ce stage, dont les modalités ont été précisées par un décret du 5 janvier 2004 (6), a, en effet, pour objet de « faire prendre conscience [aux jeunes concernés] de leur responsabilité pénale et civile, ainsi que des devoirs qu'implique la vie en société. Il vise également à favoriser leur insertion sociale. »
La loi étend, à compter du 1erjanvier 2005 (art. 207, II de la loi ) , la possibilité de prononcer un ajournement de peine avec mise à l'épreuve pour les mineurs de 13 à 18 ans (ord. 2 février 1945, art. 20-7 modifié). Jusque-là, par une combinaison de l'ordonnance du 2 février 1945 et de l'article 747-3 du code pénal - dont le dernier alinéa est abrogé par la loi -, un ajournement de peine assorti d'une mise à l'épreuve ne pouvait être prononcé que lorsque la juridiction spécialisée pour mineurs statuait sur le cas d'une personne mineure au moment des faits mais devenue majeure lors du jugement. Rappelons qu'en matière de justice pénale des mineurs, c'est l'âge du mineur au moment des faits, et non au moment du jugement, qui importe pour déterminer si c'est le juge des enfants qui est compétent.
Pour mémoire, cette mesure permet à une juridiction d'ajourner le prononcé de la peine, lorsque le mineur est présent à l'audience, en le plaçant sous le régime de la mise à l'épreuve pendant un délai qui ne peut être supérieur à un an (CP, art. 132-63). Ensuite, à l'audience de renvoi, la juridiction peut, en tenant compte de la conduite du coupable au cours du délai d'épreuve, soit le dispenser de peine, soit prononcer la peine prévue par la loi, soit ajourner une nouvelle fois le prononcé de la peine dans les mêmes conditions.
A noter que la loi Perben II prévoit par ailleurs, de manière générale (c'est-à-dire pour les majeurs comme pour les mineurs), que le juge chargé de l'application des peines pourra désormais, 30 jours avant l'audience de renvoi, prononcer de lui-même la dispense de peine. Ce, avec l'accord du procureur de la République et à l'issue d'un débat contradictoire. Cette simplification vise à encourager le recours à la mesure d'ajournement de la peine assortie d'une mise à l'épreuve (CP, art. 132-65 modifié, art.180 de la loi). Cette disposition entrera également en vigueur le 1er janvier prochain (art. 207, II de la loi).
Dans la continuité de la loi Perben I du 9 septembre 2002 qui a prévu la possibilité de combiner un sursis avec mise à l'épreuve avec d'autres mesures éducatives (7), la loi du 9 mars 2004 introduit un mécanisme similaire lorsque la peine d'emprisonnement est assortie d'un sursis avec l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (ord. 2 février 1945, art.20-10 nouveau). Cette disposition n'entrera toutefois en vigueur que le 1er janvier 2005 ( art.207, II de la loi ).
Pour mémoire, le sursis assorti d'un travail d'intérêt général (TIG), possible lorsque la peine est d'une durée inférieure ou égale à 5 ans d'emprisonnement et si le sursis porte sur la totalité de la peine, est régi par l'article 132-54 du code pénal (8) auquel l'ordonnance de 1945 renvoie. Selon ces dispositions, un mineur de 16 à 18 ans peut être condamné à accomplir, pour une durée de 240 heures - 210 heures à compter du 1er janvier 2005 (art. 207, II de la loi) -un TIG au profit d'une personne morale de droit public ou d'une association habilitée à mettre en œuvre des travaux d'intérêt général. Ce TIG doit être adapté à sa personnalité et présenter un caractère formateur ou de nature à favoriser son insertion sociale.
A compter du 1er janvier 2005, en cas de condamnation prononcée par une juridiction spécialisée pour mineurs à une peine d'emprisonnement avec sursis assorti d'un travail d'intérêt général, la juridiction de jugement pourra décider, si la personnalité du mineur le justifie, de combiner cette peine avec les mesures prévues aux articles 16, 19 et 33 de l'ordonnance du 2 février 1945, à savoir :
la remise aux parents, tuteur, personne qui en avait la garde ou personne digne de confiance ;
le placement dans une institution ou un établissement, public ou privé, d'éducation ou de formation professionnelle habilité ;
le placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ;
le placement dans une institution publique d'éducation surveillée ou d'éducation corrective ;
le placement sous le régime de la liberté surveillée ;
le placement dans un centre éducatif fermé.
Dans ce cas, ces mesures pourront être modifiées pendant toute la durée de l'exécution de la peine par le juge des enfants, sans qu'il ait à saisir le tribunal pour enfants. Rappelons que dans le cadre d'un sursis assorti d'une mise à l'épreuve, ce même juge des enfants peut également, depuis la loi Perben I, modifier ces mesures pendant l'exécution de la peine sans avoir à saisir le tribunal (9).
La loi du 9 mars 2004 fait, en premier lieu, du juge des enfants le juge de l'application des peines, en milieu fermé comme en milieu ouvert. Elle prévoit des dispositions similaires pour le tribunal pour enfants et la chambre spéciale des mineurs auprès de la cour d'appel.
Enfin, elle consacre le rôle des services de la protection judiciaire de la jeunesse en matière d'application des peines lorsque des mineurs sont en cause.
Ce nouveau dispositif n'entrera toutefois en vigueur que le 1er janvier 2005 (art. 207, II de la loi). Il nécessite, en effet, des textes d'application et une préparation sur le terrain en raison de la surcharge de travail qu'il va générer pour les magistrats concernés.
Reprenant une proposition faite par la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs en 2002 (10), la loi du 9 mars 2004 vise à faire du juge des enfants le juge de l'application des peines lorsque des mineurs sont en cause. L'idée des sénateurs UMP Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Schosteck et Jean- Jacques Hyest, alors membres de cette commission et à l'origine de cette modification (11), est, en effet, d'assurer « une continuité des parcours éducatifs des mineurs ». Or « pour assurer une véritable continuité dans le suivi des mineurs délinquants, il [...] a paru souhaitable que le juge des enfants exerce une compétence pleine et entière en matière d'application des peines prononcées par les juridictions spécialisées pour mineurs » (J.O. Sén. [C.R.] n° 9 du 22 janvier 2004).
Cette proposition a reçu l'assentiment du garde des Sceaux, Dominique Perben , qui y a vu « une réforme importante qui permettra un suivi personnalisé et continu par le juge des enfants » (J.O. Sén. [C.R.] n° 9 du 22 janvier 2004).
Ainsi la loi réécrit entièrement l'article 20-9 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, afin d'y insérer l'ensemble des règles relatives à l'application des peines concernant les mineurs.
« En cas de condamnation prononcée par une juridiction spécialisée pour mineurs, le juge des enfants exerce les fonctions dévolues au juge de l'application des peines par le code pénal et le code de procédure pénale », précise désormais la loi (ord. 2 février 1945, art. 20-9 nouveau ).
Jusque-là, l'exercice par le juge des enfants des attributions relevant du juge de l'application des peines était prévu pour les peines exécutées en milieu ouvert : emprisonnement assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve ou avec l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, suivi socio-judiciaire, travail d'intérêt général.
Désormais, le juge des enfants devra également assurer le suivi des condamnations à des peines d'emprisonnement fermes : remise de peine, permission de sortir, fractionnement ou suspension de peine, semi-liberté, libération conditionnelle, placement sous surveillance électronique...
Concrètement, la plupart des mineurs effectuent leur emprisonnement avant jugement dans le cadre de la détention provisoire et, en raison de la durée limitée des peines prononcées, les intéressés bénéficient assez rarement de mesures d'individualisation des peines. Le plus souvent, lorsque le juge de l'application des peines était saisi, la durée de la peine restant à exécuter était trop courte pour permettre un aménagement de celle-ci.
Selon les travaux parlementaires effectués en mai 2003 lors de la présentation de la proposition de loi sénatoriale, ce transfert de compétences pourrait concerner chaque année entre 400 et 800 mineurs qui feraient ainsi l'objet d'un aménagement de peine (Rap. Sén. n° 291, Jean-Claude Carle et Jean-Pierre Schosteck, mai 2003). Toutefois, certaines réformes telles que la création d'une procédure de jugement à délai rapproché - prévue par la loi Perben I (12) - pourraient conduire, à moyen terme, à une diminution de la détention provisoire des mineurs au profit d'incarcérations après condamnations. Ainsi, à terme, il pourrait y avoir un rééquilibrage entre la proportion de jeunes détenus avant jugement - qui ne peuvent bénéficier d'un aménagement de peine - et celle des jeunes condamnés à une peine d'emprisonnement - pour lesquels une mesure d'individualisation de la peine est possible.
Toujours selon l'article 20-9 de l'ordonnance du 2 février 1945, le juge des enfants sera compétent pour l'application des peines jusqu'à ce que la personne condamnée ait atteint l'âge de 21 ans. Toutefois, lorsque le condamné a atteint l'âge de 18 ans au jour du jugement, le juge des enfants ne sera compétent en matière d'application des peines que si la juridiction spécialisée le décide par une décision spéciale.
La première règle est introduite pour permettre d'éviter un changement trop brutal de magistrat en laissant au juge des enfants la possibilité de suivre des condamnés âgés de 18 ans à 21 ans. Rappelons, en effet, que les juridictions spécialisées pour mineurs statuent fréquemment sur le cas de jeunes majeurs, leur compétence étant en effet déterminée par l'âge de l'intéressé au moment de la commission des faits et non au moment du jugement.
La seconde vise au contraire à prendre, par exemple, en compte la situation d'un jeune qui commet des faits pénalement réprimés à 17 ans, mais n'est jugé qu'à 20 ans. Dans ce cas, l'attribution au juge des enfants de la compétence en matière d'application des peines jusqu'à ce que le condamné ait 21 ans présente, en effet, peu d'intérêt. Le juge des enfants risque de se dessaisir aussitôt la décision rendue.
Ainsi, au total, lorsque le condamné est majeur au moment du jugement, le principe de la compétence du juge de l'application des peines demeure, sauf si la juridiction de jugement en décide autrement.
Enfin, « en raison de la personnalité du mineur ou de la durée de la peine prononcée », le juge des enfants pourra se dessaisir au profit du juge de l'application des peines lorsque le condamné aura atteint ses 18 ans.
La loi Perben II inclut, par ailleurs, le juge des enfants dans la liste des magistrats qui visitent les établissements pénitentiaires. Une liste donnée par l'article 727 du code de procédure pénale et qui comprenait jusque-là le juge de l'application des peines, le juge d'instruction, le président de la chambre de l'instruction, le procureur de la République et le procureur général.
Cette disposition découle logiquement du fait que le juge des enfants devient compétent en matière d'application des peines prononcées contre les mineurs, y compris lorsque des peines d'emprisonnement sont prononcées. Par cette visite des établissements pénitentiaires de son ressort, le magistrat devrait ainsi avoir une connaissance des conditions d'incarcération des mineurs et des activités qui leur sont proposées en détention.
En tout état de cause, certaines décisions d'application des peines - en particulier les libérations conditionnelles - ne peuvent, sauf exception, intervenir qu'après un débat contradictoire au sein de l'établissement où est détenue la personne concernée. Le juge des enfants se rendra donc nécessairement dans les établissements pénitentiaires.
A noter que le juge des enfants devait déjà contrôler au moins une fois par an les conditions d'incarcération des mineurs dans les quartiers spéciaux des maisons d'arrêt situées dans son ressort (code de procédure pénale [CPP], art. D. 177, al. 4).
Corrélativement, le législateur prévoit que le tribunal pour enfants exercera, à compter du 1er janvier 2005, les attributions dévolues en matière d'application des peines au tribunal de l'application des peines et la chambre spéciale des mineurs auprès de la cour d'appel celles relevant de la chambre de l'application des peines (ord. 2 février 1945, art. 20-9 nouveau).
A noter : tribunal de l'application des peines et chambre de l'application des peines de la cour d'appel ont, eux-mêmes, été créés par la loi Perben II. Ils remplaceront notamment, à compter du 1er janvier 2005 (art. 207, II de la loi), les juridictions régionales de la libération conditionnelle et la juridiction nationale de la libération conditionnelle (13). Le tribunal de l'application des peines se prononcera notamment sur les mesures concernant la libération conditionnelle ou la suspension de peine qui ne relèvent pas du juge de l'application des peines. Ses décisions, de même que celles du juge de l'application des peines, seront susceptibles d'appels devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel.
« Pour la préparation de l'exécution, la mise en œuvre et le suivi des condamnations, le juge des enfants désigne, s'il y a lieu, un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse pour veiller au respect des obligations imposées au condamné. Le juge des enfants peut également désigner à cette fin le service pénitentiaire d'insertion et de probation lorsque le condamné a atteint l'âge de 18 ans » (ord. 2 février 1945, art.20-9, al. 4 nouveau).
Ainsi la loi tend à consacrer la compétence des services de la protection judiciaire de la jeunesse en matière de suivi de l'exécution des peines. Par là, il s'agit de contribuer à améliorer la continuité dans le parcours des jeunes délinquants. Cette disposition se situe dans le droit-fil de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, qui a modifié l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945, notamment pour prévoir la présence d'éducateurs en détention, s'agissant des mineurs de 13 à 16 ans (14).
Tout un pan de la loi Perben II institue des règles procédurales particulières en cas de « délinquance et criminalité organisées » (crimes et délits aggravés de proxénétisme, délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France...) (CPP, art. 706-73 à 706-105 nouveaux) . Ce dispositif n'entrera toutefois en vigueur qu'au 1er octobre 2004 (art. 207, I de la loi) .
Dans ce cadre, des dispositions de prolongation de la garde à vue sont introduites à l'égard des majeurs mais également des mineurs dans certains cas, avec des modalités toutefois spécifiques pour ces derniers.
Ainsi le législateur a subordonné l'application de ce dispositif aux mineurs à la double condition qu'ils aient plus de 16 ans et « qu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que des adultes soient impliqués dans la commission des faits (ord. 2 février 1945, art. 4 modifié) . Ces conditions remplies, si les nécessités d'une enquête relative à l'une des infractions de « criminalité organisée » l'exigent, la garde à vue d'un mineur pourra, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune. Ces dernières, qui s'ajouteront à la durée de droit commun de la garde à vue, pourront, dès lors, porter à 96 heures la durée maximale de la garde à vue pour les mineurs.
Alors que ce dispositif était contesté devant le Conseil constitutionnel, celui-ci l'a jugé conforme sur ce point parce qu'il s'appliquait à « des enquêtes portant sur des infractions nécessitant, en raison de leur gravité et de leur complexité, des investigations particulières ». Il a également considéré que cela ne remettait pas en cause les dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 qui exclut de la garde à vue les mineurs de moins de 13 ans et subordonne celle des autres mineurs à des conditions particulières : le mineur placé en garde à vue fait l'objet d'un examen médical, a le droit de demander à s'entretenir avec un avocat à la première heure de sa garde à vue et ne peut voir celle-ci prolongée sans présentation préalable au procureur de la République ou au juge chargé de l'instruction. Enfin, ses interrogatoires font l'objet d'un enregistrement audiovisuel.
La loi Perben II introduit, pour les mineurs, de nouvelles modalités de retrait des condamnations du casier judiciaire d'application immédiate, se rapprochant ainsi du régime applicable aux majeurs. Jusque-là, en effet, les peines et mesures prononcées à l'égard des mineurs faisaient l'objet d'un traitement spécifique.
Aucune modification n'est apportée aux modalités d'enregistrement des décisions prononcées contre les mineurs. Ainsi, selon l'article 768 du code de procédure pénale, les mesures éducatives (admonestation, remise à parents, placement, liberté surveillée...), les sanctions éducatives (confiscation d'un objet ayant servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit, interdiction de rencontrer ou de recevoir la ou les victimes de l'infraction, obligation de suivre un stage de formation civique...) et les sanctions pénales sont inscrites au casier judiciaire.
En tout état de cause, ces décisions ne figurent qu'au bulletin n° 1. Rappelons que le casier judiciaire se décompose en trois bulletins. Le n° 1, exclusivement délivré à l'autorité judiciaire, enregistre toutes les condamnations définitives prononcées à l'encontre d'un individu. Le bulletin n° 2, relevé partiel, ne peut être remis qu'à certaines autorités administratives. Quant au bulletin n° 3, relevé très expurgé, il peut être réclamé par l'intéressé lui-même.
En premier lieu, la loi abroge l'article 769-2 du code de procédure pénale qui prévoyait les cas de retrait automatique du casier judiciaire de certaines condamnations à la majorité des intéressés.
Etaient concernées les fiches du casier judiciaire relatives :
aux mesures éducatives, aux sanctions éducatives et aux dispenses de mesures prononcées par le juge des enfants et le tribunal pour enfants à leur date d'expiration et en tout cas lorsque le mineur a atteint 18 ans ;
à des condamnations à des peines d'amende ainsi qu'à des peines d'emprisonnement n'excédant pas deux mois prononcées contre des mineurs, lorsque l'intéressé atteint l'âge de sa majorité ;
aux autres condamnations pénales prononcées par les tribunaux pour enfants, assorties du bénéfice du sursis avec ou sans mise à l'épreuve ou assorties du bénéfice du sursis avec l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, à l'expiration du délai d'épreuve.
Selon les travaux parlementaires, ce dispositif suscitait des difficultés lorsque les magistrats devaient statuer sur la situation de jeunes majeurs qui comparaissaient devant eux. Ignorant tout de leurs antécédents judiciaires, les juges ne pouvaient en effet tenir compte des peines et mesures déjà prononcées dans le passé à leur encontre et il leur était plus difficile, dans ces conditions, de déterminer une sanction adaptée.
« La volonté d'oubli des fautes de jeunesse qui a présidé à l'établissement du régime spécifique applicable aux mineurs en matière d'inscription au casier judiciaire s'accorde mal avec l'impératif de réinsertion des jeunes délinquants, qui impose de prendre des mesures adaptées à leur personnalité et à leur parcours passé », explique ainsi le rapporteur au Sénat (Rap. Sén. n° 441, septembre 2003, François Zocchetto).
En contrepartie, la loi complète l'article 769 du code de procédure pénale qui énonce les règles générales applicables en matière de retrait des fiches insérées au casier judiciaire. Cette disposition énumère notamment les situations dans lesquelles certaines décisions ou condamnations sont retirées du casier judiciaire. Par exemple, les condamnations pour contraventions sont effacées à l'expiration d'un délai de 3 ans à compter du jour où ces condamnations sont définitives. Les condamnations assorties en tout ou partie de sursis sont supprimées à l'expiration des délais prévus par le code pénal en matière de réhabilitation.
A cette liste sont désormais ajoutées les fiches relatives aux mesures éducatives, aux sanctions éducatives et aux dispenses de mesures prononcées par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants à l'égard des mineurs. Ces dernières ne pourront toutefois être retirées qu' « à l'expiration d'un délai de 3 ans à compter du jour où la mesure a été prononcée si la personne n'a pas, pendant ce délai » :
soit subi de condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle ;
soit exécuté une composition pénale. Rappelons que la composition pénale est réservée aux personnes majeures (CPP, art. 41-2 modifié). Toutefois, elle pourra éventuellement être prononcée à l'égard d'une personne mineure au moment des faits et devenue majeure au jour du jugement ;
soit fait l'objet d'une nouvelle mesure prononcée en vertu de l'ordonnance du 2 février 1945.
Ce nouveau dispositif ne concerne, toutefois, que le bulletin n° 1. Relevons, en effet, que, en vertu des articles 775 et 777 du code de procédure pénale, l'inscription aux bulletins n° 2 et 3 du casier judiciaire de l'ensemble des peines et mesures prononcées à l'égard de mineurs est exclue. Aussi pour le rapporteur au Sénat, ce nouveau dispositif « ne constitue pas un obstacle à l'insertion dans la société du mineur qui a commis des infractions » (J.O.A.N.[C.R.] n° 83 du 9 octobre 2003).
Au final, l'ensemble de ce système revient donc à prévoir :
un délai de 3 ans pour l'effacement des mesures et sanctions éducatives en l'absence de nouvelle condamnation ;
un alignement sur les règles applicables aux majeurs en ce qui concerne les condamnations pénales prononcées à l'égard des mineurs.
En dehors de ces règles, une loi d'amnistie permet également d'envisager le retrait du casier judiciaire d'une peine prononcée à l'encontre d'un mineur. De même, ce dernier peut également avoir recours à la procédure de suppression facultative. Pour mémoire, l'article 770 du code de procédure pénale prévoit que tout mineur, même devenu majeur entre-temps, condamné par une juridiction spécialisée pour mineurs, peut demander au tribunal pour enfants la suppression du casier judiciaire de la fiche concernant cette condamnation, après l'expiration d'un délai de 3 ans. Cette faculté est également ouverte au ministère public et au tribunal qui peut se saisir d'office.
Sophie André
(1) La première dans le cadre de la nouvelle incrimination de « bande organisée », la seconde dans celui de la procédure du « plaider-coupable » - Voir ASH n° 2349 du 5-03-04.
(2) Voir ASH n° 2276 du 13-09-02.
(3) Voir ASH n° 2276 du 13-09-02.
(4) Voir ASH n° 2302 du 14-03-03.
(5) S'agissant des majeurs, le stage est au contraire, en principe et dans certaines limites, effectué aux frais du condamné. Nous y reviendrons dans un prochain numéro.
(6) Voir ASH n° 2342 du 16-01-04.
(7) Voir ASH n° 2278 du 27-09-02.
(8) Cet article est également modifié par la loi Perben II (art. 178 de la loi). Nous y reviendrons dans un prochain numéro.
(9) Voir ASH n° 2278 du 27-09-02.
(10) Voir ASH n° 2270 du 5-07-02.
(11) Ils avaient d'ailleurs déjà présenté une proposition de loi en ce sens au Sénat en mai 2003.
(12) Voir ASH n° 2278 du 27-09-02.
(13) Nous y reviendrons dans un prochain numéro.
(14) Voir ASH n° 2278 du 27-09-02.