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Inquiétudes sur les nouvelles modalités d'aménagement de peine

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La disposition de la loi Perben II qui renforce le rôle des directeurs de services pénitentiaires d'insertion et de probation  (SPIP) dans l'aménagement des fins de peine laisse les professionnels perplexes.

Les directeurs de SPIP devront désormais examiner la situation des détenus condamnés à une peine inférieure à cinq ans et auxquels il reste, selon le cas, trois ou six mois d'emprisonnement à purger et déterminer la mesure d'aménagement « la mieux adaptée à leur personnalité » avant de saisir le juge de l'application des peines (JAP). Si le magistrat ne répond pas dans les trois semaines, le directeur du SPIP pourra décider d'exécuter la mesure d'aménagement.

Dessaisissement du judiciaire ?

Au vu du sous-effectif des services des JAP qui pourront difficilement répondre dans les délais impartis, beaucoup considèrent qu'il s'agit d'un renversement de facto du pouvoir de décision : « C'est un dessaisissement du judiciaire au profit de l'administration », juge Bruno Thouzellier, chargé de mission à l'Union syndicale des magistrats. Même si le texte contient des garde-fous : le procureur de la République pourra, dans un délai de 24 heures après notification de la décision de la part du SPIP, former un recours suspensif. L'Union générale des syndicats pénitentiaires (UGSP) -CGT, pour laquelle le JAP doit rester le garant des mesures d'individualisation des peines, ne voit pas non plus cette mesure d'un bon œil : « Cette systématisation des aménagements de fin de peine ne sera qu'un moyen de gestion des flux. On vide les prisons pour mieux les remplir, sans prendre en compte le projet d'insertion du détenu », estime Véronique Guignon, secrétaire nationale du syndicat et référente pour les SPIP (1).

Plus nuancé, le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire (Snepap) -FSU estime que le législateur s'est montré incapable de trancher la question : qui - de l'administration ou du magistrat - sera le véritable décisionnaire ? Ses réserves concernent surtout la portée limitée de l'aménagement des peines : comme l'UGSP-CGT, il rappelle que la libération conditionnelle est exclue du dispositif (seuls sont concernés la semi-liberté, le placement à l'extérieur ou sous surveillance électronique) et que la situation des détenus devrait être examinée bien plus en amont. Les affirmations du garde des Sceaux, qui indiquait récemment mener une « politique volontariste » en matière d'aménagement de peine dans sa réponse aux critiques du Comité anti-torture du Conseil de l'Europe sur la surpopulation carcérale (2), n'est d'ailleurs guère convaincante. Refusant les critiques syndicales, tant du milieu judiciaire que pénitentiaire, sur une politique jugée trop répressive, la chancellerie a en outre ajouté que la surpopulation carcérale serait due à l'augmentation de la délinquance...

Les syndicats sont aussi très dubitatifs sur la mise en œuvre pratique de ce nouveau système de déclenchement de l'aménagement de fin de peine. « Le mécanisme sera très lourd d'un point de vue administratif, ce qui reste assez inimaginable lorsque l'on connaît l'état des effectifs des SPIP », commente Michel Flauder, secrétaire général du Snepap-FSU. Seuls environ 2 100 agents travaillent dans les services d'insertion et de probation. Quelque 150 travailleurs sociaux entreront en formation à la rentrée prochaine pour être en poste... dans deux ans ! Les personnels pénitentiaires se voient demander « toujours davantage, avec 10 000 détenus de plus qu'il y a trois ans, mais aussi avec moins de temps pour tout faire, pour cause d'effectifs de tous corps insuffisants », souligne l'UGSP-CGT. Reste que, sans solution d'insertion à la sortie, ces nouvelles dispositions risquent d'être contre-productives. « Les publics “justice” n'échappent pas aux coupes sombres dont sont victimes les associations œuvrant dans le social », note Michel Flauder.

La suspension de peine pour les malades, un droit théorique

Le problème n'est malheureusement pas nouveau et dépasse celui de l'aménagement des fins de peines. Act Up relève ainsi que la suspension de peine pour raisons médicales ne peut être appliquée, faute, entre autres, d'hébergements spécifiques. Depuis le 4 mars 2002, date de l'entrée en vigueur de la loi sur le droit des malades, seules 83 personnes ont eu droit à une suspension de peine, selon l'association qui vient d'interpeller le ministre des Affaires sociales. « Aujourd'hui, des malades restent en détention, alors que leur suspension de peine a été accordée, parce qu'aucune structure ne peut les accueillir », dénonce-t-elle, exigeant « un lieu d'accueil pour tous les malades sortant de prison, et une augmentation du nombre d'appartements de coordination thérapeutique ». Elle réclame également une plus grande transparence sur le système de suspension de peine et un examen plus rapide des demandes, plusieurs décès de malades étant survenus pendant ou peu après l'instruction du dossier.

M. LB.

Notes

(1)  La revue de l'Observatoire international des prisons consacre un dossier à la loi Perben II, dans lequel est notamment dénoncée « l'illusion gestionnaire » du texte. Dedans-dehors n° 41 - OIP : 31, rue des Lilas - 75019 Paris - Tél. 01 44 52 87 90 - 5  €.

(2)  Voir ASH n° 2344 du 30-01-04.

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