« Welcome to France », « Bine ati venit in Franta », « Fransa'ya hos geldiniz »... sur l'écran de la salle de réunion, les formules de bienvenue accueillent les 20 étrangers nouvellement arrivés sur le territoire français. Souvent accompagnés d'un conjoint ou d'un proche faisant office de traducteur, ils écoutent les auditeurs sociaux de la plate-forme de l'Office des migrations internationales (OMI) du Val-d'Oise leur présenter le nouveau contrat d'accueil et d'intégration (CAI).
Lancé à titre expérimental le 1er juillet dans 12 départements (1), ce dispositif, instauré dans le cadre de la nouvelle politique gouvernementale d'accueil, propose à tous les primo-arrivants de concrétiser leur volonté d'entrer dans un parcours d'intégration par la signature d'un contrat. « On souhaite sortir d'une relation d'anonymat et adresser à chaque migrant une offre de services personnalisée qui tienne compte de ses besoins. Mais ce contrat signifie aussi réciprocité. On attend donc des personnes qu'elles s'engagent dans une démarche volontariste d'intégration, ce qui suppose une acceptation des lois de la République et des valeurs fondamentales de la société », explique Laurence Bassano, sous-directrice de l'accueil et de l'intégration à la direction de la population et des migrations. Outre l'incontournable visite médicale, préalable à la délivrance d'un titre de séjour, la plate-forme d'accueil présente aux primo-arrivants la vie en France, ses règles et ses institutions à travers un film vidéo, avant d'exposer dans le détail les prestations et prérogatives relatives au CAI.
Un entretien individuel avec un auditeur social permet ensuite de mieux appréhender la situation sociale, familiale et professionnelle de la personne, de la diriger si nécessaire vers une assistante sociale du service social d'aide aux émigrants (SSAE) et d'évaluer son niveau linguistique pour l'orienter vers une formation appropriée. Lors de cette entrevue, l'auditeur revient une fois encore sur le contenu et les obligations du contrat d'accueil et d'intégration.
Les signataires du contrat s'engagent à suivre une journée obligatoire de formation civique et, pour ceux qui en ont besoin, une formation linguistique de 200 à 500 heures, validée par une attestation ministérielle de compétence linguistique (AMCL). Le dispositif permet également d'assister à une journée d'information facultative, intitulée « Vivre en France », destinée à familiariser les nouveaux arrivants avec les institutions locales et à les aider dans l'accès aux droits.
Une des avancées du dispositif concerne les modalités d'accès à la formation linguistique. « Avec ce contrat, on est capable pour la première fois de proposer aux primo-arrivants une formation en français proche de chez eux et avec un rendez-vous dans les 15 jours environ. Avant, faute de place, ils pouvaient attendre six mois, voire un an, et on n'avait aucun retour », explique Christophe Gontard, délégué de l'OMI pour le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Une opinion partagée par Bénédicte Maurice, chef du bureau Accueil et Intégration sur la plate-forme de l'OMI de Paris-Nord (2) : « Les personnes qui arrivent sont principalement à la recherche d'un emploi. Si le délai pour entrer en formation est trop long, elles prendront un travail sans attendre. »
Pour limiter les risques de décrochages massifs, les prestataires de formations linguistiques ont été sélectionnés sur des critères de souplesse et de proximité. Sur la plate-forme de Lille (3), l'équipe chargée de mettre en place le dispositif dans le Nord peut s'appuyer sur un réseau de neuf sites de formation linguistique répartis sur l'ensemble du département et elle étudie des aménagements pour permettre aux personnes salariées de suivre des cours de français le samedi matin ou en soirée.
Cette adaptation à la réalité des situations des primo-arrivants est jugée aussi indispensable dans le Val-d'Oise, même si l'on s'interroge sur l'allongement dans le temps des sessions. « Il est vrai qu'au rythme de trois heures et demie par semaine, le parcours sera très long pour des formations globales de 500 heures. Mais il est possible de permettre à ceux dont le contrat de travail - souvent un contrat à durée déterminée ou une mission -s'achève de rattraper les cours en semaine », estime néanmoins Lahrima Bouloua, chargée de coordination du CAI dans le Nord pour ID Formation.
Ce nouveau contrat permet en outre d'instaurer un suivi individualisé grâce aux retours d'informations fournis par les organismes de formation linguistique ou civique. « Le recueil des données permet aux auditrices sociales d'aller au-delà d'un simple listing des présences et absences et d'avoir un contact permanent avec les signataires du CAI. Elles vont trouver une autre date pour quelqu'un qui ne peut pas assister à la journée de formation civique, être au courant quand une personne a trouvé un emploi, etc. », note Christophe Gontard.
L'offre de prestations et l'accompagnement accru constituent un réel progrès dans la politique d'accueil des nouveaux arrivants. Reste que le taux globalement très élevé d'adhésion au CAI (97 % de signatures enregistrées en fin d'année dans le Nord et 80 % dans le Val-d'Oise) ne doit pas occulter les difficultés rencontrées par la suite. A la première journée de formation linguistique, on constate une déperdition de 40 % dans le Val-d'Oise et de plus de 30 % dans le Nord des personnes ayant signé le contrat. « Malgré les efforts réalisés en termes de délais et de proximité, il reste souvent le problème des enfants à garder. En outre, pour de nombreux primo-arrivants, le travail passe quand même avant l'apprentissage du français », constate Bénédicte Maurice. Les barrières culturelles sont souvent difficiles à abattre, confirme Florence Pouille, coordinatrice du CAI sur la plate-forme de Lille : « Dans certains pays, le rapport au travail n'est pas le même. On peut prendre un travail très facilement, passer à un autre dès qu'on n'en a plus, et ainsi de suite. Il n'est pas toujours facile de faire comprendre à certains primo-arrivants qu'il vaut mieux prendre le temps d'apprendre le français pour pouvoir occuper des postes plus intéressants et mieux rémunérés. »
Cette phase d'expérimentation a également fait apparaître la nécessité d'affiner certains modes de fonctionnement du contrat d'accueil et d'intégration pour mieux tenir compte de la diversité des publics accueillis. L'équipe du Val- d'Oise envisage ainsi de répartir selon leur niveau d'études les participants au module de formation civique. Dans le Nord, les responsables du CAI ont décidé d'exempter de présentation collective les quelques cadres de haut niveau reçus sur la plate-forme (environ 1 % des signataires du contrat) et étudient la possibilité de faire agréer les formations linguistiques qu'ils suivent, souvent à l'extérieur du dispositif (et qui sont financées par leur entreprise), pour leur permettre d'obtenir leur attestation de compétence linguistique. Parallèlement, certains professionnels s'interrogent sur l'opportunité de maintenir le même déroulement chronologique pour des catégories de publics dont les attentes sont souvent très différentes. « Les personnes arrivant dans le cadre du regroupement familial, notamment, ne ressentent pas toujours l'importance de la formation linguistique dès leur venue. En revanche, huit mois après, lorsqu'elles auront posé leurs valises et qu'il y aura par exemple un suivi scolaire à faire, l'apprentissage de la langue leur apparaîtra peut-être comme quelque chose d'essentiel », souligne Florence Pouille.
Au-delà de ces ajustements, certaines plates-formes commencent à développer des partenariats pour accompagner le dispositif sur le terrain. « On essaie de mettre en relation les primo-arrivants avec les réseaux d'accueil des nouveaux habitants ou les centres sociaux de quelques grandes municipalités telles que Lille et Roubaix pour qu'ils puissent participer aux réunions d'information sur l'ensemble des services municipaux », explique Christophe Gontard. La plate-forme de Lille travaille en outre avec l'ANPE à la création d'un réseau de correspondants dans chaque bassin d'emploi du département du Nord. Ils seront chargés d'apporter aux personnes des informations générales (fonctionnement des agences, marché de l'emploi, procédures, etc.) et de les aider individuellement dans leur démarches de recherche d'emploi. Sur ce même principe, des réseaux de correspondants pour la caisse d'allocations familiales et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) devraient être développés dans l'ensemble du département. « Cette déclinaison du CAI fait partie de notre mission, mais elle est assez complexe à mettre en place car il y a parfois un manque d'harmonisation des pratiques, juge néanmoins le délégué régional de l'Office des migrations internationales sur la plate-forme de Lille. Pour la CPAM, par exemple, on va se retrouver avec des conjoints de Français admis à la couverture maladie universelle, alors qu'ils pourraient être ayants droit de leur conjoint. » Dans le même temps, les équipes de Lille continuent à mener un important travail de communication auprès des élus locaux dont certains, par exemple, font « entrer les demandeurs d'asile dans le public bénéficiaire du contrat d'accueil et d'intégration ».
Autant d'expériences sur lesquelles devrait s'appuyer la généralisation d'un dispositif plutôt bien accueilli sur le terrain. Car il repose, comme le souligne Christophe Gontard, sur « une notion dynamique d'engagement entre l'Etat et une personne étrangère qui arrive et n'est pas complètement assistée ». Reste à assurer concrètement les obligations réciproques qu'un tel contrat implique.
Henri Cormier
Elément phare de la relance de la politique publique de l'accueil des étrangers, le contrat d'accueil et d'intégration (CAI) concerne tous les migrants de plus de 18 ans qui arrivent sur le territoire (bénéficiaires du regroupement familial, membres étrangers de famille française, réfugiés statutaires et membres de leur famille, apatrides et membres de leur famille, etc.) et qui désirent s'y installer durablement, à l'exception des demandeurs d'asile. Les grandes orientations du CAI sont fixées par la direction de la population et des migrations, tandis que l'Office des migrations internationales (OMI) se charge de le mettre en place et d'en assurer le suivi en partenariat avec le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations comme financeur. Dans les prochaines semaines, une agence nationale chargée de l'intégration devrait fusionner les moyens et personnels de l'OMI et du service social d'aide aux émigrants pour coordonner l'ensemble de ce dispositif. A l'issue de la phase expérimentale, le 31 décembre 2003, 8 027 primo-arrivants ont signé le CAI dans les 12 départements concernés, soit un taux d'adhésion moyen de 87,1 %. 34 % d'entre eux ont eu besoin d'une formation linguistique et 17 % seulement des bénéficiaires se sont inscrits à la journée (facultative) « Vivre en France ». A partir de cette année, le CAI sera étendu à 26 départements. L'objectif est de parvenir à 45 000 contrats signés à la fin 2004 et de toucher la totalité des quelque 100 000 migrants réguliers à la fin 2005. La signature et le respect du contrat devraient être prochainement liés à la délivrance de la carte de résident de longue durée, a précisé, le 10 février, François Fillon, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité.
(1) Voir ASH n° 2321 du 22-08-03.
(2) OMI - Délégation régionale de Paris-Nord : 53/55, rue Hoche - 93170 Bagnolet - Tél. 01 49 72 54 00 - A la fin décembre 2003, 1 400 personnes avaient signé le CAI dans le Val-d'Oise.
(3) OMI - Délégation régionale de Lille : 892, avenue de la République - 59700 Marcq-en-Barœul - Tél. 03 20 99 98 60 - Mi-janvier 2004, 1 400 personnes avaient signé le CAI dans le département du Nord.