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Handicap : de nouvelles contributions au débat sur la réforme de la loi de 1975

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Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la par-ticipation et la citoyenneté des personnes handicapées (1) ne semble décidément pas « ficelé ». La secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, Marie-Thérèse Boisseau, avait annoncé qu'elle déposerait elle-même de nombreux amendements au cours du débat parlementaire. Elle a cependant créé la surprise en annonçant, lors du début de l'examen en première lecture par le Sénat, le 24 février, qu'elle proposerait l'ouverture de la prestation de compensation aux enfants (2). Idée qu'elle repoussait encore fermement lors de la présentation de son projet, le 28 janvier, au motif que l'allocation d'éducation spéciale tenait lieu de compensation pour les moins de 20 ans.

Entre-temps, le texte laissant décidément beaucoup de motifs d'insatisfaction, les propositions d'évolution ou d'amendements avaient continué d'arriver, notamment de la part du Conseil économique et social (CES), du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et de la commission des affaires sociales du Sénat. Avec la conviction, exprimée par Jean-Marie Schléret, président du CNCPH, que « le projet peut encore évoluer ». Le débat à la Haute Assemblée devait se poursuivre jusqu'au 26 février.

Le CES prône la suppression des barrières d'âge dans la compensation des incapacités...

Les barrières d'âge établies à 20 ans et à 60 ans « ne reposent sur aucun fondement pertinent et sur aucune réalité concrète. Elles présentent en outre l'inconvénient majeur de générer des discriminations et des inégalités parmi les personnes nécessitant des aides. » S'étant auto-saisi un peu tardivement d'un rapport sur la prise en charge collective des personnes en situation de handicap parce qu'il estimait « avoir des choses à dire » à l'occasion de la réforme de la loi de 1975, le Conseil économique et social a choisi de centrer sa contribution aux débats sur trois points seulement, mais de parler clairement (3).

Première conviction, martelée par son rapporteur, Maurice Bonnet (4)  : la création d'un droit à compensation devrait être l'occasion ou jamais de supprimer les barrières d'âge. Ce droit, qui pourrait prendre la forme d'une prestation « handicap-incapacité-dépendance » (HID), devrait en effet être ouvert à toute personne, quels que soient son âge, son lieu de vie, l'origine et la gravité de ses difficultés. Il se substituerait notamment aux actuelles allocation compensatrice pour tierce personne et allocation personnalisée d'autonomie. Ce dispositif universel, qui aurait l'intérêt de mettre en cohérence les multiples réglementations et dispositifs en vigueur, permettrait aussi de répondre aux besoins de populations mal couvertes comme les personnes atteintes de maladies chroniques, estime l'assemblée consultative.

Cette nouvelle prestation polyvalente serait attribuée par des équipes labellisées et indépendantes, qui devraient mettre en œuvre un outil commun d'évaluation des incapacités et définir, avec la participation de l'intéressé, un plan d'aide personnalisé.

Le financement « solidaire, juste et pérenne » de ce dispositif devrait être assis sur toutes les sources de revenu , « notamment ceux du capital et des retraités » et géré par les organismes de sécurité sociale. Rappelant les débats intervenus autour du « cinquième risque », le CES affirme son opposition à la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale, « qui lui paraît inutile et inopportune », de même qu'à la création et au mode de financement de la future caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (5). Pour lui, la gestion du fonds national tout comme sa gestion locale devrait être confiée aux organismes de sécurité sociale. Ce qui ne les empêcherait pas d'associer, au plan local et « dans un cadre partenarial », d'autres acteurs comme les collectivités territoriales, les mutuelles, les comités départementaux des personnes handicapées et des personnes âgées, les professionnels et les associations.

Cet avis a été adopté le 25 février par 128 voix pour et 33 abstentions.

... tandis que le CNCPH donne la priorité à l'accès de tous aux droits fondamentaux...

Douze amendements, pas plus. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, ou plutôt sa commission permanente réunie le 18 février, soucieuse de « participer de manière active au débat parlementaire », a choisi de « concentrer le tir » de ses dernières propositions sur quelques points, mais fondamentaux (6). En modifiant au passage l'intitulé de la loi et tous les paragraphes qui parlent de « personnes handicapées » pour les remplacer par des « personnes en situation de handicap ». Histoire de rappeler que le handicap est le résultat de l'interaction d'une déficience et d'un environnement et que la société a, d'abord et avant tout, la responsabilité de faire évoluer cet environnement pour le rendre accessible à tous.

C'est aussi le sens du premier projet d'amendement qui vise tout bonnement à modifier l'organisation générale du texte. Il s'agirait de traiter d'abord de l'accès de tous aux droits fondamentaux - dont l'effectivité devrait être promue au rang « d'obligation nationale  » - avant d'envisager le droit à compensation en cas de rupture dans l'égalité d'accès aux droits. Le conseil souhaite également qu'un chapitre soit consacré aux modalités de mise en œuvre, la loi devant définir la programmation des actions et leur financement, les moyens de contrôle et d'évaluation, et les dispositifs de sanction.

Plusieurs propositions visent à donner toute son extension au « droit à compensation » des conséquences du handicap. Le conseil précise d'abord que ce droit a vocation à s'appliquer quels que soient l'âge, le type de handicap et le mode de vie. Ce qui exclut, par exemple, la disposition qui réserve son application aux personnes ayant plus de 80 % d'incapacité permanente. Il souhaite aussi que la compensation, qui ne pourvoit qu'aux surcoûts propres au handicap « et ne couvre nullement un besoin de subsistance », soit accordée sans condition de ressources. Enfin, il précise que son champ doit inclure la protection juridique et l'activité des aidants, notamment familiaux.

Le conseil demande également que le droit « à la garantie d'un minimum de ressources » pour les personnes empêchées de travailler soit transformé en une « garantie de ressources suffisantes ». Dans cette logique, il propose que, dans un délai de cinq ans, le montant de l'allocation aux adultes handicapés soit égal à celui du SMIC, les sommes versées à ce titre étant alors soumises aux prélèvements sociaux et fiscaux.

Un amendement vise aussi à transposer plus complètement la directive européenne relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi. Il précise que l'employeur est tenu de procéder à des « aménagements raisonnables, en fonction des besoins dans une situation concrète  », l'absence de ces aménagements raisonnables étant « constitutif d'une discrimination indirecte ».

Le conseil réitère son vœu de voir tout enfant handicapé inscrit à l'école de son secteur. Il revendique aussi le droit à une information adaptée pour tous, ce qui devrait notamment se traduire par une obligation faite aux chaînes audiovisuelles de rendre accessible aux personnes sourdes et malentendantes la totalité des programmes qu'elles diffusent.

Enfin, il souhaite que la loi réaffirme noir sur blanc que « l'Etat est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire ».

... et que la commission des affaires sociales du Sénat propose la création d'un médiateur des personnes handicapées

De leur côté, les membres de la commission des affaires sociales du Sénat ont émis 103 propositions d'amendements. Certaines vont dans le sens des revendications du CNCPH, même si c'est avec des restrictions. Ainsi, pour ne pas « vider de son sens le principe de compensation du handicap », il s'agit « d'encadrer la prise en charge des ressources du bénéficiaire pour calculer le montant de l'aide ». Encadrer, limiter, mais pas refuser... La commission préconise aussi d'étendre le droit à compensation aux enfants « dès l'âge de 13 ans, et dans un délai de dix ans ». Autre proposition :l'adossement des futures maisons départementales du handicap à des groupements d'intérêt public, ce qui permettrait d'y associer tous les partenaires et tous les financeurs. A quoi s'ajoute l'idée d'y adjoindre un médiateur des personnes handicapées, nommé par l'autorité judiciaire et capable de garantir l'indépendance de l'évaluation des besoins et des moyens de compensation.

M.-J. M.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2344 du 31-01-04.

(2)  La secrétaire d'Etat se propose également d'étendre la prestation de compensation aux adultes bénéficiaires de la majoration pour tierce personne.

(3)   « Pour une prise en charge collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de handicap » - Rapport disponible sur www.ces.fr.

(4)  Ancien vice-président du Comité national des retraités et des personnes âgées et ancien président de l'Unassad.

(5)  Voir ASH n° 2342 du 16-01-04.

(6)  Sur les précédentes réactions et propositions du CNCPH, voir ASH n° 2342 du 16-01-04.

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