« Est-il arrivé que l'on se moque de vous, que l'on vous mette à l'écart, que l'on vous traite de façon injuste ou que l'on vous refuse un droit à cause de... ? » A cette question suivie de 16 propositions, 32 % des adultes vivant en métropole répondent oui. Soit, quand même, 15 millions de personnes parmi les plus de 18 ans. C'est une enquête originale portant sur la construction des identités et intitulée « Histoire de vie », menée par l'INSEE de février à avril 2003, qui donne ce résultat (1). Il s'agissait, sans utiliser le mot, de mesurer les discriminations telles qu'elles sont ressenties de manière concrète par les victimes.
Bien sûr, les faits rapportés sont de gravité variable : 57 % consistent en des moqueries ou des insultes, 17 % en des traitements injustes, 16 % en des mises à l'écart et 10 % en des refus de droit. Trois fois sur quatre, les faits se sont répétés.
Les motifs invoqués sont aussi multiples. Les plus fréquemment cités ont trait à l'apparence physique (poids, taille, look …), puis à la façon de parler (citée par 15 % des victimes), à la situation professionnelle ou au niveau d'instruction (13 %), à la région ou au pays d'origine (12 %), à l'âge (12 %), à l'état de santé ou au handicap (10 %), à la couleur de peau (8 %), aux opinions politiques ou religieuses (8 %), au sexe (7 %), au lieu de vie (6 %), etc. L'orientation sexuelle est mentionnée dans 1 % des cas.
Les comportements évoqués ne sont pas anodins : s'ils n'ont pas eu de suite dans deux cas sur dix, ils ont fait de la peine ou blessé dans huit cas sur dix et ils ont eu des conséquences concrètes dans la vie de quatre victimes sur dix. Ces derniers faits graves qui ont laissé des traces se sont surtout produits dans le cadre scolaire (37 % des cas), dans une situation de travail ou de recherche d'emploi (29 %), ou du fait des relations familiales ou amoureuses (15 %).
Les jeunes de 18 à 24 ans sont ceux qui se disent les plus exposés - ou qui se montrent les plus sensibles - aux mauvais traitements. C'est, pour les rédacteurs, l'un des résultats les plus surprenants de cette enquête, « ceux qui ont l'expérience de vie la plus courte [déclarant] le plus grand nombre d'attitudes négatives à leur égard ».
Moins étonnant sans doute : les femmes sont plus nombreuses que les hommes à ressentir des discriminations. Pas surprenant du tout : les personnes immigrées ou issues de l'immigration déclarent plus souvent que les autres (39 % contre 30 %) subir des comportements défavorables. Les motifs cités sont alors très spécifiques et renvoient essentiellement à des attitudes racistes, indique l'étude. Autre surexposition : celles des personnes malades (39 %) ou handicapées (33 %) qui sont plus souvent confrontées à des comportements défavorables que les personnes en bonne santé (29 %). Avec des conséquences concrètes dans près d'un cas sur deux.
(1) « Le vécu des attitudes intolérantes ou discriminatoires : des moqueries aux comportements racistes » - Etudes et résultats n ° 290 - Février 2004 - DREES - Disponible sur