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Un million d'enfants pauvres : le plan d'attaque du CERC

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Comme toujours avec les statistiques sur la pauvreté, tout dépend de la hauteur à laquelle on place la barre. La France compte un million d'enfants pauvres, soit 8 % des moins de 18 ans, selon le mode de calcul habituel de l'INSEE, qui se réfère à la moitié du niveau de vie médian (1). Mais on en dénombre près de deux millions (soit près de 16 %) si l'on retient la définition européenne qui hausse le seuil à 60 %du même revenu médian. Quel que soit l'indicateur retenu, le taux de pauvreté des enfants apparaît plus élevé que celui de l'ensemble de la population et se situe à peu près dans la moyenne communautaire. Autant de données livrées par le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), qui défriche ainsi un sujet peu exploré (2).

L'emploi d'abord

Son rapport distingue trois facteurs clés de la pauvreté des enfants. Le premier tient à l'insuffisance d'emploi de leurs parents. En France, en effet,   (contrairement à la Grande-Bretagne, par exemple) c'est moins la faiblesse des bas salaires horaires que la difficulté à occuper durablement un emploi à temps complet qui pèse sur les ménages pauvres. Ils connaissent le chômage de longue durée, ou l'alternance d'emplois précaires et de périodes de chômage ou encore le temps partiel contraint. La présence d'enfants renforce cette difficulté d'emploi, notamment dans les familles monoparentales et celles qui comptent quatre enfants et plus.

Un enfant pauvre sur quatre vit dans une famille issue de l'immigration, relève aussi le CERC. A cet égard, la France détient un « triste record » européen : l'écart de taux de pauvreté entre personnes ressortissantes ou non de l'Union européenne y est le plus élevé. Ce résultat n'est pas dû uniquement à la moindre qualification des parents ou aux familles souvent plus nombreuses, analyse le conseil, mais bien à une discrimination particulière sur le marché du travail.

Troisième facteur de pauvreté : la politique familiale qui, malgré son rôle important dans le revenu des ménages, se traduit par des transferts insuffisants pour réduire les inégalités.

Naturellement, la pauvreté ne se réduit pas à la faiblesse de ressources immédiates, rappelle aussi le rapport. Elle va souvent de pair avec l'habitation dans un logement surpeuplé et développe des risques en matière de santé, dont l'obésité. Elle handicape la capacité des enfants à évoluer, à se construire un capital de connaissances et de savoirs, un capital social, avec des conséquences qui dureront toute la vie, conduisant à une reproduction des inégalités d'une génération à l'autre.

Ce risque provient surtout de l'échec scolaire qui touche particulièrement les enfants des familles à bas revenu. Cette situation est enregistrée dès l'entrée à l'école et tend à s'aggraver au cours de la scolarité, note le CERC qui analyse les multiples canaux qui relient pauvreté et difficultés scolaires. Outre les facteurs matériels, il rappelle l'importance du niveau de formation des parents (surtout celui de la mère) et du temps qu'ils passent à aider au travail scolaire. Celui- ci diminue dès qu'ils se sentent « dépassés », ce qui fait que la faiblesse de l'aide parentale se concentre sur les enfants les moins favorisés.

Mieux tenir compte des charges de famille

Comment réduire la pauvreté des enfants ?Logiquement, le CERC estime que l'accent principal doit être mis sur l'amélioration de l'emploi. Tout doit être fait pour permettre aux parents qui le souhaitent de reprendre rapidement un travail. Ainsi, en matière de garde d'enfants, il ne suffit pas de mieux solvabiliser le recours au mode de garde, qui reste hors d'atteinte des plus pauvres. Il faut également fournir une offre accessible à l'ensemble des familles, avec un véritable service public local couvrant la petite enfance et les premières années de scolarité.

De même, il faudrait mieux tenir compte des charges de famille pour aider les allocataires à sortir des minima sociaux. La récente réforme du revenu minimum d'insertion  (RMI) ne prend pas en considération cette question cruciale, estime le CERC, qui juge aussi urgente une réforme de l'allocation de parent isolé (API), laquelle devrait inclure une aide spécifique au retour à l'emploi. Faute de quoi, nombre d'allocataires de l'API passent au RMI, ce qui se traduit par une baisse de ressources... et l'installation durable des enfants dans la pauvreté.

Néanmoins, toutes les personnes exclues ne pouvant accéder rapidement à l'emploi, il faut aussi améliorer la situation des enfants dans les familles allocataires des minima sociaux par un relèvement des majorations pour enfant. Et « reprofiler » la prime pour l'emploi, dont l'effet devrait être concentré sur les travailleurs pauvres avec enfants.

En matière de prestations familiales, le rapport recommande l'instauration d'une allocation dès le premier enfant et un relèvement substantiel des prestations, notamment pour les enfants les plus âgés. Cela pourrait se faire à dépenses égales, au moyen d' « une redistributivité accrue du système de transferts », actuellement « neutre » si l'on tient compte des prestations et des réductions fiscales. Il plaide aussi pour une augmentation sensible de l'allocation logement pour les familles avec enfants, la politique du logement devant par ailleurs réduire le risque de ségrégation sociale.

La lutte contre l'échec scolaire doit sans doute changer d'échelle, juge par ailleurs le CERC, en concentrant « un effort très intensif et très précoce » (dès le CP) sur les élèves en difficulté, jusqu'à ce qu'ils aient « rejoint le peloton ». Pour les enfants de familles immigrées, l'action doit être coordonnée avec les politiques d'aide à l'intégration des parents, dans le logement, l'emploi, etc. De plus, la lutte contre les discriminations à l'embauche des jeunes issus de l'immigration devra les assurer que leur réussite scolaire contribuera réellement à améliorer leur avenir.

Encore moins que pour tout autre personne, la société ne devrait accepter la pauvreté des enfants, estime le CERC. Dans leur intérêt, mais aussi dans celui de la collectivité. Car la réduire est le meilleur moyen de casser l'engrenage de la reproduction de l'exclusion de génération en génération.

Notes

(1)  Le revenu médian est calculé de telle sorte que la moitié des ménages a un niveau de vie plus élevé et l'autre moitié un niveau moins élevé. Il est rapporté à l'unité de consommation. En 2003,50 % du niveau de vie médian correspondent à 650 €, 60 % à 800 €.

(2)  Le texte sur Les enfants pauvres en France est disponible sur www.cerc.gouv.fr et sur www.ladocumentationfrancaise.fr. Le CERC s'est appuyé sur des études de l'INSEE, de l'INED et de la CNAF et sur un groupe de travail rassemblant chercheurs et universitaires qui a organisé un colloque sur ce thème en mars 2003 : voir ASH n° 2306 du 11-04-03.

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