« Une machine à créer de “faux déboutés”. » C'est ce que risque de devenir, aux yeux des membres de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), l'ensemble du dispositif prévu autour de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par le projet de décret d'application de la loi réformant le droit d'asile (1). Sa crainte, exprimée dans un avis rendu public le 29 janvier (2) : que les demandeurs d'asile ne puissent « valablement faire valoir leur aptitude à se voir accorder la qualité de réfugié ».
Première source d'inquiétude : l'instauration dans le projet de texte d'un délai maximal de dépôt d'une demande d'asile. L'étranger n'aurait ainsi que 21 jours, à compter du moment où un document provisoire de séjour lui est délivré, pour déposer une demande « complète rédigée en français ». Il dispose jusqu'à présent de un mois, « un délai déjà extrêmement court », note la CNCDH : « compte tenu des délais postaux et d'établissement du certificat de dépôt, le demandeur d'asile doit transmettre le formulaire de demande au maximum 15 jours après sa délivrance par la préfecture ». De fait, le futur décret réduirait donc, en réalité, la phase de constitution du dossier « à moins d'une semaine » , analyse l'instance. Ce, alors même que les intéressés « sont souvent non francophones », qu'ils ne bénéficient pour la plupart ni d'une information, ni d'une assistance juridique, et « qu'ils ne perçoivent, à ce stade, aucune allocation leur permettant de faire face aux frais de traduction non pris en charge par l'office ». Le projet de décret réduit en outre le délai à huit jours en cas de demande de réexamen de la demande d'asile. « Trop court pour que l'étranger puisse formuler dans des conditions satisfaisantes cette demande et présenter les faits ou éléments nouveaux susceptibles de la faire réexaminer », juge la commission. L'instance demande donc que le délai de dépôt, qu'il s'agisse d'une première demande ou d'un réexamen, soit fixé à « au moins un mois » , que les frais de traduction soient pris en charge par l'OFPRA et qu'une assistance juridique gratuite soit prévue.
Le temps de l'instruction des dossiers en cas d'application de la procédure prioritaire - pour les demandeurs maintenus en rétention ou ceux issus de pays considérés comme sûrs - fait également l'objet des critiques de la commission. Le délai prévu, de 15 jours au maximum, « ne satisfait pas à un examen équitable des demandes d'asile » et, estime-t-elle, doit être allongé.
La commission pointe encore les silences du projet de décret, regrettant notamment l'absence de précision sur les modalités des entretiens conduits par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Elle juge, de plus, nécessaire de mieux définir la notion d'éléments « manifestement infondés » fournis à l'appui de la demande, qui permet de dispenser l'OFPRA d'auditionner un étranger. Elle déplore aussi que ni la loi ni le projet de texte ne précisent qui peut contester la décision de l'office accordant le bénéfice de l'asile. Et recommande donc que le décret indique « de manière exhaustive quelle personne peut saisir la commission des recours des réfugiés » et qu'il limite cette possibilité, pour les représentants de l'Etat, aux seules décisions d'octroi de la protection subsidiaire.
Dernière source de préoccupation pour la Commission nationale consultative des droits de l'Homme : la création d'une « mission de liaison » avec le ministère de l'Intérieur, annoncée dans le futur décret. L'instance « s'inquiète » de la consultation des services de la Place-Beauvau « dès le stade de l'instruction de la demande d'asile » et demande la suppression de cette mission.
(1) Voir ASH n° 2340 du 2-01-04.
(2) Avis adopté le 22 janvier 2004, disponible sur le site